** Tous les graphiques techniques et les indicateurs d’opinion des investisseurs sont d’accord : l’or est "suracheté" et les actions sont "survendues". Par conséquent, l’or devrait s’effondrer et les actions devraient remonter… du moins pendant un temps.
– Et c’est bien ce qui s’est passé…
– Durant les séances du milieu de la semaine dernière, l’or a perdu plus de 40 $ l’once, tandis que l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a récupéré 155 des 7 000 points qu’il a perdus depuis octobre 2007. Bravo au contingent des baissiers sur l’or/haussiers sur les actions ! Ils ont finalement remporté une victoire.
– Mais quel genre de victoire ont-ils obtenue ?
– Le contingent des baissiers sur l’or/haussiers sur les actions pense qu’un changement majeur est proche. Ils croient que leurs quelques jours de succès ont engendré une victoire aussi essentielle que celle de l’armée de l’Union à Gettysburg. Mais nous pencherions plutôt pour une victoire équivalente à celle des Cheyennes à Little Big Horn.
– L’ennemi a été ébranlé, mais pas vaincu.
** Les forces qui ont fait monter l’or et baisser les actions sont sous contrôle. Aucun investisseur ne devrait donc penser que la guerre est terminée. Les tendances économiques sous-jacentes ne sont pas près de changer. La crise du crédit n’étudie pas les graphiques techniques et ne lit pas les indicateurs d’opinion des investisseurs. Elle fait ce qu’elle a envie de faire. Et ce que la crise du crédit fait le mieux, c’est détruire les entreprises basées sur le crédit… et récompenser les acheteurs d’actifs non adossés au crédit, comme l’or.
– Malgré la dévastation qui a ravagé les marchés financiers, la plupart des investisseurs font toujours confiance aux "actions pour le long terme". Nous n’avançons aucun argument ; nous faisons seulement un rappel : le long terme peut être très long. En voici un exemple : l’indice Nikkei japonais est toujours 80% en dessous du pic qu’il a atteint en 1989. 20 ans, c’est long.
– Nous ne sommes pas là pour jouer les rabat-joie. Mais nous ne sommes pas non plus là pour promouvoir l’idée que chaque plongeon de la Bourse est une opportunité d’achat. Nous n’y croyons pas. Pour information, même à 7270, les chutes du Dow Jones nous intéressent plus que les remontées.
– Nous le confessons ; nous prenons le risque de maintenir nos vues baissières trop longtemps. Mais ce risque ne nous dérange pas. Acheter des titres sélectifs ; oui. Acheter en Bourse au sens large ; non.
– Nombre de commentateurs de la Bourse sont toujours assaillis par le syndrome du "plus bas que". Les actions semblent bon marché parce qu’elles sont bien plus bas que de 14 000, pas parce qu’elles sont bon marché dans l’absolu. Elles sont bon marché quand on regarde en arrière, mais elles peuvent toujours sembler TRES chères quand on regarde vers l’avenir.
** Autre chose, le coût d’achat de CDS (credit default swaps) à cinq ans pour s’assurer contre la défaillance possible des bons du Trésor US a atteint 100 points de base pour la première fois jeudi dernier. En langage normal, cela signifie que pour assurer 10 millions de dollars de bons du Trésor US pour cinq ans, il en coûte désormais 100 000 $ — alors que cela coûtait 5 000 $ l’année dernière.
– Nous ne savons pas exactement ce que signifie cette multiplication par 20 du prix des CDS, mais nous sommes quasiment sûr de savoir ce que cela ne signifie pas. Cela ne signifie pas que le gouvernement américain devient plus solvable.
– Assurer la dette du Trésor US contre les défaillances coûte désormais plus cher qu’assurer la dette de presque toutes les entreprises américaines notées AA ou A+ . En d’autres termes, le Trésor US n’est pas aussi AAA qu’il devrait l’être, selon les acheteurs de CDS.
– Mais soyez rassurés, les CDS sur la dette du Trésor US restent bien au dessous du prix des CDS comparables pour les dettes bulgare, argentine et lettone. Qui plus est, comme l’a fait remarquer le frère de votre chroniqueur, la valorisation des CDS sur la dette du Trésor US fournit une sorte d’optimisme pervers — l’acheteur de CDS pense que la contre partie des CDS devrait survivre à une défaillance du gouvernement américain. Autrement dit, les acheteurs pensent que le système financier est plus fort que le gouvernement lui-même.
– Nous ne sommes pas convaincu. Le système financier a difficilement survécu à la faillite de Lehman Bros. Et d’après ce que l’on sait, le gouvernement américain est une entité légèrement plus grande et plus importante. Nous doutons donc que n’importe quelle institution financière ait la capacité de payer si le gouvernement américain fait faillite.