Par Jean-Claude Périvier (*)
Les infrastructures sont les fondements sur lesquels s’appuie une économie pour se développer. C’est donc un secteur stratégique. Et les économies en développement sont géantes, représentant les deux tiers de la population mondiale.
Des connexions insoupçonnées
Le pétrole est cher. Les hurlements se font entendre aux quatre coins de la planète, des particuliers aux professionnels de la pêche, de la route, etc. Enfin pas tout à fait. Les pays producteurs ne se plaignent pas, pire, ils refusent d’augmenter la production, ce qui ferait baisser les cours.
Et ils n’ont pas intérêt : les six états producteurs du Golfe ont des projets d’infrastructures d’une valeur de deux mille milliards de dollars (le double du cumul de leur produit national !). Rien qu’au Koweït, le projet d’une nouvelle ville est chiffré à 77 milliards. Y a-t-il un meilleur moyen de dépenser les pétrodollars affluant du reste du monde que de se doter de telles infrastructures ? D’autant que cela ne durera peut-être pas toujours.
En Russie aussi
Le Financial Times rapporte que le gouvernement russe soutient un plan visant à investir 1 000 milliards de dollars, soit environ la taille de son PIB, pour moderniser son infrastructure au cours des dix prochaines années. La majeure partie de cet investissement proviendrait de sources privées, un changement majeur par rapport au temps de l’URSS.
La Russie a suivi la tendance des autres pays émergents en établissant son propre "fonds souverain". Les bénéfices des exportations que le gouvernement russe avait mis à l’abri dans des bons du Trésor US commenceront à couler dans des projets d’infrastructures et de ressources naturelles, avec des rendements de long terme plus élevés. D’une manière ou d’une autre, je suis prêt à parier qu’une partie de cet argent finira par s’échouer dans les caisses de Gazprom, le monopole du gaz naturel contrôlé par l’Etat.
L’Asie à l’aise
Parler du boom de l’Asie est un lieu commun. Je vais donc directement à ce qui m’intéresse aujourd’hui. La population augmente, les villes grossissent, se développent. Les sociétés du secteur des infrastructures sont les premières à tirer profit de cette urbanisation galopante.
Quand des gratte-ciel se construisent, les firmes produisant du ciment, de l’acier et des métaux, se frottent les mains. Bien sûr, cela entraîne des besoins supplémentaires en puissance électrique distribuée, en alimentation en eau, en traitement des déchets et des eaux usées. Tout de suite après, des infrastructures de communication et de transport doivent aussi être disponibles. Et si on continue la chaîne des besoins, il faut des commerces pour les occupants de ces nouveaux buildings, habitants ou employés, dont l’élévation du niveau de vie réclame l’accès à des services financiers.
La Chine va augmenter ses capacités de production électrique à un niveau tel qu’en 2015, elle aura une production équivalente à celle de l’Europe. Nouvelles centrales au charbon plus "propres", éolien, solaire, nucléaire… les projets sont innombrables. Le trafic aérien chinois va croître de plus de 8% par an d’ici 2026, et le fret de 10% chaque année. Pour faire face, le gouvernement a planifié la construction de 60 nouveaux aéroports d’ici 2010, ce qui représente un investissement de 17,7 milliards de dollars.
L’Inde devra investir 1 000 milliards d’euros en dix ans pour ses infrastructures. "Le manque flagrant d’infrastructures est considéré comme le talon d’Achille de l’Inde et cela lui coûte chaque année au 3% à 4% de son produit intérieur brut", estime la Banque asiatique d’investissement (BAD).
La croissance indienne ne pourra se poursuivre qu’avec des investissements colossaux dans les infrastructures : électricité, routes, ports et aéroports. Le pays devra ainsi y consacrer 10,5% à 12% de son PIB. Les enjeux sont tels que les financements publics n’y suffiront pas. La BAD vient de prêter 500 millions de dollars afin de promouvoir son partenariat public-privé dans ce domaine. Les fonds seront versés à India Infrastructure Finance, un organisme qui appartient à l’Etat, sur une période de quatre ans et qui servira à lever des investissements du secteur privé à hauteur de 3,5 milliards de dollars.
Je rappelle que la demande est forte dans les pays émergents pour des raisons évidentes : un déficit d’infrastructures, l’arrivée de ressources financières considérables grâce à l’exportation de matières premières et/ou de produits industriels. Avec ce nouveau levier, ces pays peuvent enfin réaliser les investissements indispensables à leur développement.
C’est vrai en particulier pour les pays du Moyen-Orient qui veulent absolument échapper à l’image réductrice d’exportateur des produits énergétiques, ce qui d’ailleurs n’est pas dénué d’arrière-pensées à long terme, car ils anticipent un déclin de leur exploitation pétrolière.
Mais la demande est également forte dans les pays développés, car les infrastructures atteignent leur obsolescence, ou du moins, ont un besoin impératif de rajeunissement, datant souvent des années cinquante ou même du début du 20ème siècle, ce qui est incompatible avec la demande de qualité de vie des populations et avec les nécessités de la compétitivité.
Nous verrons la suite dès demain…
Meilleures salutations,
Jean-Claude Périvier
Pour la Chronique Agora
(*) Parallèlement à sa carrière dans le conseil aux entreprises et l’intelligence économique, Jean-Claude Périvier s’intéresse à la Bourse et à l’investissement depuis 1986. Analyste de talent, il excelle à détecter et anticiper les tendances futures… pour en déduire les meilleures opportunités de gain dans sa toute nouvelle lettre d’information, Défis & Profits.