Asymétries cachée dans la vie Quotidienne, extraits
L’argent surpasse l’or
Parcourons rapidement les règles qui figurent à la droite d’Hammourabi. Le Lévitique est une version édulcorée du Code d’Hammourabi. La Règle d’or est :
« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. »
La Règle d’argent, plus robuste, est :
« Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. »
Plus robuste ? Pourquoi la Règle d’argent est-elle plus robuste ?
Premièrement, elle nous dit de nous mêler de nos affaires et de ne pas décider de ce qui est « bon » pour autrui, d’éviter de lui faire ce qui est « mauvais » pour lui – fondamentalement, ce que nous ne nous ferions pas à nous-mêmes.
Nous savons bien plus clairement ce qui est mauvais que ce qui est bon. La Règle d’argent peut être comme la Règle d’or en négatif et, comme nous l’avons vu précédemment et comme je le répète toutes les trois semaines à mon barbier calabrais (et calabrophone) : la via negativa (l’action par la soustraction) est plus puissante et moins sujette à erreur que la via positiva (l’action par l’ajout).
[…]
Escroc, idiot, ou les deux
Une extension pratique de la Règle d’argent, « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te fasse » :
Evite de demander des conseils à quelqu’un qui gagne sa vie en en donnant, à moins que cette personne puisse, si nécessaire, être sanctionnée pour les avoir donnés.
Rappelez-vous ce que nous avons dit précédemment, sur le fait que : « je vous fais confiance » concernait à la fois l’éthique et la connaissance. Il y a toujours une part d’idiots et d’escrocs du hasard dans les questions d’incertitude : les premiers ont un défaut de compréhension, et les seconds des motivations perverties. Les uns (les idiots) prennent des risques qu’ils ne comprennent pas, les autres (les escrocs) transfèrent les risques aux autres. Les économistes, quand ils parlent de jouer sa peau, ne s’intéressent qu’à ces derniers.
Evacuons le problème d’agent, une notion bien connue et étudiée par les compagnies d’assurance. Pour le dire simplement, on en sait bien plus sur notre propre santé que n’importe quel assureur. C’est pourquoi, quand on s’aperçoit qu’on est atteint d’une maladie, on a intérêt à souscrire une police d’assurance avant que quelqu’un d’autre ne l’apprenne.
En se faisant assurer quand cela nous arrange, et non quand on est en bonne santé, on finit par coûter au système plus qu’on ne reçoit de lui. Afin d’éliminer cette conséquence, les compagnies d’assurance disposent de filtres comme les franchises élevées.
Le problème de l’agent (ou de l’agent principal) se manifeste également à travers la divergence des intérêts dans une transaction : dans le cadre d’une transaction ponctuelle, les intérêts du vendeur ne coïncident pas avec les nôtres – il est donc susceptible de nous cacher des choses.
Mais le décourager ne suffit pas : l’idiot est une chose bien réelle. Certaines personnes ne savent pas où se trouve leur intérêt – il suffit de songer aux drogués, aux bourreaux de travail, à ceux qui sont prisonniers d’une relation toxique, qui aiment les gouvernements dominants, à la presse, aux critiques littéraires, ou aux bureaucrates qui présentent tous des signes extérieurs de respectabilité ; toutes personnes qui, pour une raison obscure, agissent à l’encontre de leurs propres intérêts. Il y a donc un autre cas où le filtrage joue un rôle : les idiots qui se sont laissé avoir par le hasard sont éliminés par la réalité afin de cesser de porter préjudice aux autres. Rappelez-vous que l’évolution est fondée sur le fait que les systèmes deviennent intelligents en éliminant des choses.
Ou encore : nous ne savons peut-être pas à l’avance si une action est idiote, mais la réalité, elle, le sait.