Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Pauvre aluminium ! L’indice LMEX — qui retrace l’évolution des prix des grands métaux non ferreux, dont notre "alu" est le premier — a rebondi de 27% depuis le début de l’année, et de 51% depuis son "creux" de fin février. Mais la tonne d’aluminium n’a pris que 8% et 28% sur les mêmes périodes. L’une des explications : des stocks colossaux — et multiformes.
Suite à une crise aussi soudaine, il est logique que les stocks, "tampons" entre l’offre et la demande, s’accumulent. Dans le cas de l’aluminium, ils se sont proprement envolés. Etat des lieux.
Les stocks de marché : colossaux !
Les stocks les plus significatifs et les plus transparents sont administrés par les grandes places de marché, à commencer par le London Metal Exchange (LME) fort de ses entrepôts sur les cinq continents.
Au 20 juillet, les stocks d’aluminium du LME se montaient à près de 4,55 millions de tonnes (Mt), soit 11% de la production de 2008 de 39,7 Mt, selon l’US Geological Survey. Un niveau énorme qui de surcroît augmente rapidement : le niveau des stocks atteignait 1,1 Mt il y a un an, 2,3 Mt début janvier, 4,5 aujourd’hui ! +310% sur un an…
D’autres grands marchés métalliques gèrent eux aussi des stocks, comme le COMEX de New York (50 500 t) et le Shanghai Futures Exchange (SHFE, 170 000 t).
Sous-total : plus de 4,6 Mt !
Les stocks industriels : costauds !
Continuons notre tourisme en entrepôts du côté des fondeurs d’aluminium. Pour faire fonctionner leurs usines, ils constituent des stocks de lingots, de demi-produits et de métal recyclable prêt à la refonte.
L’institut international de l’aluminium (IIA), qui s’évertue à les comptabiliser, vient d’indiquer que fin mai, ces stocks industriels étaient de 2,52 Mt. Signalons que ces stocks-là — et eux seuls — tendent à baisser, leur moyenne étant de l’ordre de trois millions de tonnes depuis 1999.
Les stocks d’Etat : nouveaux !
Nous vous l’avons assez répété : la Chine s’est lancée fin 2008 dans la constitution de stocks stratégiques. Certains sont gérés par les provinces, parallèlement à des subventions au stockage dont on ne sait pas grand-chose de précis, sinon qu’elles existent. Les stocks centraux sont administrés par le Bureau des réserves de l’Etat (BRE).
Si le BRE reste aussi muet qu’il est actif, d’autres officiels viennent de parler pour lui. Fin juin, un certain Yu Dongming, membre du département métallurgique du Comité pour le Développement national et la Réforme — une sorte de Commissariat général au Plan, qu’on avait déjà entendu à ce sujet fin 2008 — a donné bien des détails au magazine financier Caijing. Ces derniers mois, a-t-il déclaré en confirmant les rumeurs, le BRE a amassé 590 000 t d’aluminium.
Rapport d’étape : nous en sommes presque à huit millions de tonnes de stocks d’aluminium confirmés, et nous devons ici arrêter le compteur officiel. Pourtant, il continue de tourner.
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.