▪ Il y a beaucoup à apprendre des Argentins. Quand il s’agit de faire n’importe quoi avec une économie, ils sont numero uno. Ce sont des champions olympiques de la prestidigitation financière, et des manipulateurs de génie.
En 2001, le pays était profondément endetté. Le gouvernement était à court d’argent. Et la devise perdait rapidement de sa valeur. Qu’ont fait les Argentins ?
D’abord, ils ont rompu leur promesse aux investisseurs et aux épargnants en détachant le peso du dollar. Ensuite, ils ont pris le contrôle des banques et des comptes bancaires. Les gens épargnaient dans des comptes en dollars US pour éviter les problèmes liés au peso. Mais les autorités argentines ont converti de force ces comptes en peso, alors que ce dernier perdait deux tiers de sa valeur.
Ensuite, ils ont pris les réserves de la banque centrale et les ont utilisées pour payer les dépenses courantes — ce qui a poussé le directeur de la banque centrale à démissionner en signe de protestation.
Enfin, quelques années plus tard, les autorités ont pris le contrôle des fonds de pension — afin de les protéger pour les retraités, bien entendu. Et à quoi sont-ils utilisés ? A financer les déficits du pays !
[NDLR : Le gouvernement français n’a pas attendu pour s’inspirer des méthodes argentines… Continuez votre lecture pour découvrir le scandale qui menace les retraites françaises.]
Mais les autorités argentines ne sont pas seulement des canailles — elles donnent aussi le rythme pour le reste du monde développé.
▪ Est-ce là le sort qui attend les entreprises occidentales ?
Voici un avertissement du Financial Times :
« On a beaucoup parlé de la manière dont le monde développé devrait s’attaquer à ses déficits budgétaires structurels. Mais il reste un lien à prendre correctement en compte : les contreparties de ces déficits budgétaires ‘insoutenables’ du secteur public sont des surplus tout aussi ‘insoutenables’ du secteur des entreprises ».
« La sagesse conventionnelle veut que la crise des dettes souveraines actuelle soit le résultat de gouvernements qui se sont montrés trop prodigues. Mais le problème ne vient pas de ce que les gouvernements ont ‘trop dépensé’ ; il vient de ce que les entreprises ont ‘trop peu’ dépensé. De plus, dans la mesure où cette épargne entrepreneuriale est la principale contrepartie des emprunts gouvernementaux, tant que les entreprises ne recommencent pas à dépenser, le fardeau de l’ajustement budgétaire devra porter sur des réductions des services publics et sur une augmentation de l’imposition personnelle. Il est temps de changer de débat, en oubliant la position budgétaire pour se concentrer sur le fait de savoir si un changement dans le comportement des entreprises est responsable du pétrin budgétaire dans lequel se trouve le monde développé ».
« Il est très inhabituel que le secteur des entreprises accumule des surplus financiers durables. Regardez ce qui s’est passé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis depuis plus d’un demi-siècle, vous verrez que le secteur des entreprises tendait à être un emprunteur net, plutôt qu’un épargnant net ».
« Ce qui a engendré la récente évolution des surplus financiers, c’est la décision, de la part des entreprises, de s’éloigner de l’investissement. Les ratios investissement/PIB dans le monde développé sont actuellement proches de planchers qu’ils n’avaient plus atteints depuis 60 ans. Les entreprises semblent avoir décidé de se consacrer à une gestion dédiée au cash et non à la croissance. C’est ce profond changement des habitudes des entreprises que les législateurs et les politiciens ont mis du temps à détecter. Tant que ce comportement ne changera pas — ou tant qu’il ne sera pas changé — il sera très difficile d’améliorer la situation budgétaire ».
« Durant l’ère Reagan-Thatcher, les politiciens ont diminué les impôts pour que les entreprises viennent dans leurs pays, investissent, créent des emplois… de manière à ce que ces politiciens puissent ensuite être réélus. Les choses ne fonctionnent plus ainsi ; la mondialisation est passée par là. La réalité, c’est que les services publics utilisés par les ‘99%’ subissent toute la pression, tandis que les régimes fiscaux attractifs pour les entreprises sont protégés. Tout comme les pontes des syndicats dans les années 70 n’ont pas vu venir le coup, les capitaines d’industrie mondiaux pourraient subir un destin similaire — à moins de mettre leur argent au travail dans les pays dans lesquels ils sont domiciliés ».
Les Argentins donnent le rythme à tous les gouvernements modernes. Et le Financial Times est leur journal de référence. C’est ce que lisent les politiciens. Et les banquiers.
Là, le Financial Times dit clairement ce que les politiciens devraient penser : les entreprises sont à blâmer pour les problèmes financiers actuels. Elles n’ont pas investi leur argent comme elles l’auraient dû. Si elles avaient plus investi au lieu de verser des dividendes et des bonus aux riches, nous aurions plus d’emplois… plus de dépenses et plus de croissance.
Les autorités peuvent sans aucun doute les aider à trouver des moyens d' »investir » leur argent…
2 commentaires
Bonjour M. Bonner ,
Je trouve votre article (également appuyé de celui du Financial Times) particulièrement interressant .
Je lis également vos articles quotidiennement depuis près de 2 ans .
Dernièrement , j’ai été informé d’un autre phénomèneconstat m’apparaissant tout aussi important pour une compréhension complémentaire à celle du FT énoncée mais relative cette fois , au comportement m’apparaissant inhabituel de l’inflation actuelle ( dont je cherchais une explication sensée depuis longtemps en dépit des conclusions usuelles concernant l’utilisation (abusive) des presses à billets de plusieurs autorités à travers le monde ) . J’aimerais en discuter avec vous et en valider l’explication (pour moi : toujours plus facile d’en parler que de l’exprimer par écrit) si votre disponibilité le permet , bien sûr .
J’ai complété ma première carrière après plus de 31 ans auprès d’une importante institution financière canadienne . Mon père (toujours vivant ) a exercé sa profession de courtier en valeurs mobilières durant 52 ans ; la finance et la Bourse sont deux passions que nous partageons fortement . Comme le dit un dicton de par ici : une Banque ça mène à tout à condition d’en sortir ! Eh bien depuis peu , j’ai débuté une deuxième carrière touchant encore la finance mais cette fois au sein d’un groupe d’entreprises privées …en dehors du système bancaire .
En terminant , je crois sincèrement que vous et d’autres collaborateurs(trices) de votre équipe chez Agora contribués à nous garder éveillé réveillé ( c’est selon ) sur ce qui se passe réellement en économie et finance sur le plan mondial . Votre approche non partisane , non téléguidée , honnête et réfléchie n’est aucunement le miroir de la très grande majorité des autres observateurs et commentateurs financiers , où qu’ils se trouvent . C’est rassurant , rafraichissant et très bien ainsi . Poursuivez votre bon travail.
Salutations et au plaisir .
Benoît Gingras
Excellent humour, cette façon de montrer avec l’argentine un avatar très possible de la situation.
Qui peut dire aujourd’hui que ses valeurs bancaires ne peuvent pas être réquisitionnées ? En 14 en France. En 1992 en Russie. Etc…. Voila un scénario de sortie de crise de la dette à creuser. La réquisition.
Cela pourrait se lier avec la pression sur le marche immobilier.
Par exemple. Des millions sont mal et chers logés donc grosse pression. Réquisition de fonds liquides entreprises ou particuliers. Accord des lobby btp. (facile). accord des électeurs. Accord des institutions financières. Explication: lancement d une nouvelle forme d’assurance-vie basée sur le nouvel immobillier.
Perdant immobilier ancien (petits proprio) prétexte de la norme.
Destruction de capital immobilier ancien.