Trump attaque, recule, reproduit les schémas existants… et s’auto-félicite. Pendant ce temps, les prix montent, les déficits explosent et les Américains passent à la caisse.
« Nous avons commencé à 10% et nous avons fini à 10%. » – Howard Lutnick
Donald Trump a remporté une grande victoire vendredi. Son premier accord commercial.
C’est en tout cas ce que les médias ont affirmé. Puis, ce lundi matin, une autre « grande victoire » a été annoncée… NBC rapporte :
« Les Etats-Unis et la Chine ont annoncé lundi qu’ils avaient convenu d’une pause de 90 jours sur la plupart des droits de douane qu’ils se sont imposés mutuellement depuis le mois dernier, ce qui constitue une étape importante vers l’apaisement de la guerre commerciale entre les deux puissances, qui a ébranlé l’économie mondiale. Les droits de douane américains sur les importations chinoises seront ramenés de 145% à 30%, tandis que les taxes chinoises sur les importations américaines seront ramenées de 125% à 10%, ont indiqué les deux pays dans une déclaration commune. »
C’est bien cela. Commencez une « guerre commerciale ». Ensuite, reculez, et vous obtiendrez une « grande victoire » pour votre équipe.
Vous vous souviendrez que Trump a dû se retirer d’une guerre commerciale quand les marchés boursiers ont commencé à chuter. Il a ensuite tenté de négocier avec les nombreux partenaires commerciaux des Etats-Unis. La guerre s’est terminée, suivie de quelques concessions, mais surtout de beaucoup de bluff et de grandiloquence politique. Puis l’équipe Trump a annoncé sa grande victoire.
A la fin du premier mandat de Trump, les avis étaient encore partagés. Les libéraux pensaient toujours qu’il était un escroc et un clown ; et après l’émeute au Capitole, ils étaient persuadés que sa carrière politique était terminée. Les « conservateurs », quant à eux, ont rapidement compris que Trump était leur ticket gagnant – du moins pour les primaires. Ils ont associé toute critique à l’égard du Grand Chef de problème mental – une sorte de syndrome anti-Trump.
Mais la nation a survécu à Trump I. Et à la fin, l’Etat profond était plus enraciné que jamais, la dette plus élevée que jamais, et les institutions fédérales fonctionnaient comme avant.
Certains estiment que ce sont les « adultes dans la salle » qui ont évité que Trump I ne soit trop perturbateur, d’autres pensent que ces adultes l’ont empêché de remplir sa mission. Ceux-là se sont organisés pour qu’une telle entrave ne se reproduise plus.
Nous voici donc face à Trump II. Et cette fois, Trump apparaît à découvert, soutenu non plus par des modérateurs rusés, mais par toute une cour de partisans – Bondi, Hegseth et les autres. Et cet empereur nu n’est pas très beau à voir.
L’accord avec le Royaume-Uni est typique des « grandes victoires » de l’équipe Trump. Il laisse le commerce avec le pays dans un état « pire que le statu quo d’avant Trump », selon Scott Lincicome, de l’institut conservateur Cato.
Le libre-échange est un fondement des économies gagnant-gagnant. Il ne favorise personne en particulier, mais tout le monde en général. Il fait baisser les prix et améliore la qualité en stimulant la concurrence.
Le commerce administré par des politiques, en revanche, devient un jeu gagnant-perdant – ou même perdant-perdant – au profit des mieux introduits, des plus gros lobbys et des intérêts politiques. Certains secteurs, investisseurs ou consommateurs peuvent y gagner… tous les autres y perdent.
The Hill énumère quelques perdants de l’accord :
« L’industrie automobile américaine est fortement intégrée avec le Canada et le Mexique ; il n’en va pas de même avec le Royaume-Uni », explique Matt Blunt, président de l’American Automotive Policy Council. »
GM, par exemple, estime que les droits de douane pourraient amputer ses bénéfices de 5 milliards de dollars, Ford de 1,5 milliard, selon l’Associated Press.
« Chacune de ces trois entreprises possède des usines aux Etats-Unis, mais elles prévoient toujours des revers importants en raison des droits de douane imposés par le président, étant donné que les chaînes d’approvisionnement de l’industrie automobile sont fortement intégrées à l’échelle de l’Amérique du Nord.
La semaine dernière, GM a déclaré que les droits de douane pourraient amputer ses bénéfices de 5 milliards de dollars cette année, tandis que Ford s’attend à une baisse de 1,5 milliard de dollars, a rapporté l’Associated Press. »
L’issue de la « guerre commerciale » aurait dû être évidente. Elle avait été mise en scène dès le premier mandat de Donald Trump. En 2017, il avait lancé une offensive contre le Canada et le Mexique, dénonçant l’ALENA comme une abomination.
Ses détracteurs l’accusaient d’ignorance économique, de stupidité ou de folie. Ses partisans, eux, affirmaient qu’il s’agissait d’une tactique de négociation.
Et puis, face à l’effondrement total du commerce transfrontalier le plus important des Etats-Unis, l’équipe de Trump a mis fin à la guerre et a commencé à négocier. Le résultat ? Un accord qui aurait pu être le jumeau de l’ALENA, séparé à la naissance, est revenu ! L’USMCA a pris la place de l’ALENA. Et le déficit commercial de 63 milliards de dollars de l’Amérique avec le Canada et le Mexique en 2017 s’est aggravé, explosant à plus de 200 milliards de dollars aujourd’hui.
Une grande victoire ? Pas vraiment. Il affirme à présent que l’USMCA, l’accord conclu par ses propres responsables commerciaux, est une escroquerie pour les Etats-Unis.
La « grande victoire » contre le Royaume-Uni sera-t-elle différente ? Les entreprises et les consommateurs américains entretiennent depuis longtemps des relations commerciales amicales avec la Grande-Bretagne. Les acheteurs et les vendeurs concluent les accords qu’ils souhaitent, sous réserve des modestes droits de douane imposés par le gouvernement fédéral. Les détails du nouvel accord ne sont pas encore connus, mais l’essentiel est qu’au lieu de payer des droits de douane inférieurs à 2% (moyenne pondérée) sur les importations en provenance du Royaume-Uni, les consommateurs américains vont payer 10% – soit plus de cinq fois plus.
L’une des critiques fréquentes des Etats agricoles américains est que les Européens n’achètent pas assez de produits agricoles américains. Non pas à cause de droits de douane élevés – ils sont faibles, voire inexistants – mais à cause de « barrières non tarifaires ».
Nous avons pu constater de visu certains de ces obstacles samedi, lorsque nous sommes allés visiter certaines de nos cultures dans la partie nord-est, plate et chaude, de la province de Salta.
« Il faut faire très attention à la manière dont nous utilisons les pesticides », nous a expliqué notre agronome.
Il tenait une gousse contenant des graines de sésame et nous montrait les petites graines.
« Les meilleures graines… aux meilleurs prix… vont vers le marché européen, a-t-il expliqué. Mais les Européens sont pointilleux sur les pesticides. S’il y en a trop, ils n’achètent pas. Leurs normes sont plus élevées que partout ailleurs… mais ils paient aussi plus cher que n’importe qui. »
Notre agronome nous décrivait là le fonctionnement des barrières non tarifaires. Il ne s’agit pas du tout de droits de douane. Il s’agit simplement du choix des consommateurs. Les Européens ne veulent pas manger de pesticides.
Une autre barrière non tarifaire que Donald Trump déplore est la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) européenne. Là encore, elle n’a rien à voir avec le commerce et ne discrimine pas les produits américains. Il s’agit simplement d’une taxe sur les ventes qui rend tout plus cher, y compris les produits nationaux.
Ces choses sont aussi évidentes pour les négociateurs commerciaux que pour nous. Il y a des préoccupations légitimes, mais la plupart d’entre elles ne font que partie du théâtre politique. Et maintenant, la troupe de Trump se met en scène. Avec le Royaume-Uni, Trump a négocié des droits de douane de 10%, soit une pénalité de 400% à payer par les consommateurs américains.
Samedi, le plus Grand Chef de tous les Grands Chefs affirmait que 80% serait un bon taux pour la Chine, et dès le lundi matin, ses négociateurs ramenaient la taxe imposée aux consommateurs américains à 30%.
On peut donc s’attendre à encore bien d’autres « grandes victoires », à mesure que le commerce recule, que les prix grimpent… et que les citoyens s’appauvrissent.
2 commentaires
Dans la guerre du Profit Trump n’est certainement pas une trêve. Un réajustement et un réarmement.
L’Occident face à la Chine notamment. Mais aussi l’Inde ou toute l’Asie du Sud Est et le Japon… Après deux siècle (19è et 20è) de domination économique occidentale. Trump a compris qu’il fallait que les USA protègent leur puissance restante. Les citoyens occidentaux, aux USA d’abord, en Europe ensuite, se sont appauvris bien avant Trump. Personne ne sait si Trump inversera le courant, mais ce qui est certain c’est que personne ne sait comment corriger cette évolution. Surtout pas ceux qui en sont les responsables.
Le communisme a échoué, mais le néo-libéralisme a déjà montré qu’il allait vers un échec social total.
Trump s’est attaqué à un mythe des « Grands Marchands » Occidentaux : le Libre échange. Une religion qui gouverne encore la très grande majorité des médias occidentaux.
Le Libre Échange n’est pas un Dieu devant lequel il faudrait se prosterner. Seulement une opportunité pour certains à un moment donné, et une dépendance pour d’autres au même moment.
Le Libre échange des noirs africains vers les USA entre le 16è et le 19è siècle ?
Le Libre échange de l’Opium vers la Chine, au 19è siècle, par les Britanniques, au nom de la Liberté du Commerce ?
Le Libre échange, au 20è siècle, des populations pauvres du Tiers-Monde vers l’Europe et la destruction ethnique et culturelle de l’Europe ?
Le Libre échange au 21è siècle, des routiers de l’Europe de l’Est vers l’Europe occidentale au détriment de toutes les règlementations économiques et sociales ?
Le Libre échange de la voiture électrique chinoise ?
Le Libre échange qui oblige une partie de la classe moyenne US à dormir sur les trottoirs ou dans leurs voitures ?
Le Libre échange est depuis les années 1990 contemporain d’une régression des niveaux de vie des peuples en Europe et aux USA.
Il faut dire Merci ?
Les droits de douane ne s’applique que sur une partie du prix de détail, il faut ajouter à l’import coûts et marges de la distribution et de la transformation éventuelle, donc une hausse du 10% du prix du produit importé n’est pas une hausse de 10% du prix de détail!
Et puis Trump a raison en disant qu’au lieu d’avoir 20 poupées, l’enfant n’en aura plus que 2 payées quelques dollars de plus. Et j’ajoute qu’il n’en sera pas malheureux. La mondialisation a surtout fiat pression sur les prix de vente mais aussi les salaires rabaissant tout en général en produits camelotes vite jetés. Et nous incite à acheter des trucs dont nous n’avons en fait pas besoin avec de l’argent qu’on a pas (qu’on emprunte) et nous fait gaspiller de l’énergie précieuse pour transporter tout cela autour de la planète. Trump est peut-être ainsi plus écolo que les écolos