** Si vous vous accrochez suffisamment longtemps à une idée ou à une tendance dominante, vous pouvez être sûr que vous finirez par devenir radical, d’avant-garde ou contrarien… voire les trois à la fois. A l’inverse, si vous vous accrochez à une idée ou à une mode radicale suffisamment longtemps, vous pouvez être sûr que vous finirez au beau milieu d’eaux stagnantes terriblement conventionnelles.
– L’histoire nous donne un nombre infini d’exemples de ces tendances cycliques. La polygamie était quelque chose de totalement conventionnel pendant des centaines d’années, tandis que le vote des femmes semblait terriblement choquant. Mais progressivement, ces perceptions se sont inversées et le monde occidental a accepté la notion de "moins d’épouses, plus d’électeurs/électrices".
– Les investissements traversent eux aussi des cycles. Il y a cinq ans, l’or était une "relique barbare" méprisée par la majorité des investisseurs, tandis que les titres adossés aux créances hypothécaires à "haut rendement" étaient un véritable caviar. Aujourd’hui, l’or est chaud comme la braise, contrairement aux titres adossés aux créances hypothécaires.
– Par conséquent, pour rester radical et/ou d’avant-garde, les attitudes contrariennes doivent constamment évoluer… ou hiberner pendant quelques décennies (ou millénaires).
** Les attitudes dominantes doivent elles aussi évoluer pour rester conventionnelles. Même le génie de l’investissement est cyclique. Les héros d’une ère de l’investissement deviennent souvent les moutons de la suivante. Vous souvenez-vous de l’époque où Bill Miller de Legg Mason était un colosse de l’investissement ? Un maître de l’univers de l’investissement sans égal ? Vous souvenez-vous de l’époque où son fonds, Value Trust, a surperformé le S&P durant quinze années consécutives… et que toute la presse le sacrait "plus grand gestionnaire de fonds d’investissement de tous les temps" ?
– Malheureusement, Miller n’a jamais remis en question sa passion pour les actions financières, même quand la crise du crédit a sorti ses griffes. Il s’est contenté de rester immobile face à la crise, et comme un chrétien dans le Colisée de Rome, il a attendu sa sentence.
– "Miller s’est positionné sur des valeurs financières en novembre, mais il a eu tort", rapportait hier le Stock Jockey. "Countrywide Financial l’a tué pendant ces six derniers mois… mais le coup de grâce a été porté par Bear Stearns. Miller semble avoir trempé dans toutes les blue chips désastreuses et Bear Stearns n’est qu’une dernière catastrophe dans son portefeuille… Value Trust enregistre désormais -24% sur l’année".
– La grandeur et la décadence de Miller illustrent les tensions que subissent tous les investisseurs. A quel moment un investissement contrarien est-il intelligent ? Et à quel moment est-il absolument suicidaire ? L’investisseur contrarien gagne de l’argent en investissant AVANT qu’une idée devienne dominante ; PAS en investissant dans des idées dominantes comme Countrywide Financial juste AVANT qu’elles ne deviennent des rebuts contrariens. Malheureusement, en général, ces renversements ne sont visibles qu’une fois qu’il est trop tard.
– Par conséquent, les investisseurs contrariens se retrouvent souvent face à une énigme : à quel moment une idée contrarienne cesse-t-elle de l’être ? A quel moment devient-elle dominante à un point presque embarrassant (et qu’elle ne rapporte plus rien) ?
– L’or est un parfait exemple de cette dynamique. Ce métal autrefois méprisé a quadruplé depuis 1999 ; maintenant qu’il a atteint les 1 000 $ l’once, il est devenu "populaire" et dominant.
– Mais les apparences sont parfois trompeuses. Admettons que l’or à 1 000 $ soit désormais un concept dominant. Alors pourquoi pas l’or à 2 000 $ ?…ou 10 000 $ ? Ces prix ne paraissent-ils pas aussi dingues et radicaux que ne l’était l’once à 1 000 $ en 1999 ? Que doit donc faire l’investisseur contrarien ? Vendre pendant la popularité de l’once d’or à 1 000 $ ou acheter avec l’idée folle et contrarienne de l’once d’or à 10 000 $ ?
– A la Chronique Agora, nous ne donnons pas de réponses, cher investisseur (ce serait de la triche) : nous nous contentons de poser les questions.