Par Bill Bonner (*)
Le capitalisme est la panacée universelle, en fin de compte. Il guérit les symptômes de l’affluence comme de la pauvreté.
Nous écrivons ces lignes à Manchester, une coïncidence… parce que c’est à Manchester, selon la légende, que la révolution industrielle a commencé. Des outils modernes, un flux d’argent constant et du carburant fossile ont été rassemblés, créant une telle poussée qu’elle permit à l’humanité de sortir de l’ornière du Moyen-Age et de prendre son envol. Des économistes écossais peu dépensiers — en particulier Adam Smith et Adam Ferguson — ont vu ce qui se passait et noté la leçon morale : en renonçant aux satisfactions de la consommation courante, l’épargne pouvait être investie dans des usines, des machines et de nouvelles découvertes augmentant la production de la main d’oeuvre.
Grâce à ces nouveaux outils, un travailleur pouvait produire plus de choses dans le même laps de temps. Et toutes ces choses ne tardaient pas à le rendre riche. Selon MeasuringWealth.com, durant la deuxième moitié du 18ème siècle, le travailleur britannique moyen gagnait environ 60 livres par an. A l’époque, il ne fallait que 5,25 livres sterling pour acheter une once d’or, si bien qu’il gagnait l’équivalent de 14 onces d’or, ce qui vaut environ 6 622 livres sterling aux cours actuels. Un siècle plus tard, en 1971 pour être exact, ses revenus avaient grimpé pour atteindre l’équivalent de 49 onces d’or par an — soit environ 23 000 livres sterling aux prix actuels.
(Si vous avez la bosse des maths, vous êtes déjà en train de vous poser des questions. Le salaire moyen en Grande-Bretagne aujourd’hui est de 23 177 livres. En termes d’or, les salaires ont stagné ces 37 dernières années).
Mais quelles que soient les merveilles créées par James Watt et les citoyens du coeur industriel du Royaume-Uni, leurs descendants d’Amérique en ont généré une nouvelle : au beau milieu du plus grand boom financier et technologique de l’histoire, ils se sont débrouillés pour réduire la valeur de leur propre travail.
Oui, cher lecteur, aujourd’hui, nous détournons notre regard des pauvres, des faibles et des masses qui en rang serrés luttent pour s’offrir leur riz quotidien… et nous nous concentrons plutôt sur les gens qui luttent pour assurer leurs remboursements de carte de crédit. Voici un groupe de gens si gâtés par la Nature qu’ils étouffent. Et leur richesse aussi est mise à mal.
Les Etats-Unis ont de riches terres agricoles, de la côte Est à la côte Ouest. Pourtant, le pays est un importateur net de nourriture. En fait, il est importateur net de tout ce qui peut être transporté. Chaque jour qui passe, les USA reçoivent l’équivalent de deux milliards de dollars de plus de ces objets transportables qu’ils n’en exportent.
Avant l’administration Nixon, de tels déséquilibres ne pouvaient perdurer trop longtemps ; mais quelles qu’aient été les bénédictions divines déversées sur les Etats-Unis — montagnes majestueuses ou champs dorés décrits par l’hymne national — elles n’étaient rien par rapport aux privilèges accordés par le système monétaire post-1971.
Nous verrons pourquoi dès demain…
Meilleures salutations,
Bill Bonner
Pour la Chronique Agora
(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".