Par Isabelle Mouilleseaux (*)
"Les Etats-Unis croulent sous le pétrole", titre La Tribune
Paru la semaine dernière, le niveau hebdomadaire des stocks de pétrole américains le confirme une nouvelle fois : la tendance reste inchangée, les stocks s’accumulent outre-Atlantique, encore et encore.
3,9 millions de barils supplémentaires. Enorme ! C’est 50% de plus que ce que le consensus des analystes prévoyait. Donc, nous en sommes à… 370 millions de barils stockés. Cela ne vous parle peut-être pas, mais il faut remonter presque 20 ans en arrière pour retrouver un niveau de stocks aussi excessivement élevé. Nous étions alors en pleine guerre du Golfe.
Et je ne vous parle pas du stock de produits distillés qu’on s’attendait de voir baisser de 600 000 barils et qui ressorte en hausse de 2,7 millions de barils…
La consommation continue de baisser
Voilà qui traduit bien la baisse continue de la demande de brut. Les consommateurs américains se serrent la ceinture, les usines tournent au ralenti. La consommation s’est repliée de 6,5% sur le dernier mois, comparé à ce qu’elle était l’an dernier sur la même période.
Cette tendance américaine se retrouve à l’échelle mondiale. Même la Chine est touchée. "La baisse de la demande de pétrole pourrait approcher les 3% sur la période 2008-2009, alors qu’on observait une hausse de 1% par an les années précédentes", expliquait récemment Thierry Desmarest, président de Total.
Ce qui est étonnant, c’est que malgré cette mauvaise nouvelle, le cours du brut n’a pas franchement varié, et n’est surtout pas allé enfoncer le niveau support des 48 $ qui résiste fort bien. Ce seuil va-t-il contenir les pressions baissières ? Possible. Mais pas certain. Je vous explique mon point de vue.
Les facteurs clés qui feront le cours du pétrole dans les semaines à venir
Fondamentalement, le cours du brut est corrélé à l’activité économique. On vous dit que nous avons touché le fond et qu’elle va repartir en fin d’année… je suis très sceptique sur ce point. Je ne m’attends pas à un rebond rapide de l’économie, ce qui immanquablement pèsera sur les cours.
Spéculativement, le cours du brut est aussi corrélé aux marchés actions en ce moment. L’impressionnant rebond des marchés a clairement tiré le cours du brut à la hausse. Reste à savoir s’il va se poursuivre. Vous connaissez mon avis : il me semble qu’il s’agit d’un rebond fort dans un marché baissier. Si la tendance boursière se retournait, le cours du pétrole sera tiré vers le bas.
Enfin, vous avez l’OPEP, qui maîtrise 40% de l’offre mondiale de brut. Elle seule peut neutraliser l’impact de la chute de la consommation — liée à la crise –, en réduisant sa production. Ce qui pourrait permettre au cours du brut de se maintenir au-delà des 48 / 50 $.
Tant que l’OPEP jouera le jeu…
Il y a 15 jours, Chakib Khelil (ministre algérien de l’Energie) disait que l’OPEP allait maintenir ses quotas de production inchangés. Mais son avis peut d’ici là évoluer et il n’est pas improbable que nous assistions à une nouvelle baisse des quotas. Réponse le 28 mai prochain à Vienne.
Mais cela ne suffira pas. Il faudra ensuite que cette décision se traduise effectivement dans les faits pour voir le cours du pétrole en profiter. Depuis septembre dernier, les baisses de production annoncées ont été en très grande partie appliquées. Mais plus les quotas baissent, plus les réticences des pays producteurs surgiront. Car produire moins signifie pour eux moins de recettes budgétaires. Ce qui crée pour beaucoup d’entre eux des problèmes politiques et sociaux lourds à gérer.
Donc, je m’attends à ce que les quotas aient du mal à être respectés s’ils devaient à nouveau être abaissés.
Quoi qu’il en soit, tout cela ne change pas grand-chose à la problématique du pétrole
Certes, si nous passons sous les 48 $, nous reviendrons alors vers des 40 $. Mais plaçons-nous dans une optique moyen long terme et prenons du recul : entre 37 / 40 $ et 50 / 53 $, le cours du brut est, pour moi, dans sa zone plancher.
Mercredi dernier, il était à 147 $, il reviendra demain à 75 $ avant de repartir au-dessus des 100 $. La tendance long terme du pétrole reste haussière. La crise actuelle est à considérer comme une grosse consolidation au sein d’une tendance haussière.
La seule vraie question est celle du timing. Combien de temps le brut restera-t-il dans la zone plancher avant de reprendre son élan ? Difficile à dire… Tant que le pétrole est sous les 50 $, et plus il est proche des 40 $, meilleure est la fenêtre pour se placer sur le cours du brut et capitaliser sur son inéluctable hausse à long terme.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.