La recette de la stagflation ne comporte que deux ingrédients : inflation en hausse + croissance en baisse. Tentons de repérer les signes avant-coureurs d’un tel scénario.
L’inflation serait-elle en train de se réveiller ?
Entre octobre et novembre, le prix du baril s’est effondré jusqu’à 28%. Mais, aux Etats-Unis, le marché de l’emploi est de plus en plus tendu et les salaires frétillent.
En octobre, le taux de chômage a atteint un plus bas de… 50 ans.
Les salaires ont augmenté à tel point que, comme le relaie le Wall Street Journal, le nombre d’Américains qui ne travaillent pas pour cause de maladie a diminué ces dernières années. D’une façon générale, des salaires plus élevés entraînent davantage de personnes sur le marché du travail.
Si bien que le site Zero Hedge (1) titrait le 2 novembre :
« La masse salariale augmente de 250 000 personnes en octobre, excédant les prévisions tandis que la croissance des salaires monte en flèche ».
L’inflation semble se réveiller timidement…
Bruno Bertez explique :
« La Reserve fédérale a mis au point un indice d’inflation un peu moins mauvais qu’elle appelle l’UIG* ; l’Underlying Inflation Gauge. C’est l’inflation sous-jacente. En juin, cette inflation sous-jacente était à 3,3% [et à 3,07% en octobre], ce qui est le niveau le plus élevé depuis… 13 ans. C’est clair, l’inflation est de retour, elle décolle. Il suffit de regarder la courbe [bleue], pas besoin d’être économiste ou statisticien. »
La Fed de New York précise :
« L’inflation sous-jacente (GIU) est dérivée d’un grand nombre de séries de prix ventilées selon l’indice des prix à la consommation (IPC), alors que la mesure ‘full data set’ intègre les variables macroéconomiques et financières supplémentaires. »
Fin juillet, on observait la même tendance au niveau mondial, selon l’OCDE :
Les quantitative easings ont donc permis de retarder l’insolvabilité, sans pour autant relancer l’économie ni être immédiatement inflationnistes.
Il y a quelques années, alors que les banques centrales déversaient des torrents de liquidités sur les marchés, le public s’étonnait de ne pas voir l’inflation augmenter.
L’explication en était que si la quantité de monnaie augmentait, cela n’était pas le cas de sa vélocité, l’essentiel de l’argent frais finissant sur les marchés ou retournant en dépôt sur les comptes des banques commerciales auprès des banques centrales. D’où la relative stabilité des prix à la consommation, et l’hypertrophie de la finance.
Bruno Bertez établit un parallèle historique intéressant :
« C’est exactement ce qui s’est passé pour les Assignats en France. Le contrôleur Desmarais a branché sur les Assignats une loterie avec de gros gains et la demande pour les Assignats a ainsi considérablement remonté, ce qui a permis de faire remonter également leur valeur d’échange. On a retardé la faillite par ce biais. On n’invente rien ! »
Quantitative easings déflationnistes, quantitative tightening inflationniste ?
Nous vivons une expérience monétaire sans précédent, ce qui ne rend pas le décryptage plus aisé, loin s’en faut.
Les quantitative easings n’ayant pas produit d’inflation sur les prix à la consommation, faut-il par conséquent s’attendre à ce que le quantitative tightening ait l’effet contraire, renforçant ainsi le risque de stagflation ?
C’est l’hypothèse à laquelle croit Bruno Bertez (2) :
« Nous avons toujours soutenu […] que les QE étaient déflationnistes et non pas inflationnistes. La monnaie zombie ne produit pas de hausse des prix des biens et services car elle ne va pas dans l’économie réelle. Et les opérations des banques centrales alimentent les marchés financiers, inflatent les prix des actifs de capital, elles rendent les actifs financiers de plus en plus attrayants ce qui augmente la contrainte de profit. Or augmenter la contrainte de profit c’est renforcer les tendances déflationnistes. Par exemple les firmes rachètent leur capital au lieu de dépenser en équipement […].
Mais en sens inverse, est ce que le QT, le quantitative tightening, est/sera inflationniste ? Peut-être, car tout dépend des flux qu’il va déclencher. Il n’y a pas de magie, tout dépend des comportements. L’inflation, c’est quand la préférence pour les biens et les services augmente et quand la préférence pour la liquidité et les actifs monétaires de capital diminue. »
Mais pour que l’on en arrive à une situation de stagflation, il faudrait déjà que l’économie ralentisse.
Quels facteurs pourraient hâter la prochaine récession ?
Le 16 novembre, Natixis relevait que les quatre moteurs qui ont soutenu la croissance mondiale au cours des dernières années tournent désormais au ralenti :
En effet :
- « le taux de chômage atteint ses plus bas niveaux et ne peut plus beaucoup baisser ;
- l’effet des taux d’intérêt faibles sur la demande de biens et services s’épuise ; il y a saturation des besoins en logements, en autos, en investissement industriel ;
- de même, la poursuite de la hausse de l’endettement, public et privé, est de plus en plus difficile à envisager ;
- la croissance a fait monter le prix du pétrole à un niveau qui affaiblit la croissance. »
Deux mois plus tôt, la banque listait cinq facteurs qui, se cumulant, pourraient conduire à une récession mondiale. Il s’agit des éléments suivants :
- « le retour du chômage au niveau du chômage structurel ;
- les effets négatifs du protectionnisme sur la demande intérieure aux Etats-Unis ;
- le retour du risque souverain pour les pays périphériques de la Zone euro ;
- la perte de croissance pour les pays émergents confrontés aux sorties de capitaux ;
- le ralentissement, qui semble important, de l’économie chinoise. »
Certes, cela « n’est absolument pas le scénario consensuel », prend soin de préciser l’équipe de recherche de Patrick Artus. Voici cependant ce qu’elle titre :
Ce scénario « pas très consensuel »a donc tout de même des chances de se produire.
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1-https://www.zerohedge.com/news/2018-11-02/october-payrolls-surge-250k-smashing-expectations-wages-spike-31
2-https://brunobertez.com/2018/02/23/un-graphique-a-suivre/