** Les valeurs financières sont mises à mal. Pour de bonnes raisons. Merrill Lynch, par exemple, a passé en pertes et profits l’équivalent de près de la moitié de sa valeur comptable durant le deuxième semestre 2007. 40% pour UBS. Un quart pour Morgan Stanley. Personne ne sait où ça s’arrêtera.
* "Les principaux acteurs de la plus grande expansion de crédit de tous les temps étaient des sociétés financières", avons-nous expliqué à Elizabeth. "C’était les brasseurs de dettes. Ils gagnaient de l’argent en faisant jouer l’effet de levier sur le monde entier — depuis des gens vivant dans des caravanes à la lisière de trous perdus au milieu de nulle part… jusqu’aux maîtres de l’univers eux-mêmes à Manhattan ou à Londres. Maintenant que le monde dénoue ces positions, il est tout naturel que le secteur financier soit le plus sévèrement atteint".
* Rien que cette semaine, Fannie Mae et Freddie Mac — qui jouaient un rôle-clé dans le spectacle de l’effet de levier — ont vu leur valeur baisser. Les deux sociétés ont perdu près de 4,5 milliards de dollars de capitalisation en une seule matinée.
* Et vous vous souvenez de Blackstone ? La société de rachat privée était si demandée durant la période de boom que même ses fondateurs ont décidé qu’il était temps de vendre — en bourse. Vous vous le rappelez peut-être : nous avions des soupçons. L’idée du private equity, c’était que les petits génies pouvaient être plus malins que le marché. C’était une théorie à l’opposé de la Théorie du Portefeuille Moderne (TPM), selon laquelle les mouvements de cours sont aléatoires ; il n’est donc pas possible qu’une société de private equity fasse mieux que les marchés boursiers pendant longtemps. Si le contraire semblait se produire, eh bien, ce n’était qu’un coup de chance.
* La TPM a toujours été une fraude, mais c’est un peu fort de café, de la part de Blackstone, que de prétendre pouvoir battre les marchés boursiers tout en les intégrant. S’ils pouvaient vraiment faire mieux que le marché, nous demandions-nous, pourquoi les propriétaires voudraient-ils vendre ? Que pouvaient-ils faire avec l’argent ? Et si quelqu’un qui peut vraiment être plus malin que le marché offrait de vous vendre une partie de sa société… ne devriez-vous pas vous méfier ? A moins d’avoir en votre possession quelques photos compromettantes de lui à montrer à son épouse, cela n’a pas de sens. Evidemment, le vendeur a une meilleure idée de ce qu’il est en train de vendre que l’acheteur de ce qu’il est en train d’acquérir — surtout si le premier est un excellent juge en matière de valeur. Cela ne reviendrait-il pas à défier un champion du monde des échecs — dans une partie au cours de laquelle vous auriez les yeux bandés ? L’acheteur ne serait-il pas le perdant ?
* Eh bien, il s’est avéré que les acheteurs étaient des pigeons. Les gens qui se sont positionnés sur les actions de Blackstone lors de son introduction en Bourse en juin dernier ont perdu 55% de leur argent.
* Bien entendu, Blackstone n’est pas le seul à souffrir. Toute la structure du capital est mise à rude épreuve. "Les appels de marge mettent les hedge funds au tapis", titre un journal. "Peloton [un célèbre fonds de couverture qui semble être en train de couler, ndlr.] met ses bureaux en vente", titre un autre.
* Pendant ce temps, les autorités financières japonaises affirment que les pertes directes engendrées par la crise du subprime ont grimpé à 215 milliards de dollars. Selon une estimation, elles atteindront les 1 000 milliards de dollars avant la fin de l’histoire.
** Les ménages ordinaires souffrent eux aussi — non seulement à cause de la chute du prix des maisons et de dettes trop lourdes, mais aussi à cause de la hausse des prix à la consommation.
* Oui, cher lecteur, c’est une guerre sur deux fronts. Au milieu, les classes moyennes sont prises entre deux feux. La valeur de leurs principaux actifs — leur maison et leur propre travail — baisse, tandis que le coût de leur vie grimpe. En termes de pétrole, d’or, de francs suisses, d’euros ou de livres sterling, les Américains gagnent significativement moins d’argent par heure qu’il y a cinq… 10… ou même 30 ans de ça. Et ils sont propriétaires d’une moins grande partie de leurs maisons : le pourcentage de valeur des Américains dans leurs maisons est passé sous les 50% pour la première fois depuis 1945, déclarait la Réserve fédérale la semaine dernière.
* Mais même s’ils ont moins… et gagnent moins… ils doivent malgré tout payer plus. Le pétrole a dépassé les 107 $ hier. Le dollar perd du terrain ; il pourrait bien atteindre les 1,55 pour un euro cette semaine.
* Les prix à la production grimpent eux aussi en flèche. L’IPP a grimpé à 6,6% en Chine. En Grande-Bretagne, il est à un sommet de 17 ans.
* "Morosité chez les consommateurs suite à une baisse du pouvoir de dépense", annonçait un article du Times londonien hier.
* La Fed ne reste pas sans rien faire, bien entendu. Mais elle pointe ses canons dans une seule direction — contre la déflation. L’inflation, elle, peut faire tout ce qu’elle veut.
* Les investisseurs ont compris ce qui se passe. Ils achètent encore des bons du Trésor US, mais maintenant, ils préfèrent les TIPS — des obligations ajustées à l’inflation. Ils ont fait grimper les TIPS si haut que ces derniers produisent à présent un rendement négatif. Absolument, les rendements sont passés sous le zéro… indiquant à quel point les investisseurs veulent se protéger des défauts de paiement et de l’inflation. Rien n’est moins susceptible de faire défaut qu’un bon du Trésor… La preuve, les fédéraux impriment l’argent utilisé pour les rembourser. Ah, c’est bien là le problème — ils tendent à en imprimer de trop, ce qui génère de l’inflation. Mais à présent, les maisons et les actions chutent — tandis que les prix à la consommation grimpent. Ces TIPS fournissent une protection contre les deux ennemis, l’inflation et la déflation. Les autorités fédérales ne feront pas défaut sur leurs obligations de paiement. Et les TIPS sont ajustés aux pertes de pouvoir d’achat — tels que calculées par, eh bien, les autorités fédérales elles-mêmes. Mais la demande pour ce genre de protection est si grande que les investisseurs sont prêts à abandonner tout espoir de rendement actuel pour en posséder.