Les figures de grands entrepreneurs ne manquent pas dans l’histoire, notamment depuis quelques décennies dans le secteur des nouvelles technologies. Mais des figures plus anciennes, remontant par exemple aux ruées vers l’or américaines, ont d’autres leçons à nous apprendre sur l’entrepreneuriat.
Naît-on entrepreneur ou le devient-on ? Avec l’apparition de nombreux programmes de formation à l’entrepreneuriat dans les universités du monde entier, on pourrait penser qu’être entrepreneur s’apprend, comme on apprend à être médecin ou architecte. En réalité, les qualités premières d’un entrepreneur ne peuvent pas être enseignées : il s’agit du courage nécessaire pour tout risquer et de la volonté de toujours chercher à atteindre de nouveaux sommets.
Soit en faillite, soit fortuné
George Hearst était l’un de ces véritables entrepreneurs. Ayant grandi dans l’Etat du Missouri, il s’est rendu compte que l’exploitation minière était bien plus lucrative que l’agriculture et, comme l’écrit Matthew Bernstein dans son ouvrage George Hearst: Silver King of the Gilded Age (George Hearst : roi d’argent de l’âge d’or ; non traduit en français) : « Il a renoncé à une vie facile de propriétaire terrien esclavagiste dans le Missouri pour tenter sa chance au cours de la ruée vers de l’or en Californie. »
Mais Hearst était loin d’en avoir fini avec les succès et les échecs avec ses projets sur les champs aurifères californiens. Comme il pensait qu’il avait rejoint en retard la ruée vers l’or californienne, quand il apprit l’existence de ce qui allait devenir le plus important gisement d’argent de l’histoire des Etats-Unis, le Comstock Lode, il se rendit à Virginia City (aujourd’hui dans le Nevada), pour y prospecter l’argent. Il se constitua ainsi une nouvelle fortune.
Tout au long de la première moitié du livre de Bernstein, qui est facile à lire et richement documenté, Hearst était soit en faillite, soit fortuné ; jamais entre les deux. Il a amassé et perdu des fortunes, mais rien ne pouvait l’arrêter. Il avait un flair naturel pour trouver des gisements d’or et d’argent. Même après avoir épousé Phoebe, qui lui a donné un fils, Willy, dénommé W.R. en grandissant et que le monde a fini par connaître sous le nom de William Randolph, George Hearst était rarement à la maison. Il était constamment à la recherche du prochain gros coup.
Au fil des années, Hearst a acquis des dizaines de milliers de kilomètres carrés de pâturages dans l’Ouest des Etats-Unis ainsi qu’au Mexique, où étaient élevées des centaines de milliers de têtes de bétail. Alors que sa fortune avait pour origine ses activités minières, ses talons d’Achille étaient l’immobilier à San Francisco, la spéculation boursière et la politique.
Mais il avait toujours près de 5 000 hommes à sa solde, et sa famille vivait de façon extravagante. « Il semblait tout simplement inconcevable qu’ils arrivent à court d’argent », écrit Bernstein.
Au milieu des légendes du Far-West
Hearst vécut de 1820 à 1891. Au cours de son existence, il rencontra et se lia d’amitié avec des personnalités telles que Mark Twain à Virginia City et fréquenta de près ou de loin quelques figures du Far-West. Il échappa notamment de peu à la fusillade de O.K. Corral à Tombstone – qui impliqua les frères Earp, Doc Holliday et Curly Bill Brocius. Wild Bill Hickok fut abattu à une table de jeu à Deadwood juste avant l’arrivée de Hearst, qui gagna par la suite des millions grâce à la mine voisine de Homestake. Le célèbre écrivain et journaliste Ambrose Bierce fut à la solde de Hearst lorsqu’il travaillait au San Francisco Examiner.
Parmi les personnages historiques mentionnés par l’auteur, les passionnés de la période et fans de la série Deadwood sur HBO reconnaîtront le propriétaire du Gem Saloon, Al Swearengen, ainsi que Calamity Jane et Seth Bulloch. Bernstein mentionne la série et la façon dont l’acteur Gerald McRaney dépeint Hearst comme un sociopathe. L’auteur estime que cette description de Hearst est bien trop sévère. Après tout, ce sont ses avocats, et non des tireurs professionnels, que Hearst a chargé de mener ses batailles.
Certes, Hearst n’avait rien d’un boy-scout. Il a été accusé d’avoir soudoyé les jurés lors de son procès pour meurtre à Deadwood, et a eu recours à la corruption dans sa quête pour siéger au Sénat américain. « Emblématique de l’âge d’or des Etats-Unis [NDLR : 1870-1900], Hearst faisait preuve d’un esprit de compétition pathologique », écrit Bernstein.
Hearst a ainsi fermé la mine de Homestake en faisant un peu d’esbroufe pour donner la fausse impression que c’était un échec, puis il a personnellement recherché et retrouvé les démarcations initiales de la mine pour la relancer. Bernstein souligne que « Hearst a démontré pour de bon qu’au grand jeu des concessions minières, il était imbattable. »
C’est en politique que Hearst a révélé son manque d’éducation et de culture. Le Los Angeles Times l’appelait « George Hearst sans cervelle », « un vieil ignare, aussi peu lettré que le dos d’une pierre tombale » ou encore un « sac d’argent analphabète ».
La richesse des mines
Les sources sur lesquelles s’est appuyé Bernstein incluent un certain nombre de lettres de sa femme et son fils qui lui étaient adressées, mais aussi des journaux de l’époque qui semblaient rapporter les moindres faits et gestes de Hearst. Le Pioche Daily Record est par exemple souvent cité. Située à 180 miles au nord-est de Las Vegas, Pioche était une ville minière en plein essor. Selon le dernier recensement réalisé en 2010, la population de la ville dépasse maintenant à peine le millier d’habitants et les journaux locaux ont disparu. Le Daily Record n’a été publié que de 1872 à 1876.
Mark Turner, propriétaire du bulletin d’information sur le secteur minier IKN Weekly, écrit :
« À part l’agriculture, il n’existe pas d’autre secteur industriel qui ait créé autant de richesse pour l’humanité que l’industrie minière. Le simple fait de prélever un petit morceau de la croûte terrestre, d’en extraire un minerai et de le revendre à profit constitue l’essence même du capitalisme. »
Pour illustrer cela, citons un passage du livre de Bernstein qui feraient s’arrêter le cœur d’un géologue. Par exemple, décrivant la mine de cuivre d’Anaconda près de Butte, dans le Montana :
« Hearst a loué une fraiseuse et a continué de creuser. Trente pieds plus loin, ils ont trouvé un filon de cuivre pur. En continuant à creuser, ils ont découvert que le filon était large de trente à quarante pieds et descendait sur plus de mille pieds. En d’autres termes, c’était le plus grand gisement de cuivre de la planète. »
Un filon de cuivre pur signifie qu’il est constitué à 100 % de cuivre. De nos jours, les mineurs peuvent s’estimer heureux lorsqu’ils creusent dans des filons contenant 1% de cuivre.
Comme l’a écrit Ludwig von Mises dans son ouvrage L’Action humaine :
« Pour réussir dans les affaires, un homme n’a pas besoin d’un diplôme d’une école de commerce. Ces écoles forment des subalternes occupant des emplois routiniers. Elles ne forment certainement pas des entrepreneurs. Un entrepreneur ne peut pas être formé.
Un homme devient un entrepreneur en prenant l’initiative de saisir une opportunité et de répondre à un besoin inassouvi. Aucune éducation spéciale n’est nécessaire pour faire preuve d’un tel jugement, d’une telle clairvoyance et d’une telle énergie. »
George Hearst était l’incarnation parfaite de l’entrepreneur tel que le décrivait Mises.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici