Sylvain Mathon (*)
Le boom de la géothermie commence…
Je vous l’ai dit et je le répète : en matière d’énergie, il y a de la place pour tout le monde. Face à la pénurie annoncée, la variété du mix devient une question de survie. La seule question à se poser pour évaluer les perspectives d’un secteur, c’est donc la compétitivité à court terme de sa technologie.
Les coûts de construction d’une centrale géothermique sont élevés. Pour les grosses structures, les plus rentables, il faut compter à partir de 3 000 $ environ par kilowatt installé. En contrepartie, le combustible est gratuit… Et l’entretien représente moins d’un tiers des coûts totaux de l’équipement.
Entre cinq et sept cents le prix au kw/h en Californie ! Contre 15 cents pour le nucléaire…
Pour le prix au kw/h, on estime qu’il s’échelonne entre cinq et 30 cents selon les conditions géologiques et la technologie employée : ce qui montre, encore une fois, que cette énergie est avant tout une affaire d’opportunité.
En Californie, une des régions pionnières en la matière, on table sur cinq à sept cents pour les centrales récentes. A titre de comparaison, le coût au kw/h du gaz naturel est désormais proche des huit cents aux Etats-Unis, en raison de la flambée des cours ; celui du nucléaire avoisine les 15 cents. Et comme vous le savez déjà, le nucléaire et très compétitif !
Le temps joue pour la géothermie…
La géothermie privée, quant à elle, pâtit encore de son coût à l’installation. Je ne veux pas jouer les prosélytes : cette technologie n’est pas non plus la panacée… Mais il ne fait aucun doute qu’elle recèle un sacré potentiel, dont nous n’avons pour l’instant qu’effleuré la surface.
Les années qui viennent devraient voir le boom de la géothermie à l’échelle mondiale… Tout simplement parce que le temps joue pour elle. La flambée des carburants fossiles la rend d’ores et déjà concurrentielle. Elle ne pollue pas et, par rapport à d’autres énergies vertes comme l’éolien, elle offre un approvisionnement continu, garantie de stabilité pour les réseaux électriques.
Le potentiel énergétique terrestre n’est exploité qu’à 6%…
Les experts estiment la capacité mondiale totale de production à 149 000 MW. A l’heure actuelle, 9 500 MW sont en exploitation. Le potentiel énergétique terrestre n’est exploité qu’à 6%…
Il faut dire que jusqu’à une date récente, la géothermie — surtout de très basse énergie — faisait figure de "luxe écologique".
La crise des carburants fossiles et la montée d’une dramatique pollution urbaine, dans les métropoles émergentes ont changé la donne. J’avais constaté cela en Inde : tout comme j’avais pu voir que le développement des zones rurales isolées nécessitait des équipements énergétiques autonomes de petite taille, à prix modéré… ce que pourraient nous offrir de futures générations de pompes à chaleur.
Les besoins des émergents vont accélérer l’émergence de la géothermie
Les émergents n’ont pas le choix. Il leur faudra mettre la géothermie dans leur mix énergétique… La Chine le sait bien : l’Empire du Milieu et l’écologie, cela ne se résume pas au refus du protocole de Kyoto ! La présidence de Hu Jintao, inaugurée en 2002, s’inscrit sous le signe d’une croissance mieux maîtrisée : limiter la dépendance énergétique et réduire la pollution urbaine. Certes, l’accent reste porté sur les fondamentaux socialistes de la croissance industrielle. Mais avec 300 000 morts chaque année pour raisons environnementales (vous avez bien lu !), le pays ne peut plus fermer les yeux.
La croissance du marché chinois des pompes à chaleur : +17% par an !
En octobre dernier, le géant Sinopec s’est associé à des partenaires islandais pour promouvoir de grands chantiers géothermiques. La Chine s’est dotée d’une loi pour atteindre, d’ici à 2020, une part de 10% de renouvelable dans sa production énergétique. La croissance du marché chinois des pompes à chaleur (80% des équipements de climatisation) est estimée à 17% par an.
Si j’insiste sur le rôle nouveau des émergents, c’est qu’ils pourraient bouleverser cette industrie de fond en comble. Demande en explosion, massification des équipements, innovations techniques, baisse des coûts de production, démocratisation des technologies…
Si vous voulez mon avis, la géothermie, après une longue traversée du désert, pourrait bien atteindre la masse critique dans les deux décennies qui viennent.
En attendant, regardez vers les Etats-Unis !
Les Etats-Unis sont un champion de la géothermie : notamment la Californie, terre de geysers et d’écologistes. Or la politique énergétique de l’administration Bush commence à avoir mauvaise presse : d’abord adulées, les sociétés fabriquant de l’éthanol sont accusées d’aggraver la pénurie alimentaire mondiale, tandis que l’empreinte écologique de cette production (eau, engrais, pesticides, produits chimiques) s’avère plus lourde qu’attendu…
L’élection d’un nouveau président pourrait être le prétexte à une inflexion sensible : c’est le pari que font déjà bon nombre d’analystes. Et si l’on reparle d’énergies vertes, la géothermie est un candidat rêvé pour les USA. Or le secteur américain est très fragmenté : voilà pourquoi je vous conseille vivement de jouer un leader, qui pourrait bénéficier à fond des consolidations sectorielles… et du boom de la géothermie.
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
(*) Globe-trotter invétéré et analyste averti, Sylvain Mathon, est un peu "notre" Jim Rogers… Après avoir travaillé durant dix ans au service de grandes salles de marché, il met depuis février 2007 toute son expertise en matière de finances et de matières premières au service des investisseurs individuels dans le cadre de Matières à Profits, une lettre consacrée exclusivement aux ressources naturelles… et à tous les moyens d’en profiter. Il intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières.