Depuis le confinement, les citadins semblent avoir soif de nature… Vont-ils vraiment quitter les villes pour d’établir à la campagne ? Et si oui, quelles conséquences pour les prix des maisons dans les zones rurales ?
Les Français ont finalement pu partir pour les vacances de la Toussaint. On pouvait pourtant craindre le pire – à savoir, sinon un reconfinement généralisé, du moins un cantonnement à l’intérieur des zones dites en alerte maximale ou en alerte renforcée.
Nos compatriotes urbains auront donc pu profiter des joies de la campagne, de la forêt, de la mer ou de la montagne et, peut-être, prospecter le marché immobilier local en vue d’une installation future.
Car depuis le confinement de mars 2020, le désir de verdure semble s’installer durablement chez les habitants des grands centres urbains. Vont-ils alors quitter définitivement leur logement actuel pour d’établir à la campagne ? Et cette migration va-t-elle provoquer une hausse des prix des maisons dans les zones rurales ?
Les réponses sont par ici…
Un désir certain d’espace, de verdure et de grand air
Il est indéniable que le confinement a été mal vécu par certains occupants d’appartements petits et peu fonctionnels. Parallèlement, les médias se faisaient l’écho d’urbains (20% des Parisiens, selon certaines sources) ayant rejoint leur résidence secondaire, la maison de leurs parents ou un gîte en location et qui jouissaient de conditions de vie bien meilleures que ceux qui étaient restés en ville.
Une situation qui a suscité bien des jalousies au point que certains se soient félicités que ces « migrants » d’un nouveau genre ne puissent pas se balader librement sur la plage ou en forêt !
Jalousie, mais aussi nouvelles envies. En particulier celle de disposer d’un logement plus grand, plus lumineux et bénéficiant d’un espace extérieur. De fait, les sites d’annonces immobilières ont vu les recherches à partir des mots « maison », « jardin », « piscine » croître fortement tandis que les recherches d’appartements étaient en baisse.
Il faut dire que depuis deux ans, entre le coronavirus qui semble se propager plus rapidement là où la population est dense, les gilets jaunes et les casseurs, les grèves des transports, les difficultés croissantes de circulation et de partage de la voirie entre les différents usagers, les prix de l’immobilier toujours croissants (+28% dans les dix plus grandes villes depuis six ans ; +38% à Paris), la grande ville est de moins en moins attrayante.
Le dérèglement climatique et la pollution pousseraient également à quitter les villes, de plus en plus invivables et irrespirables lors des épisodes de canicule.
Ce qui reste encore d’attraits à la grande ville est en train de disparaître avec le couvre-feu, la fermeture des bars, des piscines et salles de sport, ainsi que des lieux de divertissement.
Même le Salon international de l’agriculture, qui se tient traditionnellement en février au parc des expositions de la Porte de Versailles, n’aura pas lieu en 2021. Si la campagne ne vient plus à Paris, comment s’étonner que Paris aille alors à la campagne ?
Même l’emploi, abondant jusqu’alors dans les conurbations, est en train de se tarir.
Bref, rien ne s’opposerait plus à l’exode urbain qui pourrait être la tendance lourde de l’après-Covid. En mai, selon la plateforme https://paris-jetequitte.com, 54% des Franciliens se déclaraient prêts à partir pour une autre région. En août, d’après une étude de Cadremploi, 83% des cadres parisiens envisageaient une mobilité en province.
Un désir dont la satisfaction se fait attendre
Ce désir de campagne semble cependant faire long feu. Si les recherches de maisons avec jardins et/ou piscines se sont multipliées, elles ne semblent pas, jusqu’à présent, s’être traduites par des ventes massives.
Premièrement, l’incertitude liée à la crise économique freine bien des ardeurs. Se lancer dans un projet immobilier alors que l’on ne sait pas si son entreprise existera encore demain apparaît déraisonnable aux yeux de beaucoup.
Certes, le télétravail s’étend, mais il est encore loin d’être généralisé et il est bien souvent limité à deux jours par semaine, voire trois pour les entreprises les plus avancées en la matière. Certaines entreprises pratiquent l’alternance entre les collaborateurs : la moitié d’entre eux est présente au bureau pendant une semaine pendant que l’autre moitié est en télétravail, et inversement la semaine suivante. Dans ce cas, mieux vaut ne pas résider à l’autre bout du pays…
Ou alors, il faut quitter ses postes – le sien et celui de son conjoint – et en chercher de nouveaux. Or l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) estime que, cette année, les embauches de cadres vont baisser de 30% à 40% par rapport à 2019. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance.
Et puis la vie à la campagne ne ressemble parfois pas à celle que l’on avait imaginée. Nombre de néo-ruraux ne supportent pas le chant du coq, ni l’odeur de la bouse de vache, au point d’intenter des procès, voire de liquider l’animal gênant. Sans compter qu’on peut être loin des services dont la ville regorge : écoles, commerces, transports, médecins et hôpitaux.
C’est pourquoi le désir de campagne s’est finalement transformé en recherche en banlieue ou périphérie urbaine, et celui de jardin et de piscine, en terrasse ou balcon.
Un agent immobilier me confiait récemment qu’une maison située en proche banlieue de Paris, dans le Val-de-Marne, a été sur le marché pendant huit mois avant le confinement. Le vendeur était trop gourmand et le bien ne se vendait pas. La maison a été remise en vente en septembre à un prix encore plus élevé. Elle s’est vendue en une semaine ! Elle avait un jardin – et cela semble désormais n’avoir pas de prix.
Nexity, le premier promoteur français, n’a-t-il pas annoncé, fin septembre 2020, qu’il ne construirait plus de logement sans espace extérieur ? Les dirigeants du groupe affirment que, désormais, 100% de leurs résidences seront livrées avec un espace végétalisé, privé ou commun, qui sera conçu « comme une nouvelle pièce de vie ».
Comment se comportent les prix ?
L’envie de jardin, de terrasse ou de balcon va -t-elle faire flamber les prix ? On pourrait le craindre à la lecture de l’exemple ci-dessus.
A la campagne, finalement pas tant envahie que cela par les urbains, les experts prétendent que le risque est nul. L’abondance de biens préserverait de toute hausse inconsidérée. Depuis 2008, les prix de l’immobilier y auraient baissé, en moyenne, de 15%.
Le dernier indice des prix de l’immobilier des Echos et de Meilleurs Agents, daté du 1er octobre 2020, fait état d’une baisse de 8% depuis dix ans dans les zones rurales et d’une remontée de + 0,6% depuis le 1er janvier de cette année. On est donc loin d’une fièvre.
Dans les grandes villes, les prix sont orientés à la baisse. A Bordeaux où les prix se sont envolés sous l’effet du TGV, ils baissent désormais (-0,6% en septembre) en même temps que la demande de logements. Les prix décroissent aussi à Lyon, Montpellier, Toulouse, Nice, Lille, et même à Paris.
En revanche, dans la proche banlieue parisienne, les prix progressent nettement. Si les notaires prévoient une hausse de 6,6% à Paris intra-muros en 2020, ils s’attendent à +9% en petite couronne et même +7,6% pour les maisons en grande banlieue, selon Le Figaro du 26 septembre. Il est vrai que des communes comme Rambouillet, Fontainebleau, Melun, ou en dehors de l’Ile-de-France stricto sensu comme Chantilly, Evreux, Chartres… attirent.
S’éloigner un peu, c’est quelquefois allonger le temps de transport – avec le télétravail, les jours de déplacement sont moins nombreux, ceci dit – mais c’est surtout augmenter la surface de son logement ou réduire considérablement son coût. Ainsi, une étude de SeLoger, indique qu’un logement à Choisy-le-Roi, à 15 kilomètres de Paris, coûte trois fois moins cher que dans la capitale.
Ce qui est vrai en Ile-de-France l’est partout en France : quitter Lille pour Ronchin à un quart d’heure de voiture fait gagner, pour le même prix, 75% de surface supplémentaire.
En revanche, les indécrottables urbains qui cherchent un balcon ou une terrasse vont devoir débourser davantage. Selon Meilleurs Agents, ces éléments font grimper le prix des logements de près de 9% dans les onze plus grandes villes de France. Et si l’espace extérieur dépasse les 50 m2, la revalorisation atteint +30%.
Alors, faut-il investir maintenant et où ? Ne vaut-il pas mieux attendre que les prix baissent ? Le problème est que la baisse n’est pas assurée. Elle pourrait être limitée là où les prix ne se sont pas préalablement envolés. C’est généralement le cas des villes moyennes, voire des petites villes si elles sont à proximité d’un grand centre urbain et si elles sont bien connectées à internet avec la fibre.
Dernièrement, Meilleurs Agents donnait son podium des villes françaises où il fait bon investir. Sur la première marche, Angers. A proximité de l’Atlantique, à moins d’une heure de Nantes, à 1h45 de Paris par le train, la capitale angevine a bien des atouts qui font que les prix de l’immobilier ont connu une forte progression en un an (+7,7%). Suivent Reims et Clermont-Ferrand.
Il est peut-être encore temps de s’y intéresser.