Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Depuis mars dernier, le rebond des marchés est impressionnant. En trois mois, le CAC 40 a rebondi de 33%, le DAX de 39%, et les indices Dow Jones et S&P 500 de respectivement 29% et 37%. L’euphorie est de mise. Le résultat est époustouflant.
Pas de doute, les centaines de milliards de dollars injectés à tous les niveaux par les banques centrales et les gouvernements de la planète font leur effet. L’argent coule à flot, et les marchés apprécient.
Continueront-ils d’apprécier lorsque le flot cessera et que le moment sera venu de payer l’ardoise ?
Fuyez le naturel, il revient au galop…
Mais surtout, une fois ces sommes astronomiques absorbées et digérées par le système, l’économie sera-t-elle à même de prendre la relève pour assurer la croissance, la vraie. Celle qui est générée par la création de richesse (biens et services), et non celle artificiellement créée par la création monétaire excessive et l’endettement. Toute la question est là…
En attendant, il y a au moins deux préalables à toute reprise économique : la stabilisation (prix et volume) du marché immobilier américain et la solide reprise de la consommation américaine. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le flou règne sur ces questions.
Les indicateurs soufflent le chaud et le froid
Mardi dernier était une journée qui résume assez bien le flou artistique qui règne en ce moment sur les marchés. Les indicateurs s’entrechoquent, disent tout et leur contraire. De quoi inciter à la prudence. Pourtant, les marchés ne retiennent systématiquement que les indicateurs positifs et s’envolent de plus en plus haut.
Ainsi, le matin, nous apprenions que les mises en chantier de nouveaux logements aux Etats-Unis ont reculé de 12,8% en avril. Les analystes s’attendaient à beaucoup mieux ; et c’est surtout un point bas depuis 1959 ! Sur un an, les mises en chantiers s’effondrent de 54%… Quant aux permis de construire, ils sont eux aussi en repli ce mois encore, bien en deçà des anticipations des analystes. Car sur un an, le repli atteint 50%.
Et je ne vous parle pas des stocks de logements invendus qui représentent un an de transactions au rythme actuel.
Quand on sait que la stabilisation du marché immobilier est indispensable avant d’imaginer une quelconque amélioration de l’économie américaine — la spirale négative étant destructrice de patrimoine pour les Américains –, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il faut rester prudent.
Pourtant, les marchés n’ont quasiment pas marqué le pas à l’annonce de ces nouvelles.
Quelques heures plus tard…
L’indice de confiance des consommateurs américains (Conference Board) ressortait à 54,9 points pour mai contre 40,8 le mois précédent. Un rebond impressionnant et largement supérieur à ce qui était anticipé (42).
Or vous savez quelle importance je porte à la consommation américaine. Sans consommation, pas de reprise possible. Il y a là de quoi être optimiste. Certes.
Cela dit, l’indice de confiance reste psychologique. Avec un rebond de 35% des marchés et des journaux qui n’ont de cesse d’annoncer le retour imminent de la croissance, forcément, les ménages positivent. Ce qui est une bonne chose. Reste maintenant à concrétiser. Et valider que la consommation est bien réelle et en hausse tendancielle.
Les marchés, eux, ne se posent pas toutes ces questions. Ils ont aussitôt bondi, le Nasdaq et le Dow gagnant quelque 3,45% et 2,37% respectivement en une séance. Et pourtant…
Divergence malsaine sur les indices
Si vous regardez les volumes sur le CAC, le Dow, le Dax et le S&P 500, vous verrez qu’ils sont sur une tendance clairement baissière depuis quelques semaines déjà, alors que les cours grimpent. Ce qui n’augure rien de bon.
Pensez-vous vraiment qu’un scénario en V soit possible, comme en 2003 ? A l’époque, la crise était "superficielle" et "locale". Et la reprise a été financée par le crédit à tout-va. Rien à voir avec la situation actuelle.
Cette fois, nous sommes confrontés à une crise structurelle, qui plus est mondiale, dont on mettra certainement du temps à se relever. Il faut purger le système et se désendetter, à coup d’inflation et de hausse de taxes. Et trouver pour un nouveau business model pour assurer la croissance à crédit à fait son temps. Voilà pourquoi je m’attends plutôt à un scénario en L.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.