Les opérations de repo menées par la Fed ces derniers mois sont titanesques – de quoi faire pâlir les sommes injectées lors de la crise de 2008. Pourtant, personne ne s’affole…
« Etre journaliste, c’est couvrir les événements importants », déclara un jour un plaisantin… « en leur mettant un oreiller sur le visage ».
Un titanesque plan de sauvegarde du système bancaire se poursuit sans donner de signe d’épuisement.
La presse financière grand public s’est saisie d’un oreiller, l’a placé sur cet événement important… et a appuyé des deux mains avec une énergie meurtrière.
Aujourd’hui, nous nous libérons de son emprise… et prenons une grande bouffée d’oxygène, dont nous avons désespérément besoin.
Je vous parle bien sûr du soutien apporté par la Réserve fédérale au marché des repos.
Quelle est la taille exacte du plan de sauvegarde en question ? Son montant total pourrait-il dépasser celui des renflouements accordés à l’industrie financière entre 2007 et 2010 ?
Voici les réponses, aussi insaisissables que la brume du matin.
Marché des repos : quézaco ?
Commençons par un petit rappel sur ce qu’est le marché des repos :
Les institutions financières empruntent et prêtent de l’argent selon leurs besoins sur les marchés monétaires au jour le jour.
Ces activités d’emprunts et de prêts à court terme prennent la forme de « repos », ou accords de rachat (repurchase agreements en anglais).
Si une entreprise souhaite emprunter de l’argent, elle se tourne vers le marché des repos et tend son chapeau.
En guise de caution, elle propose des titres de haute qualité, comme des bons du Trésor. Une autre institution financière, satisfaite par cette caution, accepte alors de prêter la somme au jour le jour.
Le lendemain, l’emprunteur « rachète » la caution proposée initialement… et rend l’argent emprunté (en y rajoutant de petits intérêts).
Le marché des repos est l’huile dans les rouages du système financier. Si cette source de lubrification devait se tarir, le système se gripperait, soudainement et violemment.
Pourtant, le marché des repos passe presque totalement inaperçu. Il ronronne tranquillement ; c’est la routine, le bruit de fond derrière le vacarme étourdissant du marché boursier.
Selon Alexander Saeedy, dans Fortune :
« L’un des éléments de tuyauterie les plus essentiels à l’alimentation du marché financier mondial fonctionne généralement si bien qu’il est oublié par les observateurs financiers. C’est le marché des repos… »
« Le marché des repos est au centre du système financier des Etats-Unis, mais il est souvent mal compris, même par la plupart des gens qui travaillent dans la finance, » ajoute un autre observateur, du nom de John Carney.
Tout cela peut-il vraiment être une coïncidence ?
La Bourse a connu une magnifique progression ces dernières semaines – même si le coronavirus est venu lui mettre quelques bâtons dans les roues récemment.
Les grands médias en attribuent tout le crédit à une trêve dans la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis (sans oublier le nouvel accord commercial négocié avec ses voisins d’Amérique du Nord). Quelques données économiques très enthousiasmantes publiées récemment en ont accéléré le rythme.
Nous trouvons pourtant tout cela fort suspect. Voyons cela d’un peu plus près…
En septembre 2019, la liquidité du marché des repos a commencé à s’évaporer. La branche new-yorkaise de la Réserve fédérale s’est précipitée sur les lieux avec les lances à incendie.
Venons-en au fait crucial suivant :
Le 11 octobre, la Réserve fédérale a annoncé son intention d’acheter chaque mois 60 Mds$ de bons du Trésor US.
Mirabile dictu… le marché boursier s’est immédiatement envolé.
Pour faire simple, le marché a attendu, pour s’emballer, que la Réserve fédérale ait lancé un « QE light ».
Au total, la Réserve fédérale a ajouté 400 Mds$ à son bilan ces quatre derniers mois –- soit un taux annualisé de 1 200 Mds$.
La Réserve fédérale proteste, nie, affirmant qu’il n’y a pas le moindre assouplissement quantitatif, sous aucune forme, ah non, ça, jamais.
Son bilan indique tout autre chose, cependant…
Un océan de liquidité
L’échelle de cette opération est vertigineuse, titanesque, stupéfiante.
Comparons avec l’histoire récente. Commençons par voir ce qui s’est passé en 1999…
En prévision du passage à l’an 2000, la Fed avait investi 120 Mds$ pour soutenir le marché des repos – afin de se préparer à la menace d’un éventuel « bug ».
Elle a également étayé ce marché après le 11 septembre 2001… et pendant la Grande crise financière.
Ces opérations font figure de crevettes à côté du cachalot actuel.
La Réserve fédérale dépense aujourd’hui des sommes à faire pâlir tous les exemples précédents. Voyez un peu :
Le montant du plan de sauvegarde du marché des repos va-t-il dépasser celui, pourtant déjà colossal, du plan de sauvegarde de Wall Street après la grande crise financière de 2008 ?
C’est ce que nous verrons dès demain…