Par Léo Golovine (*)
Il est presque de bon ton, en France, de fustiger la mondialisation, censée être responsable de tous les malheurs ou quasi. Le "capitalisme mondial" (qui n’est pas sans rappeler la bonne vieille notion de "judéo-capitalisme cosmopolite" des années 1930) est pêle-mêle coupable des délocalisations, du chômage, de la faillite de la Sécurité Sociale, de l’endettement de la France, et j’en passe. Au lieu de chercher les vrais responsables, il est si commode de désigner des coupables à l’extérieur de nos frontières !
Cependant, pour toute personne se donnant la peine de réfléchir quelques instants, la mondialisation est non seulement déjà ancienne et incontournable, mais aussi parfaitement bénéfique. Dès le moment où les conflits armés ont commencé à prendre de l’ampleur, au point de dépasser il y a près de cent ans les limites d’un continent pour devenir mondiaux à double reprise, les conditions étaient nées pour l’apparition d’échanges commerciaux complexes, ramifiés, supranationaux. Il y a seulement cinq siècles, les relations économiques internationales n’étaient pratiquement que commerciales (un riche marchand vénitien ou portugais se rendant aux Indes et en ramenant des épices pour Amsterdam ou Londres). Puis, une vie financière a commencé à apparaître (avec notamment les lettres de change tirées sur des banques étrangères), ainsi qu’industrielle (les "manufactures" et premières usines commençant de plus en plus à recevoir des matières premières de l’étranger). Le reste est allé de manière mécanique et rapide, et plus personne ne s’étonne de porter des vêtements venus du bout du monde ou de voler dans un avion auquel des centaines d’entreprises de plusieurs pays ont contribué (dans un Airbus, pas moins de 20 pays sont représentés dans les faits).
Sans cela, l’extraordinaire croissance mondiale ne serait pas ce qu’elle est depuis deux siècles ; on en serait encore à la lampe à huile ; les progrès techniques et sociaux incroyables n’auraient pas eu lieu ; les ouvriers en seraient encore à travailler 16 heures par jour (enfants y compris) et ne pourraient consacrer leur maigre revenu qu’à leur survie (alors que les gains de productivité permettent un accroissement incessant du pouvoir d’achat de tous les acteurs économiques, et si il y a 100 ans, un ouvrier ou petit employé mettait une journée de travail pour se payer un livre, il lui faut pour cela un quart d’heure aujourd’hui, et il peut de même partir en vacances, se payer une voiture, etc.).
La société de consommation moderne (qui a des méfaits évidents, dont nous pourrions parler une autre fois) permet du moins une croissance continue et ce dans le monde entier, les modèles occidentaux (notamment américain, mais pas uniquement) étant suivis partout. Ca tire la croissance à la hausse, et l’ouverture des frontières, l’accroissement des voyages, l’augmentation des échanges culturels, l’apparition d’un nombre important de mariages mixtes, sont autant des facteurs sociaux qu’économiques. La mondialisation permet une meilleure connaissance de l’Autre, amène davantage de tolérance et de compréhension mutuelle. Si on ne s’arrête pas à des aspects caricaturaux dont certains médias nous abreuvent (avec les délocalisations vues souvent de manière simpliste), on constate bien rapidement combien la mondialisation relève le niveau de vie partout dans le monde, permet de limiter voire d’éradiquer la famine et la récession, sert de véhicule aussi à une prise de conscience humaniste. La pyramide de Maslow est formelle et toujours vérifiée : quand de plus en plus de Chinois, d’Africains ou de Latino-Américains seront correctement nourris, vêtus et logés, viendra enfin le temps des droits de l’homme et du libéralisme politique.
En fait, au risque de paraître paradoxal, les principaux problèmes du monde moderne viennent non pas d’un excès de mondialisation, mais au contraire de son insuffisance : ça ne va pas assez vite. Les défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui ne sont plus gérables au niveau national, qu’il s’agisse de la gestion des gisements et des énergies, de l’écologie, de l’exploration spatiale et des océans, de la recherche dans le domaine de la santé et des nanotechnologies, etc. (sans oublier le problème posé par les extrémismes religieux de tout poil, le terrorisme, la crise spirituelle due notamment à l’excès hédoniste de la société consumériste…). Or, alors que l’économie devient de plus en plus interpénétrée et mondiale, et alors que les grands groupes sont de plus en plus déconnectés d’une économie nationale donnée et de plus en plus supranationaux, les Etats nationaux, eux, continuent de s’accrocher, alors qu’en vérité le Roi est nu et les Etats modernes ne sont plus en l’an de grâce 2007 aussi omnipotents que jadis. De même que sont dépassées les opinions publiques, qui adoptent souvent des positions absurdes ou simplistes (comme en France lorsque un "fleuron national" se fait attaquer en Bourse, ce qui génère des réactions indignées de tout bord, alors que l’inverse est souvent salué, ce qui est passablement ridicule comme attitude).
Allez donc expliquer à un Français dit "de base" que Danone se faisant racheter, ça ne change pas grand-chose ; que le capital est devenu mondial et que cela est bien ; que sans une mobilité croissante, sans une circulation de plus en plus fluide des biens, des hommes, des capitaux, la France ne serait plus aussi puissante qu’elle continue encore (miraculeusement) à être. Allez notamment lui expliquer que si nous sommes si riches, c’est que le libéralisme économique et politique est passé par là, et que revenir à davantage de protectionnisme ne ferait que tomber l’épée de Damoclès de la récession. Allez aussi lui expliquer qu’il n’est pas moral (ni économiquement efficace !) pour la planète que la richesse de quelques-uns repose sur la pauvreté des autres, que la corruption endémique dans certains pays sous-développés obère tout espoir de rémission, que la présence de quelques régimes autoritaires et criminels (souvent grâce à la complicité des gouvernements occidentaux), loin de garantir la stabilité, garantit surtout la perpétuation de la misère, que l’état de l’environnement commande des mesures urgentes comme par exemple la révision radicale de nos modes de vie, et j’en passe.
La vraie mondialisation est non seulement souhaitable donc, mais aussi impérieusement nécessaire. C’est celle qui fera naître un ordre mondial bâti non pas sur la violence et sur le cynisme, mais sur le respect mutuel, sur le travail commun, sur l’humanisme.
Au moment où j’écris cet article, on apprend que Hédiard vient d’être racheté par des investisseurs russes (horresco referens !!). Je suis tenté de dire pour ma part : and so what ? Au lieu de nous joindre au choeur des aigris et des mauvais coucheurs, occupons-nous plutôt des vrais problèmes et des choses essentielles… Le nationalisme économique est aussi néfaste que le nationalisme politique, les deux génèrent la guerre et la misère. La mondialisation, elle, lorsqu’elle jouit d’un développement en liberté, peut amener la prospérité et le vrai essor de la race humaine.
Meilleures salutations,
Léo Golovine
Pour la Chronique Agora
(*) Investisseur de talent, Léo Golovine est trader depuis 14 ans. Au fil des années, il a élaboré une méthode fondée sur une approche méthodique et rigoureuse de l’analyse technique. Les résultats sont là, puisque son système de sélection surperforme largement les marchés depuis 2002 — grâce notamment à une approche inédite de suivi de tendance et de gestion des positions.
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