▪ Si vous observez la chute d’un indice boursier, des bons du Trésor ou d’une matière première en cette première semaine de l’année, faites comme si vous n’aviez rien vu !
Oubliez le mot consolidation, il ne fait plus partie du vocabulaire boursier, ignorez la tentation d’appuyer sur la touche vente (de toutes façon, elle est verrouillée depuis le 31 août 2010) et intéressez-vous plutôt au VIX, le baromètre du stress.
Regardez, il est plongé dans un coma profond depuis des semaines, oscillant entre 17 et 18 (un véritable plancher historique).
Même en lui envoyant une décharge de Taser, il sursauterait à peine. Le VIX a été placé dans un état végétatif profond et toute tentative pour le réveiller semble vouée à l’échec.
Prenez par exemple la Bourse de Paris. Hier, elle affichait -1,7% à la mi-journée (effaçant alors 75% des gains accumulés depuis lundi). Mais ce n’était qu’un simple hoquet indiciel, une péripétie sans conséquence.
Le VIX n’a même pas tressailli et le CAC 40 a clôturé au plus haut du jour, exactement au même niveau qu’à l’ouverture (3 904,5 points).
Les optimistes ont déjà oublié son repli anodin de 0,3% (comparable aux 0,37% de pertes de l’EuroStoxx 50) et ne retiendront que les nouveaux sommets inscrits par Wall Street, dans le sillage du compartiment bancaire qui semble revenir à la vie.
▪ L’optimisme inoxydable des opérateurs américains se traduit par une série gagnante de quatre séances consécutives sur le Dow Jones et par une vingtième séance de hausse sur 24 pour le S&P. L’indice n’a connu qu’une seule séance de perte (de 0,5%) depuis le 1er décembre dernier.
Nous aurions pu assister à la seconde baisse de cet ordre ce mercredi car Wall Street était anticipé en repli de 0,5% (en matinée) au lendemain de la publication des ‘minutes’ de la Fed (réunion du 14 décembre). La banque centrale américaine confirme le lent redressement de la croissance… et ne voit du danger que du côté des dettes souveraines des pays de la zone euro.
Les Etats-Unis n’ont pas de souci de refinancement. S’il manquait 150 milliards de dollars (un chiffre pris tout à fait au hasard parmi tous ceux qui circulent en « off » dans les travées du Congrès américain) pour boucler le budget 2011, la Fed n’aurait qu’à les imprimer. Et tout ceci en suggérant que la BCE serait trop bête de ne pas en faire autant alors le Portugal a hier affronté une nouvelle défiance des marchés lors d’une levée de fonds bien laborieuse.
▪ Mais passons vite sur ces questions ennuyeuses de trop-plein de dettes et d’insolvabilité des Etats périphériques de la zone euro car le vice-Premier ministre chinois, Li Keqiang, effectue une tournée dans la péninsule ibérique.
C’est l’occasion de faire le plein d’huile d’olive et de vaches espagnoles (enfin de viande congelée s’entend)… mais aussi de réitérer ses promesses d’achats de dettes émises par Madrid ou Lisbonne. Bien qu’il ne se soit engagé ni sur un montant ni sur les conditions, les marchés y croient : c’est toujours un pur bonheur que de rappeler aux Occidentaux qui est le nouveau maître du monde.
▪ La véritable embellie est venue des Etats-Unis. Wall Street a chassé toutes ses idées grises — les idées noires, c’est réservé aux Français selon un tout récent sondage concernant le moral des populations mondiales — en découvrant un triplement des créations d’emplois dans le secteur privé. Le total passe de 92 000 et 297 000, largement au-dessus des 120 000 anticipé.
Il s’agit de la plus forte progression observée depuis 11 ans, avec notamment 270 000 emplois créés dans le secteur des services — ce qui constitue une accélération pouvant justifier une certaine perplexité.
L’indice PMI des services a également bondi de 2 points (à 57,1) au lieu d’une stagnation attendue au mois de décembre. Voilà de quoi étayer les rumeurs selon lesquelles le PIB américain aurait progressé de 3,5% à 4% au quatrième trimestre mais il n’est toujours pas question de suspendre la politique monétaire de taux zéro.
La Fed semble faire preuve de la même absence de réactivité que lors du gonflement de la bulle des dérivés de crédit (de 2004 à 2007) consécutive à des taux demeurés trop bas beaucoup trop longtemps. Ben Bernanke aime voir tourner le manège financier jusqu’à ce que l’oeil ne puisse plus en distinguer les détails… comme les pales des hélicoptères qu’il affectionne tant.
▪ Les marchés sont un peu comme un grand 8 qui aurait déraillé en 2008. Les freins avaient lâché après le grand looping des subprime… vous connaissez la suite.
L’attraction faisait déjà assez peur avant l’accident mais pour attirer de nouveaux clients, la direction du parc d’attraction annonce qu’après quelques travaux de réhabilitation, le nouveau grand 8 spéculatif va deux fois plus vite : sensations fortes garanties.
Nous ne sommes pas surpris qu’en dehors des robots de trading qui ne ressentent ni la sensation d’écrasement ni la nausée après une demi-douzaine de virages serrés, personne n’ait plus envie de monter à bord.
De toute façon, quand bien même quelques amateurs en chair et en os se présenteraient sur le quai d’embarquement, ils seraient bien en peine de prendre place à bord des nacelles car l’attraction tourne en boucle depuis quatre mois et enchaîne les tours sans jamais marquer de temps d’arrêt suffisant pour déverrouiller les arceaux de sécurité.
Et comme le but du jeu consiste à battre les records de l’an passé, moins il y a de charge emportée, plus il est facile de d’accélérer dans les montées.