Le pire contre-pied, c’est celui qu’on a pas vu venir, celui qui n’était pas prêt de se produire, et contre lequel personne n’était couvert.
La séance du 29 mai s’annonçait sans enjeu particulier et l’actualité économique du jour un peu « accessoire » en regard des chiffres concernant l’inflation attendus 48h plus tard.
Les investisseurs s’attendaient à peu près à tout, sauf à voir la Bourse de Paris inscrire sa 2e pire séance de l’année, avec -1,52% (contre -1,58% le 3 janvier). Si l’on rajoute les +10 à +12 points de rendement sur les bons du Trésor (OAT, Bund, BTP…), ce fut clairement la pire journée tous compartiments confondus depuis le 27 octobre 2023.
Quelle douche froide, alors que tous les ingrédients étaient a priori réunis pour qu’on assiste à une séance de transition, où nous aurions eu tout le loisir d’aborder des sujets non boursiers – comme par exemple la crise de l’immobilier devenue une vraie crise du logement en France…
Plongeon historique de 250 000 transactions dans l’ancien, chute de 30% du volume des mises en chantier et effondrement de 60% de la « production de crédit » sur douze mois (pires scores depuis 1991). Tout ceci s’accompagne d’une crise des SCPI, de plus en plus pénalisante pour les épargnants, confrontés à une baisse de valeurs des parts et à de sérieux problèmes de liquidités.
Compte tenu de la prédominance du volet « immobilier » dans le patrimoine des contribuables français (ce qui ulcère l’Elysée) et vu la baisse de la valeur moyenne des biens au mois de mars (-4% sur douze mois, tandis que l’inflation avance encore de +2,6% en rythme annuel sur les trois derniers mois), c’était vraiment le « sujet du moment » à dérouler dans un contexte de stagnation des marchés financiers.
Jusqu’où les prix de l’immobilier pourraient-ils descendre, si la baisse des taux évoquée – et presque promise – par Luis do Guindo (le n°2 de la BCE) le jeudi 6 juin prochain ne se produisait pas ?
Cette hypothèse d’une inaction de la BCE semblait presque exclue ce mardi 28… mais elle s’est brusquement imposée ce mercredi 29 dès 14h00, avec la publication de la première estimation de l’inflation allemande sur le mois de mai : l’inflation IPCH ressort à +2,8% en rythme annuel, contre +2,4% en avril (consensus de +2,6% à +2,7%).
Ce fut un véritable électrochoc. Les Bunds et les OAT ne sont pas loin d’avoir connu une des pires séances de l’année, avec des écarts supérieurs à +10 points de base de part et d’autre du Rhin, nos OAT bondissant vers 3,15%, au-delà des pires niveaux du 24 avril dernier.
Outre-Atlantique, les investisseurs se sont à leur tour rappelés que Neel Kashkari, le patron de la Fed de Minneapolis, avait tenu la veille des propos très prudents au sujet de l’inflation, suggérant qu’il était urgent d’attendre de baisser les taux.
Voilà qui confirme qu’il n’existe plus de consensus au sein de la Fed pour amorcer une réduction de taux à la rentrée. Le consensus pour septembre est tombé à proximité de 40%, contre 46% la veille et 61% il y a une semaine.
Alors que le Nasdaq venait d’inscrire la veille un nouveau doublé « record absolu intraday/record de clôture, au-delà de 17 000 points, la sérénité des investisseurs s’est évaporée en quelques heures. Le VIX, qui évoluait encore jeudi dernier sur des plus-bas historiques (11,5 à 11,6), a fait une embardée de +10,5% vers 14,30… ce qui est de mauvais augure, à 48h de la publication des données d’inflation PCE aux Etats-Unis.
Comment des ventes plus appuyées ces prochains jours seraient elles « absorbées », alors que la Bourse est littéralement désertée par les investisseurs depuis deux mois ? Et de façon encore plus flagrante depuis le 2 mai, avec une moyenne d’échanges quotidiens tombée sous 2,4 Mds€ sur le CAC 40.
Nous sommes peut-être à quelques heures d’un basculement vers un scénario de consolidation boursière. Comme le veut un vieil adage… le pire contre-pied, c’est celui qu’on a pas vu venir, celui qui n’était pas prêt de se produire, et contre lequel personne n’était couvert.
En l’occurrence, mercredi, on cochait toutes les cases !