** Nous continuons notre histoire…
* Si l’on en croit la version populaire, Ben Bernanke, notre héros plein de défauts, a évité une Deuxième Grande Dépression. Lorsque la crise est arrivée en 2007-2008, il a calmement ressorti un texte qu’il avait lui-même écrit : "La déflation à la japonaise pour les nuls"… ou quelque chose comme ça.
* Il a ensuite suivi sa propre théorie… calmement… en toute confiance… baissant les taux de la Fed jusqu’à zéro ou presque, poussant le Congrès américain à approuver un gigantesque plan de "relance" et forçant même Bank of America à reprendre Merrill Lynch. Pour cette dernière opération, on l’accuse d’avoir délibérément caché les gigantesques pertes de Merrill, puis d’avoir menacé de renvoi les membres du conseil de Bank of America, s’ils refusaient.
* A cause des actions rapides et décisives de Bernanke, le système bancaire des Etats-Unis a tenu bon durant les semaines critiques de la fin 2008. Et à cause de ses politiques monétaires (et budgétaires), toutes les économies mondiales sont désormais en phase de reprise. Les actions grimpent. Les ventes de maisons augmentent. Tous les indicateurs montrent que le monde va mieux.
* En reconnaissance du fait qu’il a sauvé le monde, Ben Bernanke s’est vu attribuer le plus grand honneur des Etats-Unis ; Obama l’a choisi pour continuer d’être à la tête de la Banque centrale américaine, la Réserve fédérale… même s’il avait été désigné à l’origine par son prédécesseur, un républicain.
* Tout le monde a besoin d’une histoire. C’est comme ça qu’on comprend les choses. Les données ne sont que des données. Les chiffres ne sont que des chiffres. Les faits ne sont que des faits. Sans le cadre d’une bonne histoire qui les tient ensemble, ils ne valent rien.
* Voilà pourquoi, à la Chronique Agora, nous nous méfions des faits, des données et des chiffres. En ce qui concerne ces derniers, ils sont faux avant de nous parvenir… souvent intentionnellement. Ensuite, quand ils sont corrigés, ils disent parfois une histoire complètement différente. Même les "faits" se révèlent souvent n’être pas du tout des faits… mais des données déformées, de l’information qui a été faussée pour entrer dans une narration.
** En attendant, plus les chiffres sont précis, plus ils mentent. Donnez-nous un taux d’IPC de 6,24% et nous vous rendrons deux chiffres qui tiennent de la fiction totale… et un autre qui se révélera être faux plus tard. Quant au taux de croissance du PIB… ne vous donnez même pas la peine de nous fournir un chiffre. Quel qu’il soit, c’est un mensonge.
* La semaine dernière, on a appris que le PIB américain avait enregistré une baisse de 1%. Ce chiffre a surpris les économistes. Ils pensaient qu’il baissait au taux de 1,5%. Cette statistique meilleure que prévu a encouragé les investisseurs à acheter des actions ; les marchés ont grimpé.
* Les économistes sont souvent surpris. Lors d’une étude concernant les prédictions sur le PIB, un chercheur a découvert que les économistes ne faisaient rien de plus qu’extrapoler les tendances actuelles. Si le PIB grimpait de 2%… ils projetaient qu’il grimperait de 2,3% l’année suivante. Ou peut-être de 1,9%. Ces projections étaient généralement correctes. Souvent, une année ressemble beaucoup à l’année qui l’a précédée. Mais chaque fois que la direction changeait du tout au tout, les économistes passaient complètement à côté. En d’autres termes, ils ne sont pas vraiment capables de nous dire ce que l’économie va faire — à moins qu’elle ne fasse rien de différent.
* Nous avons déjà discuté à maintes reprises du manque complet de signification des chiffres du PIB. Ce n’est pas parce que le PIB grimpe que les gens s’en trouvent vraiment mieux. En fait, durant la Bulle Epoque, la croissance du PIB mesurait surtout la vitesse à laquelle les gens se ruinaient. Les dépenses de consommation représentaient 70% du PIB ; à mesure que les dépenses de consommation grimpaient, il en allait de même pour la dette. Il en est sorti un paradoxe et une honte : à la fin d’une des plus longues périodes de croissance ininterrompue du PIB, le ménage moyen était plus pauvre qu’au début.
* Voilà pourquoi nous sommes sceptiques quant aux chiffres… en particulier les chiffres précis. Ils mentent jusqu’à leur dernière décimale.
* Ce qui importe, c’est l’histoire… et notre histoire, à présent, se concentre sur le rôle d’un seul homme : Ben Bernanke. Mais l’histoire que la plupart des gens entendent… et croient… est fausse. C’est comme la croissance du PIB durant les années de bulle : elle peut sembler saine en surface, mais la véritable histoire est à l’opposé de ce qui est communément admis.
* Bernanke a "écrit un livre" sur le moyen d’éviter une déflation, c’est vrai. Mais il n’a pas la moindre idée de ce qu’il fait. Il n’a pas vraiment évité une Deuxième Grande Dépression. Il n’y a pas de reprise authentique en cours. Et le monde ne se trouve pas amélioré par les efforts de Ben Bernanke.
* Au contraire… il rend un gâchis naturel complètement contre nature. Il transforme une dépression en Grande Dépression… il empire une situation grave.
* Tel est du moins notre synopsis. Mais nous allons laisser l’intrigue se dérouler d’elle-même… jour après jour… et voir où elle nous mène. Si nous nous trompons d’histoire… nous nous en apercevrons bien vite.