Par Sylvain Mathon (*)
Puisque j’en ai la place, permettez-moi de rassembler les arguments que je développe dans les pages de ma lettre, Matières à Profits, depuis des mois, pour vous donner mon opinion sur les tribulations des marchés.
La "nationalisation de fait" de Freddie Mac et Fannie Mae visait à restaurer la confiance dans le système financier américain — et, par voie de conséquence, dans l’économie nationale. Peine perdue : la déroute des deux champions américains du crédit pourrait n’être que le début du cauchemar pour la Fed.
Le ver était dans le fruit
Nous nous y attendions : tout comme lors de la "spirale japonaise" des années 90, on n’efface pas de telles crises en l’espace de quelques mois ; d’autres cadavres risquaient fort de surgir du placard. Lehman Brothers est le premier ; d’autres devraient suivre.
Le cas Merrill Lynch a été rapidement réglé (rachat par Bank of America). Mais d’autres bancaires inspirent l’inquiétude. On parle évidemment d’AIG, le grand assureur mondial, et de Washington Mutual (WaMu).
Voici ce que j’écrivais il y a un an (Matières à Profits n° 8) : "je pense qu’il restera des séquelles [de la crise] dans l’inconscient des opérateurs. Le marché devrait rester agité jusqu’à mi-octobre (je n’exclus pas de nouveaux plus bas annuels) ; à cette date, l’ensemble des banques auront communiqué sur leur exposition éventuelle. C’est ensuite que les conséquences de la crise, enfouies dans l’économie mondiale comme le ver dans le fruit, pourraient ressurgir à la faveur d’un nouveau choc exogène… Et, peut-être, nous révéler l’étendue de la gangrène. Je me demande, entre autres, ce qu’il adviendra de la croissance chinoise à la mi-2008, après l’arrêt des grands travaux des Jeux olympiques"…
Chine : le revers de la médaille
Nous y sommes. Aucun doute, les Chinois sont sortis grands gagnants des Jeux olympiques. En termes d’organisation, de suprématie économique, de médailles gagnées, l’Empire du Milieu nous en a mis plein la vue. On peut même se demander si les résultats des Jeux ne reflètent pas le basculement du rapport de forces. Avec 51 médailles d’or, la Chine surclasse les Etats-Unis qui n’en totalisent "que" 36 : une première.
Certes, la puissance économique chinoise n’a pas encore dépassé celle des USA, mais le compte à rebours enclenché par la crise des subprime semble s’accélérer… Attention cependant à ne pas aller plus vite que la musique. Les signaux macroéconomiques d’un relatif ralentissement chinois commencent à s’accumuler. L’excédent commercial a ainsi marqué un nouveau record en août, à 26,89 milliards de dollars (Mds$) mais son taux de croissance s’affaiblit. Quand aux signaux techniques, ils sont encore plus alarmants : l’indice phare de Hong Kong, le Hang Seng, a déjà perdu plus de 40% depuis son sommet à 32 000 points, il y a moins d’un an. Or malgré cette sous-performance bien supérieure aux places occidentales, il y a de fortes chances pour que la correction continue — et même s’accélère.
Je précise que l’indice plus spécialisé des entreprises continentales chinoises, le HSCEI, présente une configuration similaire.
Vous savez que la contagion de la crise des subprime a été longtemps contenue par la "théorie du découplage" : les opérateurs pariaient sur le boom de la construction dans les émergents, ce qui devait contrebalancer la morosité du marché nord-américain, consécutive à la crise de l’immobilier. Toute la question était de savoir si les marchés intérieurs asiatiques étaient en mesure de prendre le relais pour, en quelque sorte, prospérer "en roue libre", sans la dynamique occidentale pour les soutenir.
Mais comme pour tout phénomène cinétique, les frottements extérieurs finissent par ralentir même les plus belles mécaniques. Selon moi, comme ce fut le cas à Athènes, la fin des Jeux olympiques pourrait marquer le moment où les frictions exogènes l’emportent sur la dynamique interne. Nombre de grands travaux cessant, la demande intérieure faiblirait, sans parvenir à compenser ces frictions externes.
La suite dès demain…
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
(*) En tant qu’analyste technique au sein d’une équipe spécialisée, Sylvain Mathon a conseillé pendant près de dix ans de grandes salles de marchés sur les matières premières et l’énergie. Mais pour bien comprendre les matières premières, ce n’est pas dans une salle de marché qu’il faut être, mais bien sur le terrain, là où l’on cherche, extrait, transforme et consomme des matières premières. Et c’est bien ce qu’a compris Sylvain Mathon. C’est pour cette raison qu’il parcourt le monde entier afin de dénicher — pour les abonnés de Matières à Profits — les pépites de demain. Pour visiter le site internet de Matières à Profits, c’est ici. Vous l’aurez compris : Sylvain Mathon allie son expérience des marchés et sa méthode d’analyse à des voyages passionnants — à la recherche de LA valeur au potentiel extraordinaire.