Par Bill Bonner (*)
"On trouve principalement deux sortes de dépenses différentes", écrivait feu Kurt Richebächer. "La première concerne les biens et les services de la production actuelle, qui viennent augmenter le PIB. La seconde concerne l’immobilier existant, les terrains, les bâtiments, les usines et l’équipement, ainsi que toutes sortes d’actifs papier (comme les actions, les obligations, les prêts hypothécaires et ainsi de suite)"…
Keynes a explicitement classifié les deux composants de la masse monétaire en tant que "circulation industrielle", opposée à la "circulation financière". Cette distinction est importante ; elle est comme la différence entre une femme et un travesti. Ils se ressemblent sous quasiment tous leurs aspects — sauf les plus importantes.
De nombreux marchés étrangers — dont la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil — ont profité de vrais booms. Ils ont construit des usines. Ils ont mis en place des aéroports et des autoroutes. Les salaires ont grimpé. Les PIB ont augmenté. Dans ces pays, les gens sont plus aisés aujourd’hui qu’il y a dix ans. Voilà pourquoi ils ont été des investissements si profitables ; voilà aussi pourquoi nous continuons à les recommander. S’ils continuent de se développer, leurs citoyens peuvent s’attendre à être un jour aussi riches que les Occidentaux — voire plus riches.
Mais le boom des Etats-Unis n’était pas un boom économique ; c’était une bulle financière — et toutes les bulles explosent. Dans une bulle financière typique — de la folie des tulipes au 17ème siècle à la bulle des dot.com au 21ème siècle — les prix des actifs explosent et les spéculateurs perdent de l’argent. Ils se relèvent ensuite en époussetant leurs vêtements, plus pauvres mais plus sages, et les gens retournent au travail. Mais les bulles des dernières années possédaient quelque chose que les précédentes n’avaient pas — le soutien de la banque centrale la plus grande et la plus puissante au monde… et une devise aussi déloyale que ses gardiens. Cela était principalement dû à la contribution du Dr. Alan Greenspan, et désormais de son protégé, Ben Bernanke. Ils ont construit un monde plus sûr pour les bulles.
Résultat : plus de bulles que jamais, encore plus grandes.
"Une bulle peut être un accident", notait un éditorialiste dans le Financial Times, "mais deux en l’espace d’une décennie, ça commence à ressembler à de la négligence".
Après l’explosion de la bulle des technologiques, en 2000-2001, une autre bulle, plus grosse — celle de l’immobilier résidentiel — a pris sa place. Elle a été aidée et encouragée par des bulles simultanées sur les produits dérivés de prêts hypothécaires — notamment dans le domaine des subprime — et sur le secteur financier en général. L’explosion de ces bulles domine les gros titres de la presse financière depuis un an. C’est également ce qui a mis fin à la Grande Modération.
Mais ces bulles n’étaient le résultat ni d’un accident ni de négligence. Les gouverneurs de la Fed ont des ampoules révélatrices aux mains. Lorsqu’une bulle a éclaté, la Fed et les autres banques centrales en ont gonflé une autre. Aujourd’hui, elles continuent de pomper — les masses monétaires grimpent partout dans le monde (aux Etats-Unis, les derniers chiffres montrent que la masse monétaire est cinq fois supérieure à la croissance du PIB)… et le taux directeur de la Fed représente moins de la moitié de l’inflation des prix à la consommation. De nouvelles bulles sont inévitables. Et à présent, elles enflent là où elles sont le moins avantageuses — dans le pétrole, les matières premières, l’or et les marchés émergents.
C’est l’arroseur arrosé. Ce nouveau flot de liquidités ne soulève pas l’économie comme il le faisait lorsqu’il coulait dans les actions, l’immobilier et la finance. Au lieu de cela, cette marée fait grimper les prix à la consommation… tandis que les actifs chutent, que des familles tout entières se noient et que la réputation du Dr. Greenspan vient s’échouer sur le rivage comme une bouteille de plastique vide.
Meilleures salutations,
Bill Bonner
Pour la Chronique Agora
(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres "L’inéluctable faillite de l’économie américaine" et "L’Empire des Dettes".