Par Simone Wapler (*)
On connaissait le Peak Oil… voici venir le Peak Gold.
Lundi 5 novembre, le Crédit Suisse publiait un avertissement selon lequel "la dynamique entourant l’offre et la demande d’or a commencé à tendre inexorablement vers une diminution de l’offre et un accroissement de la demande d’investissement qui aura en final un impact sur le prix de l’or", écrit l’analyste David Davis.
Les analystes, conscients du pouvoir des mots qu’ils choisissent, ont pour habitude de bien les peser. Le propos mérite donc qu’on s’y attarde.
Inexorablement : la tendance décrite est irréversible. Le mot est très fort pour les observateurs financiers prudents qui édulcorent souvent leurs pronostics de verbes au conditionnel.
Diminution de l’offre : le rapport décrit un phénomène déjà familier aux lecteurs de l’Edito Matières Premières pour s’inscrirepuisque mon confrère Emmanuel Gentilhomme et ma consoeur Isabelle Mouilleseaux l’ont plusieurs fois décrit. L’or "facile" a déjà été trouvé. Pour extraire du nouvel or, la situation est la même que pour le pétrole : il faut aller plus loin,plus profond, dépenser plus d’énergie, utiliser plus de main d’oeuvre. Le nouvel or coûte plus cher que l’ancien, qui pouvait se trouver avec une simple bêche. C’est pour cela que les grosses minières peinent tant à augmenter leur production.
Accroissement de la demande d’investissement : il s’agit de l’or sous forme de pièces, lingots et barres. Bien sûr, ce n’est pas la demande des banques centrales qui augmente puisque celles-ci vendent ! Elles vendent d’ailleurs de moins en moins, mais elles vendent toujours, à part les BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine) qui doivent se créer des réserves.
La semaine dernière, en revanche, deux banques centrales européennes ont mis sur le marché 10,6 tonnes. Du côté des demandeurs, on trouve des investisseurs institutionnels et privés, des vendeurs de pétrole et matières premières, certaines populations. Ainsi, l’or reste l’investissement préféré des Indiens : 1 250 tonnes d’importation sont prévues pour 2008, une augmentation de 250 tonnes par rapport à 2007. Près d’un tiers de ce volume se transforme en or d’investissement. Ainsi les bullions cumulent-ils maintenant près de 781 tonnes d’or. Cette réserve privée est désormais supérieure à celle de la Banque centrale du Japon. Et seulement six banques centrales possèdent plus de réserves que l’ensemble des bullions. Les bullions sont un phénomène nouveau, qui a largement contribué à la démocratisation de la possession d’or. Depuis le début de l’année, 150 tonnes supplémentaires sont rentrées dans leurs coffres. Ils constituent la Banque Centrale du Peuple qui n’entend pas se faire confisquer son épargne par l’inflation.
Impact sur les prix : on reconnaît ici le langage habituel d’un analyste. Traduisez évidemment impact par hausse.
Tout cela, cher lecteur, n’a rien de nouveau pour vous. Ce qui est nouveau c’est qu’un analyste le dise et considère cette tendance comme inéluctable. Et lorsqu’il le dit, la hausse de l’or s’accélère.
En d’autres temps, je vous aurais conseillé de prendre partiellement des bénéfices et de vous replacer après la prochaine consolidation de parcours.
Mais il semble que les temps changent. La hausse s’accélère. J’incite donc ceux qui n’ont pas (encore) d’or à en acquérir. Qu’ils conservent en tête que l’objectif final est à 1 800 $ et que d’ici un an, ils auront oublié si leur première acquisition s’est faite à 820 ou 850 $. Et j’incite ceux qui en ont déjà à le conserver. Il sera toujours temps de renforcer la position par la suite…
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora
(*) Analyste, journaliste et ingénieur de formation, Simone Wapler a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les matières premières et les valeurs technologiques et industrielles, elle est rédactrice au sein de Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et analyste en chef de L’Investisseur Or et Matières. Elle se penche aussi sur les ressources naturelles dans L’Edito Matières Premières