▪ Nous avons évoqué hier la carrière de Joe Granville, rédacteur financier de son état… et qui avait prédit, en 1981, un sommet du marché boursier US.
Un an plus tard, un marché séculier séculaire débutait sur les valeurs américaines. Les investisseurs qui en profitèrent jusqu’à son sommet, 18 ans plus tard, engrangèrent des gains cumulés de 1 412% (dividendes exclus).
Granville était l’un des personnages les plus colorés du secteur des lettres d’information. Après sa mort, en 2013, le journaliste Peter Brimelow, du magazine Forbes, se rappelait :
"Une fois, à Tucson, Granville commença par traverser une piscine en marchant sur une planche dissimulée juste sous la surface de l’eau, disant ensuite à la foule assemblée : ‘désormais, vous savez !’…
A Minneapolis, lorsqu’on lui demanda comment il pouvait se tenir au courant des marchés alors qu’il voyageait autant, il baissa son pantalon de smoking, révélant un caleçon imprimé de codes ISIN qu’il identifia l’un après l’autre, avant de désigner son entrejambe en s’écriant triomphalement : ‘Et voilà Hughes Tool’. [Hughes Tool Company était une valeur bien connue de Wall Street. Elle fait désormais partie de Baker Hughes International.]"
Granville était au sommet de sa gloire lorsqu’il fit sa fracassante annonce baissière en 1981.
Il avait aligné toute une série de prévisions exactes dans les années 70. Ses conseils sur le timing boursier étaient pris au sérieux par beaucoup de gens sérieux. Son portrait avait fait la une du New York Times — peut-être la seule fois de l’histoire où un auteur de lettres d’information avait eu sa photo en couverture.
En 1981, Joe approchait la soixantaine. Ce n’était pas exactement un "vétéran"… mais il avait assez de bouteille pour savoir ce qu’il faisait. Plus précisément, il était assez vieux pour savoir qu’il ne savait pas tout.
Or non seulement il manqua complètement le début du marché haussier en 1982, mais il le dédaigna et le nia jusqu’à la fin de ses jours |
Or non seulement il manqua complètement le début du marché haussier en 1982, mais il le dédaigna et le nia jusqu’à la fin de ses jours.
Résultat : des pertes catastrophiques.
Notre vieil ami Mark Hulbert, du Hulbert’s Financial Digest, plaçait Granville au dernier rang de son classement sur 25 ans, avec "des pertes moyennes de plus de 20% par an sur une base annualisée".
▪ Murmures et péché
Passer à côté d’un marché haussier n’est pas un péché en soi.
Cependant, parier contre le plus grand marché haussier de l’histoire des Etats-Unis se révéla être un mauvais choix professionnel pour Granville… et un mauvais choix financier pour ses lecteurs.
Et ainsi vont les choses — des jeunes aux vieux… de M. Je-sais-tout à M. Je-ne-sais-rien… du boom au krach… du marché haussier au marché baissier… de l’avidité à la crainte… et retour.
Les marchés s’en sortent généralement mieux, quand il s’agit de prédire l’avenir, que les suppositions individuelles |
Tout ce que nous savons, c’est que les marchés s’en sortent généralement mieux, quand il s’agit de prédire l’avenir, que les suppositions individuelles.
Le Krach de 1929, par exemple, nous disait que des problèmes allaient arriver. L’économie américaine avait besoin d’une correction. Mais comment les marchés auraient-ils pu savoir que les présidents Hoover et Wilson la transformeraient en une dépression prolongée ?
Les krachs de 2000 et 2008 étaient tous deux des avertissements. Mais à chaque fois, la Fed s’est livrée à de vigoureuses représailles, avec de nouvelles politiques destinées à faire remonter les actions.
A présent… les marchés peuvent-ils prédire la prochaine expérience monétaire de Yellen & co. ?
Les chutes de ces derniers jours nous disaient quelque chose. Mais quoi ?
Nous mettons la main en cornet sur notre oreille… nous nous penchons… nous écoutons attentivement… tandis que le marché murmure tout doucement. Nous distinguons à peine ce qu’il essaie de dire… c’est si ténu…
Comme une voix provenant de l’au-delà…
"C’est vous, Joe ?"
"Vendez"… dit une faible voix.