▪ "Je crois que vous vous trompez sur une chose", nous écrit un lecteur américain. "Vous faites comme si les dépenses gouvernementales étaient toujours un crime, un péché ou au moins de l’argent gâché. En fait, les soldats travaillant pour le gouvernement américain protègent le pays. Grâce aux routes, vous pouvez aller de Bethesda à Baltimore (une chose que je ne vous envie pas). Même les ronds-de-cuir sont nécessaires ; il faut bien payer les factures. Les retraités ont besoin de leurs chèques. Les dépenses gouvernementales sont peut-être inefficaces, mais elles représentent tout de même une véritable contribution au PIB".
Notre correspondant a raison. La main-d’oeuvre gouvernementale compte des milliers de gens honnêtes faisant un travail honnête — et en partie utile. Le problème, c’est que dans la mesure où ce travail n’est pas soumis aux lois du marché, on ne sait jamais à quel point il est utile. Quand une chose vaut-elle la peine d’être faite ? Lorsque les gens sont prêts à vous payer pour ça. Comment savoir quand il faut en faire plus ? Lorsque le profit ajusté au risque que vous engrangez dépasse le taux que vous pourriez obtenir en prêtant votre argent au gouvernement, sans risque. Pourquoi tant de gens veulent-ils prêter de l’argent au gouvernement US actuellement ? Parce que le rendement des autres investissements est si bas… et le risque si élevé.
Les marchés découvrent constamment jusqu’à quel point les choses sont utiles et désirables. Les prix changent sans arrêt. Une chose grimpe… une autre chute… dirigeant toujours les producteurs et les consommateurs vers une utilisation optimale de leur argent.
▪ Mais les autoroutes, les guerres et les bureaucraties ne sont pas valorisées par les marchés. On ne sait donc jamais ce qu’elles valent. Dans une vraie guerre, un pays pourrait être prêt à verser jusqu’à son dernier centime pour faire reculer l’ennemi. Mais qu’en est-il des "guerres de choix" comme celles d’Irak ou d’Afghanistan ? Combien valent-elles vraiment ? Personne ne le sait. Et personne ne s’en soucie vraiment. Elles deviennent simplement quelques programmes gouvernementaux de plus… ponctionnant éternellement des ressources qui devraient aller à l’économie réelle. Il y a des dizaines… des centaines… de programmes gouvernementaux mis en place durant la Grande dépression et qui sont encore en vie. Chacun a grandi année après année… et chacun emploie désormais des milliers de travailleurs bien payés. Chaque employé reçoit non seulement un salaire, mais également une couverture sociale et une retraite… et il a besoin d’un bureau où travailler et un endroit où garer sa voiture. Que fait-il ? Que se passerait-il s’il arrêtait de le faire ? Personne ne le sait.
Nous allons faire une supposition. 90% des employés fédéraux de Washington pourraient aller voir ailleurs… et la vie continuerait comme avant — voire mieux.
Sur 10 employés gouvernementaux, deux font probablement des choses utiles… des choses pour lesquelles nous paierions volontiers si elles n’étaient pas faites par le gouvernement — bien que nous les paierions certainement moins cher que ce qu’elles nous coûtent actuellement. Cinq autres font des choses qui ne valent pas la peine d’être faites — des choses qui sont du gâchis d’argent pur et simple. Et les trois derniers font des choses qui détruisent la richesse… des choses qui empirent en fait la situation. Ces trois-là sont des économistes. Ou des avocats. Ou qui sait quoi encore.
▪ Bien entendu, dans le secteur privé aussi les gens font n’importe quoi. Il suffit de voir ceux qui rédigent des prêts subprime. Ou ceux qui font du rap. Ou ceux qui vendent des télévisions. Mais après tout, ce n’est que notre avis ! Que le marché (le consommateur) décide ! Ce n’est pas de notre ressort. Dieu merci.
Dans l’ensemble, dans le secteur privé, les gens obtiennent ce qu’ils veulent… et ce qui les attend. Les gens qui gâchent de l’argent n’en ont bientôt plus à gâcher. Les gens qui font des mauvaises affaires ou prennent de mauvaises décisions d’investissement font faillite. Les erreurs se corrigent d’elles-mêmes… sauf si le gouvernement intervient !
Dans le secteur public, ce n’est pas le cas. Les erreurs se perpétuent d’elles-mêmes. La dernière chose que veut un bureaucrate, c’est voir sa mission disparaître. S’il lutte contre l’illettrisme, il y a fort à parier que moins d’enfants apprendront à lire. S’il lutte contre la pauvreté, il y a fort à parier que plus de gens seront pauvres. S’il lutte contre le terrorisme, c’est sur le terrorisme qu’il faut placer votre argent.
L’échec est récompensé par un accroissement du budget — tandis que le succès, c’est l’auto-extermination.
Si bien qu’à mesure que le pourcentage de l’économie dicté par le gouvernement augmente, il en va de même pour le gâchis, l’inefficacité et la contre-productivité. Comme l’a découvert l’Union soviétique, on peut augmenter le PIB par ordre du gouvernement… mais tout ce qu’on obtient, c’est un gros tas de rien. Nous avons voyagé en Russie à la fin de la période soviétique. A l’époque, les Russes avaient été réduits à une pauvreté inimaginable. Tout ce qu’ils avaient à vendre aux touristes, c’était de l’équipement pillé dans les stocks de l’armée. Nous avons acheté une paire de bottes en cuir pour un dollar. Le meilleur achat de notre vie. Nous les portons encore 20 ans après. Il y a deux semaines, elles nous ont évité de perdre une jambe, lorsque nous avons glissé pendant que nous coupions un arbre à la tronçonneuse. Elle a coupé dans la botte, mais n’a même pas égratigné notre jambe.
Pourquoi cette petite discussion sur les dépenses gouvernementales est-elle importante ? Parce qu’il s’agit du "reste de l’histoire". Les économistes encouragent les dépenses gouvernementales en tant que substitut aux dépenses privées… et les emplois gouvernementaux en remplacement d’emplois perdus dans le secteur privé. Près de cinq millions d’emplois ont été perdus en 2009 — quasiment tous dans le secteur privé.