** La panique est terminée. La panique n’a pas encore commencé. Quelle phrase est la bonne ? Les deux, peut-être ?
– Nous dirons les deux. La situation s’est calmée sur les marchés financiers en mars, et les actions sont remontées. Les actions n’ont pas rechuté à la suite de mauvaises nouvelles, et les mauvaises nouvelles (aussi mauvaises soient-elles) n’ont pas empiré, ce qui est bien.
– Nous avons cherché toutes sortes de métaphores divertissantes pour expliquer ça, mais l’explication la plus simple est encore la meilleure : tremblez. Les autorités ont fait leur part du travail pour débarrasser les citoyens de leur instinct naturel de prudence en les couvrant de liquidités. Mais il y a plein de raisons d’avoir peur, et plein de raisons de penser que les chiffres qui donnent confiance vont dégringoler dans quelques mois.
– Le problème, c’est que tous les autres indicateurs de l’économie réelle laissent supposer que M. Tout-le-Monde va se faire flageller cette année, principalement par l’augmentation du chômage. Il y a également le risque qu’une seconde vague de panique frappe les marchés financiers quand le plan Geithner n’aura pas réussi à résoudre le problème des actifs toxiques. Et on aura alors de la panique à la fois dans les hauts lieux de la finance et dans les cuisines.
– Le FMI prédit 3 100 milliards de dollars supplémentaires d’actifs bancaires toxiques. Et à Washington, on est de plus en plus sceptique en ce qui concerne le département du Trésor américain : savent-ils vraiment ce qu’ils font ?
** Un rapport publié hier par le jury chargé de surveiller le déploiement du TARP a avancé la possibilité que, pour gérer la crise, le Trésor américain se base sur une supposition : les actifs en difficulté vont se remettre.
– Le rapport disait : "il est possible que l’approche du Trésor ne prenne pas en compte l’ampleur de la baisse actuelle et le degré auquel la valorisation basse des actifs en détresse reflète précisément leur valeur. Les actions menées par le Trésor américain, le Conseil de la Réserve fédérale et le FDIC sont sans précédent. Mais si la crise économique se révèle plus grave que prévu, il est possible que le Trésor américain soit forcé de mener des actions très différentes pour restaurer la stabilité financière".
– Le rapport annonce ensuite ce que ces "actions très différentes" pourraient être. Elles comprennent trois options principales ; la liquidation, la mise sous séquestre et la subvention. Etant donné que les deux premières options impliquent qu’il faudrait admettre l’échec (et la chute de nombreuses banques américaines, qui pourraient entraîner avec elles d’autres banques et d’autres institutions) la troisième option, la subvention, avance sur le chemin du TARP.
– Mais ce n’est pas non plus très brillant, selon les auteurs du rapport. D’abord, ils décrivent comment cela a fonctionné jusqu’à maintenant et disent que cela ne fonctionnera peut-être plus. "Les subventions peuvent être directes", explique le rapport, "par le biais d’injections de capitaux au banques, ou indirectes, par le rachat des actifs en difficulté à des prix gonflés ou la réduction des normes de prudence. L’assistance en liquidités peut fournir aux banques le capital nécessaire pour survivre pendant les mauvaises périodes économiques jusqu’à ce que la croissance revienne".
– "Mais les subventions entraînent le risque d’obscurcir les évaluations réelles. Elles impliquent un danger supplémentaire de déformer à la fois les marchés spécifiques et l’économie en général. Les subventions entraînent également un risque de puits sans fond, en soutenant des banques insolvables pendant une très longue période et en retardant la rémission de l’économie".
– Les subventions créent également des banques zombies, une économie zombie, et une population vraiment furieuse qui se rend compte qu’un secteur — et son cortège d’erreurs — sont étayés par leurs soutiens politiques dans une économie corrompue. Cela sème forcément le trouble.
** "Mec, t’es déprimé ?", nous a demandé un de nos amis.
– "Non", avons-nous répondu. "Mais je vais prendre une autre bière".
– "Je veux dire, tous les jours c’est des ‘actifs toxiques’ par-ci, la ‘grande dépression’ par-là, et ‘l’or, l’or, l’or’.", a continué notre ami. "Si je ne faisais que lire ton truc, j’aurais tendance à penser que le monde de la finance est sur la fin".
– "C’est le cas — au moins le monde de la finance tel que tu le connais. Et je sais que tu lis d’autres choses. C’est pour ça que j’écris ce que j’écris".
– "Qu’est-ce que tu veux dire ?"
– "Eh bien, si je me contentais de dire ce que tout le monde sait déjà, ou si je résumais les dernières nouvelles, qui lirait ce que j’écris ?"
– "Personne, sauf peut-être ta mère".
– "Peut-être. Quoi qu’il en soit, il se passe des choses sérieuses en ce moment. Ca a commencé en 2007. Beaucoup de gens veulent que tu penses que le pire est passé. Ils veulent peut-être aussi s’en convaincre. Mais je pense que tu devrais au moins te préparer à la possibilité que ce ne soit pas le cas".
– "Je n’ai pas l’impression que tu te prépares beaucoup. Tu te répètes beaucoup peut-être. Tu écris beaucoup. Mais est-ce que tu te prépares ?"
– "Eh bien, tu es un crétin. La première chose à laquelle tu dois réfléchir, c’est si c’est le bon moment pour acheter pendant un rebond. Non, ça ne l’est pas. Ensuite, tu dois repenser l’allocation de tes actifs de base. Et tu devrais sûrement repenser la répartition de tes revenus de retraite… ta pension… le pouvoir d’achat de ton épargne, des choses comme ça.
– "Peu importe, tout ça fonctionne par cycles. Ça s’arrangera un de ces jours. Sois un peu plus positif. Et puis, qui a le temps de s’inquiéter autant pour ces choses-là ?"
– "Moi. Et tous les gens qui ont de l’argent et qui veulent le garder pendant les cinq prochaines années, quand tout ce dont je parle va dégringoler".
– "Hé, j’ai pas beaucoup de liquide sur moi. Tu me payes une autre tournée ?"