Les bénéfices des banques traditionnelles tiennent à quelques rentes de plus en plus menacées. La hausse tous azimuts des frais est censée compenser. Pour combien de temps ?
Au mois d’octobre 2017, j’évoquais différents scénarios pour le destin des banques traditionnelles face à la déferlante des fintechs.
Alors que dans les années 2000, la grande majorité des banques en lignes qui ont émergé ont fini absorbées par les acteurs historiques, la déferlante actuelle des fintechs est bien plus menaçante. Comme si cela ne suffisait pas, les banques traditionnelles doivent en plus faire face à de nouveaux défis.
Les rentes bancaires vont se faire plus rares
A compter du 1er janvier 2018, les emprunteurs auront chaque année la possibilité de renégocier leur assurance de prêt immobilier, ou tout bonnement d’en changer. A votre avis, à combien se monte en moyenne le taux de marge des banques sur ce type de produit ?
10%, 20%… 25% ? C’est plus !
Les banques se gavent littéralement en margeant en moyenne à 40% sur les assurances emprunteur, selon les informations de Capital. Or, comme elles contrôlent près de 90% du marché et qu’elles se permettent de facturer des offres en moyenne 25% plus cher que celles des assureurs alternatifs, vous vous doutez qu’elles comptent bien faire le maximum pour conserver leur fromage. Ainsi la Fédération des banques a-t-elle saisi le Conseil d’Etat au sujet de cette réforme. Reste à voir ce qu’en dira le Conseil Constitutionnel.
Avez-vous entendu parler de DSP2 ? Cet acronyme désigne la deuxième directive européenne sur les services de paiements qui entrera en vigueur le 13 janvier. Il s’agit d’un texte lourd d’enjeux puisqu’il prévoyait initialement la remise en cause du monopole des banques sur les données de leurs clients (situation familiale, revenus, habitudes de consommation, etc.).
DSP2 prévoyait en effet d’obliger les institutions bancaires à partager ces informations avec chaque fintech qui en ferait la demande, dans la mesure où le client aurait donné son accord en amont (on parle de web scraping). Cela permettrait à toute entreprise de venir concurrencer les offres bancaires. Pensez téléphonie mobile, assurances et… gestion de patrimoine ! Bye bye la relation exclusive avec le client !
Devant une telle menace, la Fédération bancaire de l’UE est passée en mode lobbying maximum vis-à-vis de la Commission européenne. Malheureusement pour nous autres épargnants, la Commission européenne a finalement modifié DSP2 : le web scraping ne sera plus autorisé à partir de septembre 2019.
En revanche, le texte dispose que « les banques devront mettre en place un canal de communication qui permette aux prestataires de services de paiement tiers d’accéder aux données dont ils ont besoin, conformément à la DSP2. Ce canal leur servira aussi à s’identifier et à communiquer entre eux de façon sécurisée », comme le rapporte Delphine Cuny sur La Tribune.
Le lobby bancaire remporte donc cette bataille mais on peut compter sur le sens de l’innovation des fintechs pour trouver de nouveaux angles d’attaque.
Les GAFA vont bientôt entrer dans le jeu
L’Argus de l’assurance indiquait en novembre qu’Amazon se prépare à débarquer sur ce marché en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en France. Niveau satisfaction client, les banques vont devoir mettre le paquet pour ne pas se faire écraser par ce nouveau joueur !
Voilà ce qui arrive lorsqu’on attend le dernier moment pour réformer…
On notera au passage que BlaBlaCar, le leader mondial du covoiturage, pourrait bientôt se diversifier dans le courtage en assurance automobile. Mais revenons à nos chères banques.
Les commissions sur « incidents de paiements » représentent plus de 20% des bénéfices bancaires
Non, cela ne suffira pas pour contrer les GAFA, mais… face à des clients captifs ou dociles, pourquoi s’en priver ?
Les frais de dépassement de découvert sont plafonnés depuis 2014. Leur montant est détaillé dans l’article R312-4-1 du Code monétaire et financier. Ils ne peuvent ainsi pas dépasser 8 € par opération et 80 € par mois, par compte bancaire.
Pour ce qui est des incidents de paiements (rejets de chèque ou de prélèvement), il faut compter 30 € dans le cas du rejet d’un chèque d’un montant inférieur ou égal à 50 €, 50 € pour le rejet d’un chèque d’un montant supérieur à 50 €, et 20 € pour un incident dû à un autre moyen de paiement.
Une enquête publiée en octobre par 60 Millions de consommateurs et l’Union nationale des associations familiales (UNAF) fait apparaître que les commissions pour incidents de paiement sont de plus en plus nombreuses et que les banques font oeuvre d’une créativité sans pareille dans l’invention de nouvelles commissions.
Hormis La Banque Postale [NDR : Bravo et merci, La Banque Postale !], toutes les banques facturent le maximum autorisé par la loi. De 34 € pour le client lambda, ces frais peuvent se monter jusqu’à plus de 3 000 € pour certains clients en lourdes difficultés financières. Montant de la cagnotte : 6,5 Mds€ de revenus pour 4,9 Mds€ de bénéfices en 2016 (soit près de 21% des 23,5 Mds€ de bénéfices dégagés par le secteur bancaire, toutes activités confondues).
Que voilà du grain à moudre pour les néobanques !
Ce n’est pas tout. Certes, votre banque ne peut pas encore vous punir si vous lui faites une infidélité en ouvrant un deuxième compte courant chez un concurrent. Elle peut néanmoins vous châtier si vous voulez la quitter pour de vrai, c’est-à-dire en déplaçant votre épargne là où l’herbe est plus verte.
C’est par exemple le cas pour le PEL dont les frais de transfert – qui ne sont pas réglementés – vont en moyenne augmenter de 8% en 2018, rapporte cBanque. On dépasse les 100 € au Crédit Agricole, mais le site précise que « ce sont les clients de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique qui décrochent le jackpot avec une facture totale de 300 € pour transférer un PEL et un CEL ».
Source : cBanque
Enfin, dans la famille des frais bancaires, on trouve également les frais facturés lors du règlement d’une succession. Une étude du comparateur bancaire indépendant meilleurebanque.com publiée en novembre 2017 et portant sur 118 banques a révélé qu’entre 2012 et 2017, ces frais ont augmenté en moyenne de 21% ! En tête de peloton, on trouve « la Macif (+275%), Allianz (+198%), eLCL (+114%), le Crédit Agricole Val de France (+111%), les différentes caisses du Crédit du Nord (+89%), la Banque Postale (+81%) [NDR : en fait, j’ai rien dit!] », explique Maxime Chipoy, responsable de Meilleurbanque.com.
La hausse des frais tous azimuts n’étant pas la stratégie plus efficace pour cultiver sa relation client, les banques mènent en parallèle d’autres politiques, comme nous le verrons prochainement.
1 commentaire
Les banques traditionnelles ont une politique suicidaire: elles ne progressent toujours pas dans la qualité de leurs produits de placement ni dans leur activité de conseil, mais dans le même temps, elles augmentent progressivement leurs tarifs soit directement (prix du forfait et des opérations ponctuelles), soit par la disparition progressive des programmes de fidélité.
Vous citez la Banque Postale, c’est un bon exemple: le très bon programme de fidélité « Adispo » (permettant jusqu’à 50% de réduction du forfait) n’est plus ouvert aux nouveaux clients depuis fin 2011, il est conservé pour les anciens mais avec des barêmes de points de moins en moins favorables….qui le rendent peu àpeu inutilisable pour le client moyen.
C’est à se demander si cette inertie n’est pas voulue pour augmenter les marges bénéficiaires en fermant les agences de proximité: la disparition progressive du cash, la réalisation des opérations les plus courantes (retraits, virements,…) directement par le client et l’acquisition des banques en ligne (voire des fintechs) par les grands réseaux ne laissent guère planer le doute!