Les Etats-Unis pensaient avoir une longueur d’avance : en ont-ils maintenant une de retard ?
A de nombreuses reprises dans mes chroniques quotidiennes, mais également lors d’interviews ces six derniers mois, j’ai questionné et osé démentir la supposée « avance irrattrapable » de Nvidia dans le domaine des GPU (oui, je sais, il existe une appellation plus technique, mais elle ne parlera à personne) et des « architectures » (c’est également une étape clé) destinées à optimiser l’expérimentation de modèles d’intelligence générative.
Il m’a été rétorqué que je connaissais mal le domaine des semi-conducteurs de dernière génération, de la part de gens qui connaissaient mal les éléments dont je pouvais disposer : une fois mis au parfum, les mêmes rétorquent alors que j’aurais gobé naïvement la propagande de Pékin visant à dénigrer les Etats-Unis.
Difficile de rejeter en bloc cet argument : la tentation d’embellir la réalité peut en effet avoir affecté l’objectivité des ingénieurs chinois, fiers de leur pays, de ses avancées technologiques, et même de sa capacité à élaborer des solutions « disruptives » (fini le temps où la Chine se contentait d’espionner puis de copier les fleurons industriels occidentaux).
Wall Street et ses experts s’accrochent donc au postulat que la haute technologie US possède – et conservera – plusieurs années d’avance sur ses rivales européennes et chinoises : cette opinion reste largement répandue dans nos médias et parmi les gérants les plus écoutés.
Plusieurs « anecdotes » auraient pourtant dû éveiller leur curiosité : sitôt Nvidia autorisé par D. Trump à reprendre l’exportation des puces H200 vers la Chine, Pékin n’a non seulement pas salué cet « assouplissement » américain, mais a imposé aux éventuelles entreprises high-tech qui souhaiteraient passer commande de démontrer qu’il leur était impossible de faire effectuer un travail équivalent par des systèmes dotés de composants made in China (Huawei principalement).
Et voilà que Pékin révèle qu’un laboratoire de haute sécurité à Shenzhen, géré par les meilleurs scientifiques du pays – dotés de moyens techniques considérables et de budgets que l’on suppose illimités (à la chinoise, quoi !) – a construit un prototype de machine capable de produire les puces ultrafines et à très haute densité comme celles équipant les smartphones dotés d’intelligence artificielle, ou permettant de développer des hyperscalers dédiés à l’IA générative, ou d’équiper des missiles hypersoniques rivalisant avec l’arsenal occidental.
J’avais capté de nombreux échos qui ont commencé à circuler début 2025 dans les travées des salons high-tech chinois : il était question d’un prototype de graveur de type « lithographie ultraviolette extrême » (EUV).
Ce n’est plus une rumeur : le dispositif a été conçu par une équipe d’anciens ingénieurs du géant néerlandais des semi-conducteurs ASML.
Les « machines EUV » utilisent des faisceaux de lumière ultraviolette de très haute intensité pour graver des circuits des milliers de fois plus fins qu’un cheveu sur des plaquettes de silicium de moins de 1 cm² et de quelques microns d’épaisseur.
Mais ils ne se seraient pas contentés de créer une réplique d’ASML ; ils l’auraient améliorée.
Oui, cette fois, je mets un conditionnel car personne n’a pu évaluer les potentialités d’une technologie naturellement « top secrète » qui ferait passer la Chine devant les Etats-Unis, et lui conférerait cinq ans d’avance dans les domaines les plus avancés de la défense et peut-être du calcul quantique (cela peut relever de la propagande, une façon de riposter à l’arrogance américaine).
Ce serait l’aboutissement d’un plan secret sur six ans commandité par Pékin, mené par les équipes d’ingénieurs de Huawei (bannis des Etats-Unis il y a… tiens, sept ans) et dirigé par l’un des plus proches alliés de Xi Jinping.
Son objectif ? Remplacer tous les semi-conducteurs de fabrication occidentale ou gravés à Taïwan par des pièces 100 % chinoises et s’affranchir complètement de la dépendance envers les Etats-Unis.
Les machines EUV étaient, depuis avant même l’épisode COVID, au cœur d’une guerre froide technologique : la machine existe, elle est déclarée fonctionnelle… mais nous n’avons pas encore pu observer une mise en œuvre en conditions réelles d’exploitation ni décortiquer une de ces super-puces.
Donc, oui, il peut s’agir d’un coup de bluff… mais qu’est-ce que la Chine a affirmé posséder ou avoir accompli et qui ne s’est pas révélé vrai ces 20 dernières années ?
La Chine a « prétendu » avoir envoyé le 23 juillet 2020 un engin d’exploration sur Mars ? C’est la pure réalité : un « Rover » chinois baptisé « Zhurong » s’est posé en douceur sur la planète rouge le 14 mai 2021 après 10 mois de voyage sans encombre.
La Chine possède désormais une suprématie planétaire dans plus des deux tiers des domaines de haute technologie (nucléaire, médical, génétique, solaire, géo-ingénierie hydroélectrique…) mais le domaine qui peut faire basculer le leadership géopolitique mondial, c’est effectivement la maîtrise des meilleures technologies dans le domaine de l’intelligence artificielle.
La Chine surpassait – et de plusieurs longueurs – l’Occident en termes de collecte et traitement de données : ultra-domination en termes d’effectifs de data centers, et adéquation parfaite en matière d’alimentation en énergie pour ces gouffres à gigawatts…
Mais les experts occidentaux comparaient cela à des hordes de chars soviétiques T-72 venant défier des hélicoptères Apache dotés de dizaines de missiles antichar, capables de détruire leurs objectifs à 5 km de distance et intouchables par aucun des systèmes d’armes des blindés datant des années 1970.
Les Etats-Unis avaient une guerre d’avance : en ont-ils maintenant une de retard ?
Le leadership mondial a peut-être déjà basculé. Nvidia en serait la première victime la plus emblématique, puis viendrait le tour de Broadcom, ARM.
Pour Wall Street, ce serait un « touché/coulé » d’anthologie : des milliers de milliards de dollars de valeur boursière désintégrée, sans qu’une seule menace belliciste ne soit proférée, sans qu’un blocus de Taïwan ne soit ordonné.
