** Un jour, Adam Smith, auteur de La Fortune des Nations, a dit : "pour qu’un état passe du barbarisme le plus méprisable au plus haut degré de prospérité, il n’y a pas besoin d’autre chose que de paix, d’impôts souples et d’une application tolérable de la justice ; tout le reste n’est que le cours naturel des choses".
– Mais ce point de vue intrinsèquement partisan du "laissez-faire" n’a guère de poids dans l’Amérique moderne. En fait, il n’a pas le moindre poids, si ce n’est dans quelques publications financières marginales. De fait, l’élite politique américaine conspire avec la bourgeoisie de Wall Street pour faire passer la nation du plus haut degré de prospérité au barbarisme le plus méprisable.
– Le processus commence de façon tout à fait innocente au nom de la "gestion de crise", lorsque l’élite politique fournit des garanties et des renflouements de milliers de milliards de dollars à la bourgeoisie de Wall Street. Le prolétariat accepte ces mesures bizarres et contraires à tout bon sens parce qu’il croit sincèrement que ces "remèdes" ont des pouvoirs curatifs. En d’autres termes, le prolétariat croit que les bureaucrates et les politiciens, en suivant les recommandations intéressées de dirigeants incompétents d’entreprises financières, peuvent dilapider l’argent des contribuables au bénéfice des masses.
– Ca se fera sans nous.
– Les bureaucrates et les politiciens n’ont pas les talents nécessaires ; la bourgeoisie de Wall Street n’a pas la moralité nécessaire. Comme dans une réunion de coyotes et de bouchers, rien de bon ne peut sortir d’une interaction entre Washington et Wall Street. Si les bouchers suggéraient de transformer tous les félins en viande, les coyotes se contenteraient de crier hourra et de hurler leur approbation.
– A la Chronique Agora, nous préfèrerions que les bouchers et les coyotes ne conspirent pas les uns avec les autres. Personne n’y gagne… à part les bouchers et les coyotes.
** Mais à quoi bon se plaindre. Nous essayons de ne jamais nous plaindre, mais plutôt de comprendre. Nous essayons d’identifier et d’anticiper les influences majeures qui jouent sur les marchés financiers. Identifier les influences majeures n’est en général pas si difficile. Mais déterminer les effets de ces influences l’est beaucoup plus.
– Au cours des derniers mois, par exemple, les investisseurs ont accueilli le flot quotidien de mauvaises nouvelles économiques comme étant de BONNES nouvelles pour les marchés. Nous ne sommes pas sûr de savoir en quoi elles pourraient être positives, mais nous sommes familiers des balivernes quotidiennes des divers médias financiers. Par conséquent, nous avons rencontré ad nauseam des expressions comme : "mieux que prévu", "jeunes pousses de croissance" et "amélioration des marchés du crédit".
– Nous avons vu et entendu ces expressions, et nous les avons complètement rejetées. Nous pensons que ces expressions ne contiennent pas une once de vérité, ni une seule molécule de données qui pourraient produire un résultat d’investissement profitable. Ceci étant dit, nous devrions signaler aux nouveaux lecteurs qu’il nous est déjà arrivé d’avoir tort… et cela nous arrivera sans doute encore.
– Mais nous n’allons pas nous arrêter là pour autant. Le magnifique rebond de la bourse au cours des trois derniers mois a été un rally classique de marché baissier. Le S&P 500, l’indice Dow Jones et le Nasdaq sont tous remontés de plus de 40%. Mais les rebonds de ce genre ne sont pas rares pendant les importants marchés baissiers.
– Comme nous l’avons signalé il y a peu de temps, l’indice japonais — le Nikkei 225 — est remonté de plus de 40% à 10 occasions différentes au cours des deux dernières décennies. Et pourtant, le Nikkei demeure plus de 50% en dessous de son niveau record en 1989.
– Se pourrait-il qu’une version identique de ce triste scénario se déroule aux Etats-Unis ? Bien évidemment. Pourquoi pas ? Mais si la Bourse américaine devait avoir le malheur d’imiter le Nikkei, la route à faire ensuite sera longue et douloureuse.
– Votre chroniqueur californien ne prédit pas un tel scénario. Mais il ne croit pas non plus que les jours heureux soient revenus. La route qui nous attend — que ce soit pour l’économie ou la bourse — sera certainement longue et douloureuse. Les questions qui se posent c’est… "longue comment ?" et "douloureuse à quel point ?" Nous dirions : pas aussi mauvaise que l’expérience vécue par le Japon, mais pire que ce à quoi s’attendent les Américains.