▪ La Chine, premier consommateur d’énergie
Le mois dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) rapportait que la Chine a consommé l’an dernier 2,252 milliards de tonnes équivalent pétrole en énergie issue de différentes sources (charbon, pétrole, gaz naturel, électricité nucléaire et hydraulique), soit 4% de plus que la consommation des Etats-Unis, alors qu’il y a 10 ans la consommation de la Chine n’était que de la moitié de celle des Etats-Unis !
Les Chinois ont plus ou moins démenti, indiquant que l’évaluation de l’AIE était trop élevée et ne prenait pas en compte leurs efforts de réduction de consommation d’énergie — notamment en réductions d’émission de gaz carbonique et dans le développement de nouvelles sources d’énergie. Il est vrai que les chiffres en provenance de la Chine ne sont pas toujours fiables et que l’AIE a précisé qu’il s’agissait de chiffres préliminaires, néanmoins indiquant une tendance ferme.
La Chine est sous le feu des critiques pour sa politique énergétique, fortement basée sur le charbon, et ses dirigeants se sont prononcés en faveur d’une croissance moins polluante.
Mais comment faire quand on a une croissance du PIB supérieure à 11% ? Comment faire quand on a une croissance de la population de 0,6%, ce qui fait tout de même huit millions de Chinois en plus chaque année ?
Dans les 15 prochaines années, c’est 1 000 gigawatts supplémentaires, toutes origines confondues, qui seront nécessaires. Pour parler autrement, selon l’AIE, les investissements chinois devraient s’élever à 4 000 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années et ce, seulement pour éviter une pénurie d’énergie qui pourrait se manifester par de gigantesques pannes !
Il faut donc surveiller la Chine, car elle est devenue malgré elle un indicateur de tendance. Pour l’heure, elle étend ses relations commerciales à grande vitesse et sur tous les continents, en Amérique du Sud, en Afrique où l’on commence à l’accuser de néo-colonialisme, en Asie centrale, et jusqu’avec le sulfureux Iran des ayatollahs.
Partout, elle a une obsession : assurer son approvisionnement en matières premières, au premier rang desquelles figurent les matières premières énergétiques.
▪ La Chine achète de l’uranium ; les autres aussi…
Justement, la Chine stocke de l’uranium et en achète des quantités comme jamais par le passé, dans la perspective de la mise en service de nombreuses centrales nucléaires. Bloomberg rapporte que selon Thomas Neff, physicien au MIT, la Chine va acheter 5 000 tonnes d’uranium cette année, soit deux fois plus que ses besoins actuels.
La Chine, comme l’Inde, avance à grands pas dans l’industrie nucléaire afin de fournir l’électricité nécessaire à sa croissance (qui est trois à quatre fois celle des Occidentaux) et de réduire la pollution intense générée par le charbon et le pétrole. Selon la World Nuclear Association, la demande de la Chine devrait monter à 20 000 tonnes par an à l’horizon 2020 (ce qui représente plus du tiers de la production totale en 2009 !) pour contribuer à fournir les 85 gigawatts annuels qu’elle a prévus de fournir à la population et à l’industrie.
Comme la Chine n’est pas la seule à recourir au nucléaire, elle est particulièrement attentive à sécuriser et anticiper ses approvisionnements en minerais. Ainsi le 24 juin dernier, un accord a été signé avec le Canadien CAMECO (la plus grosse compagnie privée minière d’uranium au monde) pour lui fournir 10 000 tonnes d’uranium sur 10 ans.
D’ici 2020, la Chine a prévu de construire 60 nouveaux réacteurs. Chaque réacteur a besoin de 400 tonnes d’uranium au démarrage, ce qui fait un besoin de 24 000 tonnes, seulement pour ces réacteurs supplémentaires. Environ la moitié de la production annuelle actuelle ! Bien sûr, tous ces réacteurs ne démarreront pas en même temps, mais quoi qu’il en soit, cela fait une solide base de réflexion pour l’avenir de l’industrie minière de l’uranium.
L’Inde n’est pas en reste : ses besoins monteront à 8 000 tonnes d’uranium, en quadruplant sa production d’électricité à 20 gigawatts, selon Nuclear Power Corp. Et que dire de l’Europe, des Etats-Unis qui redémarrent dans le nucléaire, des pays moyen-orientaux ou asiatiques qui souhaitent eux aussi s’équiper…
A n’en pas douter, un boom se prépare dans le secteur de l’uranium…
▪ Un marché déprimé
Le marché qui s’était enflammé un peu tôt en 2006 et 2007 a suscité la production d’une offre supérieure (selon CAMECO, 27 nouvelles mines, de qualité très inégale, ont vu le jour dans neuf pays au cours de la dernière décennie). Les prix spot de la livre d’uranium s’étaient en effet envolés avec l’ensemble des matières premières en 2007, pour atteindre 136 $ en juillet 2007. Trop tôt, trop vite, pour l’uranium…
Prix spot de la livre d’uranium
Le cours s’est effondré avec la crise, pour végéter autour de 40$ (une chute vertigineuse de 69%) depuis deux ans. Cet effondrement a freiné l’ouverture de nouvelles mines, pour des raisons économiques évidentes. Conséquence : la situation actuelle ne permettra pas de servir tous les pays demandeurs ! Mais ce fut sans doute le point bas.
Le prix devrait bondir de 32% l’année prochaine, selon les études de RBC Capital Markets. Mais regardez ce qui se passe, sous la pression des acheteurs certes, mais face à une offre essoufflée : le prix de la livre était de 41,75 $ le 5 juillet, le 31 juillet il était de 4 6$. Le début d’une tendance ?
Et qu’en est-il de l’offre justement ? C’est ce que nous verrons dès demain…