Décidément, l’opposition Grèce/Allemagne agite les bureaux des Publications Agora… et nos lecteurs. Philippe Béchade a consacré plusieurs chroniques à vilipender l’Allemagne ; Isabelle Mouilleseaux s’est chargée quant à elle de plaider pour nos voisins d’outre-Rhin.
Du côté des lecteurs… on dirait que la balance penche légèrement du côté allemand. Voilà par exemple ce que nous écrit L.J. concernant la différence de situation entre l’Allemagne de la Réunification et la Grèce actuelle :
"Lors de la réunification le problème était de déchirer l’Union soviétique le plus vite possible et je pense que les analystes connaissaient la rudesse de l’effort même s’il n’était pas claironné à la cantonade. Pour la Grèce (je m’en excuse je ne suis pas un expert) il s’agit de triche, de mensonge et de veulerie. Cela fait des années que l’Herald Tribune parle du ‘Club Med’. Nos politiques malgré le vote contraire des citoyens nous associent à ce barnum dont eux-mêmes et leurs mandants tirent le plus grand profit et c’est l’épargne de prévention de nos compatriotes qui va se volatiliser. De plus je n’entends pas parler de poursuites sérieuses à l’égard des criminels financiers !"
Il semblerait que ce soit "l’attitude" de la Grèce qui choque plus particulièrement. La triche et la volonté de dissimuler sont des circonstances aggravantes qui ne passent pas. Un autre lecteur, F.C., nous faisait part de son indignation :
"Selon Reuters, Angela Merkel consentirait à ce que la Grèce soit aidée financièrement conjointement par l’Union européenne et le FMI, uniquement si celle-ci ne réussissait plus à lever des fonds sur le marché obligataire".
"Après tant d’actes de contritions, c’est tout ce que la Grèce demandait : l’assurance de pouvoir continuer à avaler des quantités astronomique de liquidités et de pouvoir continuer à déambuler dans les couloirs de la Communauté européenne complètement saoule, vociférant qu’elle n’a rien bu, sans en craindre les conséquences".
"Je cite ici Alexander Elder dans son livre Vivre du trading, mon livre de chevet, où il fait des rapprochements très pertinents entre les traders et les alcooliques chroniques : ‘un alcoolique doit reconnaître qu’il ne peut pas contrôler son accoutumance à la boisson’."
"Cette citation est édifiante. La Grèce n’a pas reconnu sa dépendance à la boisson. Loin de là. Elle reste optimiste quant à sa situation et ferme les yeux devant les escaliers de la cave, peut-être un peu hésitante car humiliée par la situation récente, espérant y trouver encore une bonne bouteille. Elle finira au fond de la cave, elle parmi tant d’autres (Etats-Unis, [Royaume-Uni, France…), pelotonnée dans un coin, suintant la dépendance, immobile et blême"…
Le rapprochement avec les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne me semble particulièrement judicieux ; c’est le monde occidental tout entier qui a eu "la descente facile", cette dernière décennie — et aujourd’hui, alors qu’une cure de désintoxication s’impose, nos gouvernements lèvent le coude avec encore plus d’entrain ! Le Portugal vient de subir la dégradation de sa notation par Moody’s… qui sera le prochain ?
Enfin, P.P. — tout comme nous — a des doutes plus généraux :
"Si fondamentalement, je partage l’ensemble de vos vues, il semble toutefois que la réalité soit toute autre. Je réitère donc mon avis initial : tout le monde veut voir le CAC à 4 000 minimum et tout sera fait pour que les choses en soient ainsi (et croyez-moi, cela ne me fait point plaisir)".
"Ce matin encore, un responsable de haut vol dans la finance me confirmait l’impossibilité d’une rechute des marchés car les économies des pays industrialisés ne pouvaient se le permettre".
"Vous pouvez lever votre drapeau d’alerte au krach. Il n’arrivera pas dans l’immédiat. Je me demande même si il se produira un jour"…
Nous nous posons la même question !
Mais Philippe Béchade le disait hier, la situation actuelle est loin d’être normale : "comme vous avez pu le constater depuis la mi-février, il se produit un scénario jamais observé en 130 ans d’historique des indices boursiers américains avec des séries de 10, puis 15 puis 20 séances de hausse d’affilée".
"Nous devons avouer notre trouble face à une manipulation des indices qui se perpétue sans qu’aucune force contraire ne s’exerce, et sans que quiconque s’alarme de ce singulier phénomène. L’une des raisons est qu’une hausse — même bizarre — arrange tout le monde. L’autre raison, vous pouvez la décrypter dans des commentaires sur certains forums d’analyse technique et beaucoup d’opérateurs la soufflent à demi-mot".
"Cela donne en substance : ‘ils’ sont trop forts, ‘ils’ ont la Fed avec eux, ‘ils’ font ce qu’ils veulent puisque personne ne les contrôle, alors… on se contente de faire du day trading, tout comme eux, mais la comparaison s’arrête là, car les volumes qu’on traite, c’est de la bricole".
La vraie question, maintenant, c’est… jusqu’à quand la manipulation réussira-t-elle à contrer les forces naturelles des cycles boursiers ? Parce que "tout le monde" veut peut-être la hausse, mais M. le Marché, lui, veut la baisse… et comme chacun le sait, M. le Marché obtient toujours ce qu’il veut. Peut-être pas quand vos humbles correspondants le souhaitent ou l’avaient prédit… mais il finit par y arriver.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora