** "Pas une minute à perdre, les Etats-Unis ont besoin d’un plan de relance à la mesure d’une crise économique sans précédent ; il faut agir vigoureusement en faveur de Main Street ["M. Tout-le-Monde", ndlr] pour soutenir Wall Street ; il n’est pas question de laisser s’écrouler l’industrie automobile (mais les constructeurs devront se restructurer) ; la tâche à accomplir exige de transcender les clivages politiques… et nous allons devoir tendre la main aux autres pays du monde afin d’élaborer une réponse globale à la crise actuelle".
Franchement, qui aurait envie de changer une virgule à ce catalogue de bonnes intentions et à cet appel à une coopération internationale lancé hier par Barack Obama ?
Certainement pas les cambistes tentés de jouer le dollar à la baisse dès le début 2009 : il y a fort à parier que le billet vert restera scotché près de ses sommets d’ici la fin de l’année fiscale pour des raisons tant techniques que stratégiques !
Le futur président ne s’est pas appesanti sur l’épaisseur de l’enveloppe budgétaire destinée à mettre en oeuvre ses projets keynésiens. Un consensus d’experts politiques, d’économistes et de stratèges des plus grands établissements financiers, tombe à peu près d’accord sur un montant de 700 milliards de dollars — comparable à celui du plan concocté par Hank Paulson pour éviter la faillite du système financier.
Pour l’heure, il ne nous semble guère déterminant que 700 milliards de dollars ajoutés à 700 autres milliards correspondent précisément aux besoins des banques et des entreprises américaines — comme si qui que ce soit était capable de chiffrer précisément le nombre de cadavres dans les comptes des Fannie Mae, Citigroup et autres AIG.
Ce qui compte à l’instant présent — après plus de 50% de chute libre des marchés financiers et 32 000 milliards de richesse détruite, selon le dernier décompte de Bill Bonner –, c’est que la communauté financière ressente l’impression que cela ne va pas envenimer la situation d’ici la prise de fonction officielle du futur président.
Les marchés apprécient l’idée que de l’argent public sera enfin investi dans l’économie réelle, sur des projets à long terme et d’intérêt général, plutôt que dans le tonneau des Danaïdes du renflouement des pertes bancaires. Le passif se creuse si profondément que même la Maison Blanche a reconnu que tirer des chèques au profit des établissements de crédit restait sans effet sur le redressement de leurs comptes.
** Il a bien fallu faire une dernière grosse entorse de 305 milliards de dollars à ce principe, cependant, car il n’était pas question de renouveler avec Citigroup la terrible erreur de la faillite de Lehman. Le numéro 1 américain s’est envolé de 58% à 6 $ après avoir annoncé un accord avec le département du Trésor, la Réserve fédérale et la FDIC sur une série de mesures destinées à renforcer ses ratios de solvabilité, réduire son exposition au risque et accroître ses liquidités.
Le gouvernement américain injecte parallèlement 20 milliards de dollars, contre une prise de participation significative au capital (à hauteur de 7,8%). Mais bien entendu, ce n’est en aucun cas de l’interventionnisme à la française, du soutien à fonds perdus comme dans le cadre du sauvetage des banques allemandes, ni de la nationalisation pure et simple comme cela se pratique dans l’ultralibéral/communiste Royaume-Uni — la presse américaine s’abstient cependant de critiquer aussi vertement ses alliés insulaires qui sont, c’est un comble, montrés en exemple dans toute l’Europe.
** Gordon Brown et Alistair Darling ont présenté ce lundi un plan de relance de 24 milliards d’euros de l’économie britannique — c’est presque du sauvetage à la chinoise ! –, avec notamment une baisse temporaire de la TVA de 17,5% vers 15% jusqu’en 2010.
En Europe, la Commission européenne se réunit pour annoncer un plan de relance concerté. D’ores et déjà, le tandem franco-allemand réfléchit à de nouvelles solutions pour venir en aide aux entreprises.
La France prône un vaste plan de relance européen. Un montant de 130 milliards d’euros est ainsi évoqué par Bruxelles mais l’Allemagne freine des quatre fers, au nom de la sauvegarde des grands équilibres budgétaires. On peut pourtant se demander à quoi leur servent-ils aujourd’hui, si ce n’est à soutenir leur économie en pleine période de passage à vide ?
Angela Merkel n’a rien lâché face à Sarkozy, arguant qu’il ne faut pas confondre action et précipitation — sans se soucier des effets négatifs d’une attitude qui semble anachronique compte tenu de tout ce qui précède. Outre-Rhin, le moral des industriels a poursuivi sa chute au mois de novembre, d’après l’institut économique IFO dont l’indice du climat des affaires vient de ressortir à 85,8, contre 90,2 le mois dernier. Il s’agit du sixième mois consécutif de baisse pour cet indicateur…
** Les marchés ont toutefois passé outre l’ultra-orthodoxie monétariste de l’Allemagne, et Paris a enregistré la seconde plus forte hausse de son histoire (+10,1%) dans un volume de 4,8 milliards d’euros seulement, ce qui peut apparaître dérisoire vu l’amplitude des écarts. Il s’était en effet échangé 7,5 milliards d’euros le 13 octobre lorsque l’indice s’était envolé de 11,2%.
Il n’y avait plus d’acheteurs la semaine passée, d’où une chute de 12,5% du CAC 40 en cinq séances — avec moins de 3,9 milliards d’euros échangés en moyenne quotidienne. Et tout à coup, ce sont les vendeurs qui s’assoient sur le banc de touche, certains restants sur le terrain pour se joindre à la cohorte des acheteurs dans le cadre du débouclage de positions short.
Même constat à Wall Street. Même si l’envolée n’a pas été aussi spectaculaire qu’en Europe lundi soir, en cumulant les gains de vendredi, le Dow Jones comme le Nasdaq engrangent 11,5% en 48 heures.
Le S&P 500, boosté par la flambée collective des valeurs bancaires (+20% en moyenne, c’est historique) s’avère être le champion de la hausse avec consécutivement 6,35% puis 6,45% de gains.
Avec un gain proche de 72% sur Citigroup en séance (6,50 $ au plus haut du jour), ce fut un véritable feu d’artifice à la hausse : +38,3% pour Merrill Lynch, +33% pour Morgan Stanley, +28% pour Wachovia, +27,5% pour Bank of America, +26% pour Goldman Sachs, +21,4% pour JP Morgan et +19% sur Wells Fargo (et la liste est longue).
Soulignons également que le cap des 8% de hausse avait été dépassé ce lundi à une demi-heure de la clôture, lorsque l’indice culminait vers 865 avant d’en terminer à 851,80.
Le Dow Jones, également, s’est offert une montée en flèche au cours de la dernière heure. Il s’est envolé de 550 points pour tester 9 600 points avant de refluer de 2% pour inscrire un score final de 9 443 points (soit +4,95%).
Du point de vue de l’analyse technique, cette clôture suffit à valider une "reprise en V" mais il y a eu quelques ratés retentissants ces dernières semaines… alors c’est plutôt à notre flair que nous préfèrerons nous fier. Le rebond simultané de 4% du dollar face au yen en 48 heures, la correction des T-Bonds (-1%) et le retour en force des acheteurs sur les bancaires (dont le prince saoudien Al Waleed) constituent un faisceau d’indicateurs de nature à déstabiliser les vendeurs à découvert… ceux dont nous pensons qu’ils pourraient se transformer en acheteurs surmotivés d’ici les fêtes de fin d’année.
Philippe Béchade,
Paris