▪ L’accord atteint avec la Grèce le week-end dernier permet — en théorie — de donner l’argent nécessaire au pays pour renflouer ses banques. En pratique, cependant, il y a deux problèmes.
Pour commencer, « Tsipras est confronté à la rébellion à Athènes », nous dit le Financial Times.
Deuxièmement, les parties impliquées doivent trouver un « prêt relais » pour remettre la Grèce à flot en attendant que les détails du plus grand projet de financement soient réglés.
Ce « relais » ne mènera probablement à rien…
Nous rédigeons ces lignes dans les rues du quartier de Plaka, au coeur d’Athènes, dos au Parthénon et l’Agora à nos pieds.
Le soleil brille. Il commence à faire chaud.
Sur le trottoir d’en face se trouve un serveur de haute taille, mince et élégant — un mélange de George Clooney et d’Omar Sharif, les cheveux poivre et sel coiffés vers l’arrière, le visage fin. Il a trouvé sa vocation. Il arrête des femmes d’âge mûr. Il discute un peu avec elle. Il les invite dans le restaurant. Un sourire aux lèvres, il les escorte jusqu’à la porte… où il les confie à un collègue rondouillard.
Un peu plus loin, deux gitanes — portant de longues jupes crasseuses — fument un joint, se le passant à tour de rôle. Quand un touriste convenable approche, elles cachent le joint, sautent sur leurs pieds et offrent de lire l’avenir dans les lignes de la main.
Tsipras est revenu au pays hier et a été accueilli en héros ou en traître, selon comment on voit les choses.
Il ne fait aucun doute qu’il est un héros aux yeux des banquiers internationaux ; il vient d’accepter de jouer leur jeu en suivant toutes leurs règles, continuant de faire passer l’argent des prêteurs vers les emprunteurs puis à nouveau vers les prêteurs — et tous les zombies en chemin.
Tsipras est revenu au pays hier et a été accueilli en héros ou en traître, selon comment on voit les choses |
Bon nombre des zombies, sans parler des citoyens honnêtes de la république grecque, le considèrent comme un traître. Ne venaient-ils pas d’exercer leur droit, en tant que citoyens démocratiques, il y a quelques jours ? Ne s’étaient-ils pas clairement exprimés ? N’avaient-ils pas dit aux banquiers, quasiment en toutes lettres : allez vous faire voir ?
▪ Petits zombies et gros zombies
Pour comprendre ce qui se passe en Grèce, il faut réaliser que c’est en majeure partie une bataille entre deux factions zombies. D’un côté se trouvent les gros zombies internationaux qui veulent continuer à gagner de l’argent en prêtant à un risque crédit élevé. De l’autre côté se trouvent les petits zombies locaux, qui espèrent continuer à toucher l’argent sans aucune intention de le rendre un jour.
« La Grèce a atteint son sommet à l’époque d’Aristote », a déclaré un ami lors du dîner hier. « Depuis, c’est la chute ».
On ne peut pas accuser les Grecs d’être idiots, cependant. Ils sont parfaitement contents de prendre l’argent des Européens du nord — qui s’agisse de touristes ou de banquiers. Pour eux, c’est la même chose.
« Ils ont un système de retraite en Grèce », a continué notre ami, « qui fait que si l’on occupe un emploi considéré comme ‘dangereux’, on peut prendre sa retraite complète lorsqu’on a seulement 53 ans. Et devinez ce qui est considéré comme ‘dangereux’ ? Toutes sortes de choses… y compris être coiffeur. En plus, ils reçoivent tant d’argent qu’on a déjà vu trois générations d’une même famille vivant toutes sur une seule pension de retraite ».
Avant-hier, les coiffeurs au chômage et les petits zombies locaux se sont rassemblés sur la place Syntagma pour montrer leur insatisfaction vis-à-vis de Tsipras et de son gouvernement. Ils disaient qu’il les avait vendus à Bruxelles.
Les manifestations vont continuer, avec une grève de 24 heures.
On ne peut pas accuser les Grecs d’être idiots, cependant. Ils sont parfaitement contents de prendre l’argent des Européens du nord |
A l’origine, les banques étaient censées être fermées pour un jour… voire deux. Voilà deux semaines qu’elles n’ont pas réouvert. Au début, elles étaient fermées pour ralentir la fuite de cash. A présent, elles sont fermées parce qu’elles sont sur la paille. C’est le problème quand on n’est pas aux commandes de son propre argent : on ne peut pas en imprimer plus quand on en a besoin.
Si les électeurs désertent Tsipras… ou si le prêt relais s’effondre… les Grecs pourraient devenir désespérés.
Quel dommage que nous devions partir juste au moment où les choses devenaient intéressantes !