Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Accoudez-vous un instant avec nous sur le zinc, car c’est de ce dernier que nous allons vous entretenir. D’abord parce que ce métal mérite bien que l’on parle un peu de lui : en termes de production, il se classe juste après l’aluminium et le cuivre — et devant le plomb, avec lequel il est souvent extrait. Ensuite parce que ses fondamentaux nous semblent en avance sur ceux des autres métaux.
C’est parti pour quelques brèves de comptoir !
Mal connu, le zinc ?
Et pour cause : 50% de sa consommation est destinée à la galvanisation. Plaît-il ? Eh bien, il se trouve que plongé dans un bain de zinc en fusion, une pièce en métal ferreux en ressort si "galvanisée" qu’elle en résiste bien mieux à la corrosion ! Cela peut s’appliquer aux barrières de sécurité mobiles que vous voyez dans la rue… et à tout un tas de pièces destinées notamment à la construction et à l’industrie des transports que vous ne soupçonnez même pas.
Notre métal est aussi "Pacifique"
En 2008, selon l’USGS, trois pays bordant cet océan — la Chine, l’Australie et le Pérou — concentraient 54% d’une production mondiale de 11,3 millions de tonnes (Mt). Qui sont les grands noms du zinc ? Selon le cabinet Brook Hunt, les groupes occidentaux dominent du côté des mineurs, alors que du côté des raffineurs, les Asiatiques sont plus présents. Dans tous les cas de figure, la concentration du secteur est assez élevée*.
Le zinc, un métal précoce
Maintenant, jetons un coup d’oeil sur les prix : fin 2006, la tonne de zinc a triplé en 12 mois et culmine vers 4 500 $/t sur le LME. Par la suite, son cours ne fera pratiquement que baisser. Mi-2008, alors que le pétrole et d’autres commodities sont en orbite, notre zinc cote péniblement 2 000 $/t et accuse une baisse de 20% depuis le début de l’année.
Et alors ? C’est bien simple
Le cours de vente du zinc étant ce qu’il est, les mineurs de zinc devaient être très sélectifs et ne retenir que les mines les moins chères, et ce depuis plus longtemps que les autres.
Quand la crise est survenue, ils ont été des plus réactifs, voire des plus brutaux : entre janvier et juillet 2008, ils avaient réduit leur production de 100 000 tonnes. Fin 2008, c’est 1 600 000 tonnes d’offre qui ont été retirées du marché, selon l’ILZSG. A tel point que de décembre 2007 à décembre 2008, la production globale de zinc raffiné a baissé plus vite (-8,5%, selon les consultants de Brook Hunt) que la consommation (-5%).
D’ailleurs, au cours du seul mois de décembre, les acteurs zinguiers suivants ont annoncé des baisses de production — sachant que quatre d’entre eux avaient déjà sacrifié à l’exercice en novembre, et que cela ne les empêche pas de recommencer en janvier — : Korea Zinc, Glencore, Young Poon, Fresnillo, Ruhr-Zink, Xstrata, Boliden, Nyrstar, Teck Cominco, Industrias Penoles, Shalkiya Zinc et Chelyabinsk Zinc. De plus, l’Australien OZ Minerals (fusion d’Oxiana et Zinifex), qui peine à refinancer sa lourde dette, tutoie la faillite.
Les mineurs dézinguent aussi leurs coûts de production
Ce n’est pas tout : les premières mines arrêtées sont aussi les plus coûteuses. Le cash cost moyen est passé de 1 852 $/t en juillet 2008 à 1 212 $/t en janvier 2009, indique Brook Hunt. Soit une baisse de 34,5% en six mois, à laquelle la baisse du pétrole ne saurait être étrangère !
Le zinc a probablement touché le fond avant les autres métaux
Certes, la débâcle de l’automne n’épargnera par notre zinc : depuis mi-octobre, il oscille brutalement entre 1 050 et 1 290 $/t — contre 1 190 $/t actuellement. Mais cela ressemble fort à un palier que le zinc a atteint avant ses comparses comme l’aluminium et le cuivre. L’entrain des zingueurs à fermer des mines s’est manifestement révélé payant.
Des stocks élevés, mais loin des records
Reprenons un verre et regardons du côté des stocks de zinc compilés par l’ILZSG.
S’ils sont orientés à la hausse, ils restent nettement inférieurs à leur moyenne de long terme comme à leurs records de 2004. Rares sont les métaux qui peuvent en dire autant !
Peut-être les raffineurs de zinc ont-ils plus de souci à se faire que les mineurs. Bien connue pour sa tendance à construire plus d’usines que nécessaire — de peur que ses ouvriers ne s’ennuient ? –, la Chine a augmenté ses capacités de raffinage de 11,4% en 2007, à 4,44 Mt. A l’époque, leur taux d’utilisation était de 80%. Certes, c’est mieux que les 70% de 2005, mais dans l’absolu, ce taux reste faible.
Donc imaginez où ce taux doit se situer aujourd’hui — on ne peut rien faire d’autre, Pékin est avare de statistiques déplaisantes –, alors que le ralentissement n’a pas épargné la Chine. Vous comprendrez mieux pourquoi l’Etat chinois s’est lancé dans la constitution ou le financement de stocks de métaux auprès de ses "champions" nationaux.
Le zinc dans les starting blocks ?
Le zinc n’est pas à l’abri de la récession. Le numéro 2 mondial des raffineurs, Korea Zinc, contribue à plomber la tendance : depuis le 5 février, il table sur une baisse de 38% (sic) de ses ventes en 2009 et annonce une réduction supplémentaire de 10% de ses capacités de réduction.
Mais par ses fondamentaux, notre métal se distingue de ses cousins. Ses prix ont commencé à baisser et ont atteint un palier plus tôt que les autres métaux. La vigueur avec laquelle les mineurs ont "coupé" leur production est impressionnante, de même que la faiblesse relative des stocks.
A priori, notre zinc devrait faire partie des tous premiers métaux à grimper le jour où le rebond se concrétisera. Mais vous nous permettrez de rester évasif sur la date.
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
* Il s’agit d’une "baisse brute" : parallèlement, de nouvelles mines entrent en production.
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.