▪ Plus vain que ce G20 — pour reprendre un des aphorismes attribués à Jacques Attali — de Los Cabos, cela semble difficile à concevoir.
Le communiqué final est à pleurer de désespoir tant il se complaît dans des généralités sans intérêt et des appels à prendre les mesures adéquates pour stabiliser la Zone euro. Nous attendions que le G20 propose des pistes ou constate l’émergence d’un consensus… mais nous ne constatons à ce sujet qu’un vide sidéral : aucune feuille de route en Europe, aucun engagement sur un quelconque calendrier.
Que chacun fasse comme il veut ou comme il peut… et débrouillez-vous avec la crise : telle est l’impression de la plupart des économistes qui ont suivi le déroulement du sommet mexicain de ces dernières 48 heures.
Un sommet qui sonne creux comme tant d’autres, diront certains. Nous émettons cependant un petit bémol car nous avons trouvé de quoi nous moquer gentiment des « partenaires » européens (si nous étions de mauvaise humeur, nous aurions pu titrer : « les grands d’Europe se montrent plus minuscules que jamais »).
▪ Les échanges verbaux au détour des couloirs du G20 ont tourné à la pantalonnade
– Si tu augmentes les impôts chez toi, je te pique tous tes millionnaires.
– Si tu fais du dumping fiscal, tu finiras en faillite comme l’Irlande !
– Même pas vrai ! Moi je peux imprimer de l’argent sorti de nulle part autant que je veux, comme mon ami Ben Bernanke.
– Ach ! Vous êtes fous, vous autres les Anglo-Saxons ! La croissance à crédit et la planche à billets vont nous mener tout droit à la catastrophe, comme en 2008, et ce n’est pas l’Allemagne qui va cautionner ce genre de folies.
– Nous avons déterminé en accord avec nous-même (et avec la Bundesbank) que la seule solution, c’est le désendettement et l’austérité… et nous n’accepterons aucune critique de la part de pays qui sont incapables de réduire leurs déficits, n’est-ce pas M. Obama ?
– Mais chère Angela, avec l’austérité, on sera tous en récession avant la fin de l’année, et moi, je ne serai pas réélu président des Etats-Unis !
En résumé, un vaudeville pitoyable vu les enjeux du moment !
▪ La Fed guère plus convaincante
Si le communiqué final du G20 vous a laissé sur votre faim, votre sentiment de vacuité a peu de chance d’être contrebalancé par le communiqué de la Fed publié à 18h30.
La réaction de Wall Street après l’annonce d’un maintien de sa politique monétaire par la Fed a été pour le moins troublante. Les marchés ont manifesté leur déception par un repli de 0,5% en quelques secondes — ce qui semblait coller à une certaine logique, compte tenu des attentes quelque peu démesurées de certains permabulls et du rebond de 6% des indices américains depuis le 1er juin.
Ben Bernanke ne propose rien d’autre qu’une prolongation de l’opération « twist » entamée l’été dernier, jusqu’à fin 2012 et pour des montants limités de 267 milliards de dollars.
Les acheteurs ont tout de même repris la main en justifiant leur optimisme par la promesse de taux extrêmement bas jusqu’à fin 2014 (le Nasdaq affichait jusqu’à +0,4% vers 19h).
▪ Un facteur technique discret… mais peut-être essentiel
Les indices américains sont retombés dans le rouge vers 19h30, pour retracer les plus bas du jour vers 21h30. Ils ont ensuite été de nouveau tirés à la hausse à quelques secondes de la clôture. Le Nasdaq a terminé in extremis sur un gain de 0,02%. De son côté, le Dow Jones ne cède que 0,1%, et le S&P s’effrite de 0,17% — soit exactement la configuration observée moins d’un quart d’heure après l’ouverture des marchés US.
Cette limitation de la baisse en toute fin de parcours ne doit peut-être rien au hasard et beaucoup à des considérations techniques qui échappent à la plupart des observateurs.
Une remontée de 0,5% par rapport aux plus bas du jour, cela n’a peut-être l’air de rien… mais cela a engendré des effets assez spectaculaires — à commencer par une rechute de 6,6% de l’indice VIX. Il finit au plus bas, à 17,5, après avoir connu une poussée de fièvre jusque vers le seuil des 20 (+8% vers 18h45).
Cela tombait probablement très mal pour ceux qui s’étaient mis vendeurs de volatilité (au-dessus des 25 depuis le 1er juin), ce mercredi coïncidant avec un changement d’échéance mensuelle.
Mais ceux-là ont manifestement les moyens de retourner un marché à leur guise et de faire place nette lorsque des gêneurs se mettent en travers de leur chemin. Pas question de laisser une stupide remontée du VIX amputer leurs gains à trois heures de l’échéance !
Cet élément très technique paraît peut-être anecdotique. Toutefois, il pourrait en fin de compte expliquer pas mal de mouvements des cours assez incompréhensibles d’un point de vue conjoncturel depuis le début de la semaine.
Wall Street termine donc quasi inchangé malgré des anticipations d’injections de liquidités qui ne se matérialisent pas… malgré le diagnostic d’une reprise qui sera très lente (tout comme l’amélioration du marché du travail)… et malgré l’aggravation de la récession en Europe.
Concernant cette dernière, nous pouvons déjà mesurer ses effets sur les profits des entreprises américaines au deuxième trimestre. Nous avons subi pas moins de trois profit warnings rien que pour ce mercredi : Procter & Gamble (-3% en clôture), Bed Bath & Beyond (-11% en after hour) et Red Hat (-9% juste après la clôture).
Sans oublier Danone mardi et Carrefour lundi matin : cela en fait cinq pour des valeurs multinationales qui ont un champ d’action complètement planétaire.
Mais le mouvement de cours le plus significatif — et à notre avis le plus cohérent eu égard à la conjoncture — concerne le pétrole. Il a dévissé de 3,5% mercredi soir, à contre-courant des indices américains, pour clôturer au plus bas (à 81 $), au contact de ses planchers annuels.
Difficile de justifier la bonne tenue de Wall Street depuis mercredi dernier quand les spécialistes des matières premières anticipent aussi clairement un ralentissement économique mondial.
▪ La bombe à retardement continue de tictaquer
Wall Street semble aussi oublier que les allègements de taxes et d’impôts décrétés successivement en 2008 et 2009 ne sont que temporaires. Ils vont s’achever de façon simultanée en janvier 2013, avec l’investiture du prochain président — qui sera peut-être Barack Obama, si l’on en croit les derniers sondages.
Quelle que soit la couleur de la prochaine administration, cela ne change rien au tic-tac de cette bombe à retardement que la presse économique américaine qualifie de fiscal cliff — c’est-à-dire « falaise fiscale »… Une falaise qui se dresse comme un mur sur le chemin de la croissance américaine.
La seule certitude, c’est que si les républicains l’emportent, ils maintiendront les avantages consentis aux riches et aux super-riches… Et si la croissance stagne autour de 1,5% à 1,8% comme la Fed le prévoit, les déficits vont exploser en 2013.