▪ Alan « Bulles » Greenspan est de retour dans les journaux. A 88 ans, il a toujours toute sa tête. C’est-à-dire qu’il voit très clairement où sont ses propres intérêts… et il est assez malin pour tordre les faits pour qu’ils s’y adaptent.
Plus précisément, lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait du discours de Janet Yellen au FMI, durant laquelle elle a affirmé qu’il fallait lutter contre les bulles avec plus de réglementation, il a répondu :
« Les bulles sont des fonctions de la nature humaine immuable. La question évidente est de savoir comment les gérer. Toutes les bulles enflent, et elles s’effondrent toutes ».
Voyez-vous, ce n’était pas sa faute si la plus grosse bulle en un demi-siècle a éclaté un an après qu’il a quitté son poste en tant que manipulateur-en-chef de la plus grande économie au monde. Ce n’était que la nature humaine.
Bien entendu, la nature humaine joue un rôle dans les bulles. Mais la nature humaine est toujours avec nous. Pas les bulles. Si bien que lorsqu’on parle des « causes » d’une bulle, il faut regarder plus loin… et s’intéresser aux conditions spécifiques dans lesquelles les prix échappent à tout contrôle.
Il n’y avait pas de bulle dans les années 50. Ni dans les années 60. Il y a eu des mouvements de prix importants, mais la première chose qu’on pourrait qualifier de bulle était le prix extrêmement gazeux de l’or durant les années 70. A l’époque, le métal jaune est passé de 42 $ à 800 $ l’once.
La première chose qu’on pourrait qualifier de bulle était le prix extrêmement gazeux de l’or durant les années 70 |
Qu’est-ce qui a causé ça ? La nature humaine ? Oui, en un sens : la cupidité et la malhonnêteté naturelle des autorités américaines. En 1968, ces dernières ont fait défaut sur leurs obligations envers les citoyens et les contribuables américains d’échanger les dollars contre de l’or à un taux fixe. En 1971, le gouvernement US a renié cette même obligation envers les banques centrales étrangères.
Cela — et des taux d’inflation à deux chiffres — a tant inquiété les investisseurs qu’ils ont soudainement et massivement transféré leurs actifs vers l’or, afin de se protéger.
Cela se révéla être un mauvais choix lorsque Paul Volcker fit éclater la bulle au début des années 80, comme le reconnaît Greenspan lui-même :
« Lorsque les bulles émergent, elles prennent une existence qui leur est propre. Il est très difficile de les arrêter, sauf à risquer un effondrement du marché. La Fed de Volcker a affronté et désamorcé la gigantesque poussée d’inflation de 1978 mais a dû faire face à une contraction économique sévère. A part cela, les bulles doivent suivre leur cours ».
Mais… « la manière dont elles sont financées est essentielle », a-t-il ajouté. Suivez l’argent. Qui a causé la poussée d’inflation dans les années 70 ?
▪ D’où provenait l’excès d’argent ?
M. Greenspan ne montre pas le moindre intérêt pour suivre cette piste. Le vieux limier abandonne la chasse avant même d’avoir commencé, changeant de sujet pour parler de ce que les autorités ont fait après l’éclatement des bulles.
« Le 19 octobre 1987, le Dow Jones Industrial Average a chuté de 23% — un record journalier historique qui n’a encore pas été battu. Goldman envisageait de suspendre un paiement de 700 millions de dollars à la Continental Illinois Bank de Chicago, programmé pour le mercredi matin, suite au krach. Rétrospectivement, s’ils avaient suspendu ce paiement, la crise aurait été bien plus handicapante ».
Oui, permettre aux marchés de suivre leur cours aurait été « handicapant ». Cela aurait handicapé la « bullemobile ». Les investisseurs et les spéculateurs auraient été prévenus : vous êtes tout seuls !
Les investisseurs et les spéculateurs auraient été prévenus : vous êtes tout seuls ! |
Au lieu de ça, Greenspan est intervenu. La banque centrale a fait savoir qu’elle soutenait Wall Street. C’est là qu’est né le « put Greenspan ». En cas de chute des prix, les financiers savaient que la Fed les renflouerait.
Les bulles ont donc continué.
La bulle des dot.com a éclaté en 2000. La bulle de la finance/immobilier a éclaté en 2007. A présent, préparez-vous pour la plus grosse explosion de tous les temps — quand la bulle du crédit atteindra finalement ses limites.