▪ C’est une bonne question. Qu’est-ce qui nous attend en 2014 ? Nous n’en savons rien. Nous savons en revanche que ce que la plupart des gens pensent savoir est faux. La plupart des gens pensent que 2014 signera le "retour à la normale". N’y comptez pas.
Quoi qu’il arrive, les marchés boursiers auront du mal à égaler 2013. Au cours des 12 derniers mois, le S&P 500 a gagné la somme ahurissante de 3 700 milliards de dollars.
Pour remettre ça en perspective, le S&P a perdu 1% par an entre 2000 et 2009. Ensuite, avec le réacteur de la Fed à leur disposition, les actions se sont envolées… portant le rendement total à 3,6% par an. Toujours pas génial. Mais déjà beaucoup mieux.
Que signifie un gain de 3 700 milliards de dollars en une seule année pour les actions ? Les entreprises sous-jacentes n’ont pas pu changer de manière fondamentale. Il est plus probable qu’elles soient les mêmes aujourd’hui qu’elles l’étaient au début de l’année 2013 — gérées par les mêmes personnes, faisant la même activité, réalisant les mêmes ventes. Alors pourquoi valent-elles bien plus ?
Les profits sont plus élevés — en grande partie parce que les taux zéro de la Fed ont permis d’emprunter à bas coût. Les entreprises ont utilisé le crédit bon marché pour :
1) Acheter de nouveaux équipements, remplaçant ainsi la main-d’oeuvre coûteuse par des machines et de l’électronique.
2) Refinancer la dette chère, réduisant les charges d’intérêt.
3) Racheter leurs propres titres, augmentant ainsi leurs cours.
Il est peu probable qu’elles seront en mesure de répéter l’opération en 2014. Parce que les taux d’intérêt sont à la hausse.
▪ Un renversement d’importance
Le Financial Times a annoncé la grande nouvelle à la fin de la semaine dernière. "Le rendement du bon du Trésor US à 10 ans dépasse les 3%", lisait-on en première page (ou à peu près). C’était une grande nouvelle, parce que le coût de l’argent affecte toutes les transactions financières. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, on doit commencer à vider les tiroirs et regarder sous les coussins du canapé : où sont les questions qu’on se posait auparavant ?
Comment les débiteurs réussiront-ils à supporter les intérêts… maintenant qu’un refinancement implique des mensualités plus élevées ? Comment les propriétaires paieront-ils leurs prêts ?
Si l’on peut gagner 3% sur des bons du Trésor "sans risque"… est-il logique d’acheter des valeurs chères ? De l’immobilier ? Des croquis d’Andy Warhol ?
Un investissement, quel qu’il soit, fera-t-il mieux que 3% ? Le risque supplémentaire vaut-il la récompense additionnelle ?
Ce sont des questions que les trésoriers des entreprises et les investisseurs avaient à peine besoin de se poser il y a quelques mois. Lorsque le rendement du T-Bond US à 10 ans a atteint son plus bas de 1,6%… cela a mis le rendement "sans risque" sous l’indice des prix à la consommation de l’époque. Ce qui signifiait que tout investissement avec un rendement positif — aussi limité soit-il — était bon. La barrière était si basse que même un serpent pouvait ramper par-dessus. De mauvais investissements ? Des dépenses idiotes ? Des gestionnaires incompétents ? Peu importait. L’argent était quasiment gratuit.
Aujourd’hui, les rendements nominaux sont deux fois plus élevés et l’IPC décline ; le rendement réel est passé de 0% environ à près de 2%. Ce qui ramène les points d’interrogation. La question principale est la suivante : les taux sont-ils en route pour des niveaux "normaux" ? Que se passera-t-il s’ils grimpent plus ?
Depuis la Deuxième guerre mondiale, le rendement moyen sur les T-Bonds à 10 ans était d’environ 5,9%. Revenir à ce niveau "normal"… depuis les niveaux anormalement bas actuels… n’apporterait pas un monde financier "normal". Cela provoquerait un désastre.
Avec un rendement "normal", le gouvernement fédéral américain devrait débourser 440 milliards de dollars supplémentaires de frais financiers. Cela ferait revenir le déficit au-delà des 1 000 milliards de dollars… et déclencherait une réaction en chaîne à la fois dans le secteur privé et le gouvernement.
Oui, cher lecteur, l’économie américaine dépend du crédit bon marché. Quand ce dernier devient plus cher, des millions de plans retraite, d’investissements et de budgets passent à la casserole. En fait, ils passeront quasiment tous à la casserole. Les actions vont baisser — s’effondrant probablement à la moitié de leur valeur actuelle. Les 3 700 milliards de dollars gagnés en 2013 vont disparaître… et ce ne sera qu’un début.
Eh bien… vite arrivé, vite reparti.
Mais normal ? Loin de là.