Après une escalade tarifaire tous azimuts – y compris contre des alliés – et un plongeon des marchés, la guerre commerciale a tourné court. Comme à Stalingrad, une offensive mal pensée s’est terminée dans l’impasse.
« J’avais imaginé ce qu’était la guerre : tout en feu, des enfants qui pleurent, des chats qui détalent. Et puis nous sommes arrivés à Stalingrad… C’était bien cela – en pire. » – Une femme soldat soviétique
C’est reparti pour un tour. Reuters rapporte :
« L’or chute de près de 1 % après que Trump a repoussé l’échéance des droits de douane sur les produits de l’UE »
Trump menace de taxer, l’or grimpe. Il recule, l’or chute.
Hier, nous avons regardé de vieux documentaires. Des centaines de milliers de soldats, des camions, des chars, des canons et des tonnes de matériel… Tous traînaient dans la boue jusqu’aux portes de Leningrad. Puis, plus rien. Ils n’ont pas pu aller plus loin.
En août 1941, l’offensive s’est arrêtée.
Pendant ce temps, un autre front s’ouvrait au sud. Il visait à exploiter les riches gisements pétroliers du Caucase du Sud. Hitler avait dit que s’il ne parvenait pas à obtenir ce pétrole, il devrait arrêter la guerre. Il ne l’a jamais obtenu… mais il n’a jamais mis fin à la guerre.
Tout programme gouvernemental ambitieux semble suivre une logique en trois temps : l’aide, la relance et la réforme, comme dans le New Deal, les « trois flèches » du Japon… et, de son côté, Donald Trump avait lui aussi ses trois piliers dans son offensive MAGA.
Les droits de douane « réciproques » devaient être le deuxième volet de la campagne de Trump. Lors de son premier mandat, les têtes froides avaient pris le dessus et l’avaient empêché de mettre en œuvre les tarifs élevés qu’il souhaitait.
Mais au cours de son second mandat, Trump II, les têtes froides ont été remplacées par des têtes brûlées et quelques imbéciles. C’est ainsi qu’a été lancée la guerre commerciale, censée être « facile à gagner ».
Vendredi, Donald Trump a semblé oublier qu’il avait déjà perdu cette guerre. Il a dit au P-DG d’Apple que s’il ne fabriquait pas ses téléphones aux Etats-Unis, ses clients devraient payer une taxe de 25 %. « Je ne veux pas que vous construisiez des usines en Inde », a déclaré le chef d’Etat américain.
Il a ensuite adressé un message à l’Europe, menaçant d’imposer des droits de douane de 50 %. « Nos discussions avec eux ne mènent nulle part », a-t-il déploré.
Mais à quoi s’attendait-il ? Tout le monde sait désormais qu’une véritable guerre commerciale ferait chuter la Bourse. Trump peut encore brandir des menaces. Mais plus personne ne croit qu’il passera à l’acte.
Dès le départ, peu d’économistes pensaient que l’augmentation des droits de douane serait bénéfique. Les véritables problèmes étaient monétaires et structurels. Les Etats-Unis disposaient d’un « dollar basé sur le crédit » qu’ils pouvaient « imprimer » à volonté. Les Américains pouvaient dépenser ces dollars à l’étranger en échange de biens et de services… sans jamais devoir fournir de biens ou de services en retour.
Ces dollars restaient dans les coffres des banques étrangères pendant des décennies, comme « réserves », pendant que l’inflation grignotait leur valeur. C’est ce « privilège exorbitant » que le ministre français des Finances Valéry Giscard d’Estaing avait dénoncé. Mais ce « privilège » avait un coût : il a affaibli l’industrie américaine.
Normalement, l’impression monétaire provoque de l’inflation. Mais puisque les prix à l’import étaient faibles et que l’argent frais restait bloqué à l’étranger, l’inflation est restée modérée. Mais elle était constante. Avec le temps, elle a rendu le travail américain bien plus coûteux que celui des Mexicains, des Vietnamiens ou des Chinois. Les salaires chinois ont progressé en termes réels. Les salaires américains, eux, n’ont augmenté qu’en chiffres gonflés par l’inflation.
Résultat : les travailleurs américains ont stagné, tandis que les produits américains devenaient moins compétitifs sur les marchés mondiaux. Avec les normes environnementales, l’interdiction du travail des enfants et d’autres restrictions, les barrières « non tarifaires » ne pouvaient pas être contournées par de simples hausses de prix sur les importations.
Les exportateurs américains ne tiraient pas non plus un grand bénéfice des hausses de droits de douane. A ce stade, presque aucun produit complexe n’est entièrement américain. Le Wall Street Journal rapporte :
« Près de la moitié des voitures neuves vendues aux Etats-Unis en 2024 ont été assemblées à l’étranger, selon S&P Global Mobility. Et la quasi-totalité des smartphones sont fabriqués hors du pays. Les entreprises aiment vanter leur production américaine, même lorsqu’elle reste marginale. »
Malgré cela, Donald Trump a poursuivi sa guerre commerciale, annoncée en grande pompe lors du jour de la Libération, le 2 avril 2025. Mais les droits de douane « réciproques » ont été fixés à des niveaux souvent sans lien avec la réalité commerciale. Certains pays ont été taxés à l’export alors qu’ils n’exportaient rien. Les Etats-Unis affichaient un excédent commercial avec le Royaume-Uni, mais cela n’a pas empêché ce dernier d’être frappé de droits de douane.
La Chine n’a pas pris ces mesures à la légère. En deux jours, elle a frappé fort. Les droits de douane entre la Chine et les Etats-Unis ont rapidement dépassé les 100 %, à l’entrée comme à la sortie. Une véritable guerre commerciale s’est déclenchée, avec un risque de dépression mondiale. Le Dow Jones a chuté de près de 5 000 points en cinq jours. Le secrétaire au Trésor, M. Bessent, a dû reconnaître que les tarifs élevés de Trump étaient « insoutenables ». L’administration a fait machine arrière, suspendu les droits de douane, et proposé des négociations.
En quelques jours, la guerre commerciale était finie. Comme un char tombé en panne, les droits de douane « réciproques » ont été abandonnés. Les nouveaux droits seraient négociés selon des modalités plus classiques, « donnant-donnant ». Assez élevés pour rester une lourde taxe sur les consommateurs américains, mais pas au point de provoquer un effondrement économique ou une « réinitialisation » du commerce mondial. Fin mai, un accord a été trouvé autour d’un tarif moyen de 18 %, comparable à la TVA européenne sur la consommation.
Et cette semaine, comme prévu, une nouvelle « pause » a été annoncée. Forbes rapporte :
« Trump reporte les droits de douane sur l’Union européenne à juillet – la dernière volte-face tarifaire depuis le ‘jour de la libération’. »
Retour dans les steppes soviétiques, au début des années 1940. Les Allemands mobilisaient toujours plus d’hommes et de ressources à Stalingrad. Mais à la fin de 1942, les Soviétiques ont pris l’avantage, tandis que les Allemands peinaient à compenser leurs pertes.
Une contre-attaque surprise soviétique a encerclé les troupes allemandes, hongroises, roumaines et italiennes, épuisées. La Luftwaffe promettait un ravitaillement aérien. Mais cette promesse était irréaliste… et bientôt, Friedrich Paulus, le général allemand, devait désobéir à Hitler et se rendre.
A la fin de la bataille, en février 1943, plus de trois millions de personnes avaient péri.
Bien sûr, il n’y a aucune comparaison possible entre les souffrances infligées par la bataille de Stalingrad et la tentative de Donald Trump de refondre le commerce mondial. Sa « guerre commerciale » tenait davantage de la farce que de la tragédie. Mais un président – tout comme un général – dispose d’un temps et de ressources limités. S’il concentre ses forces sur les bons objectifs, il peut réellement avancer.
La campagne de Trump pour remodeler le commerce mondial, menée en parallèle à des déportations massives et des conflits constants avec Harvard, la presse, Jerome Powell, les conservateurs républicains et d’autres, était une erreur stratégique. Il s’est trompé de cible qu’il ne pouvait de toute façon pas atteindre. Après avoir épuisé un capital politique et diplomatique considérable, il a dû battre en retraite.
Les négociations de paix sont en cours…
Demain, nous aborderons la troisième et dernière grande initiative – la seule qui importe vraiment. Elle se livre, jour après jour, dans les médias nationaux.