Après 40 ans de financiarisation et de dérégulation, le résultat n’est pas très probant pour la création de vraie richesse… Par contre, ce n’est pas la richesse-papier qui manque !
Le monde est devenu plus inégal en termes de revenus et de richesse ces 40 dernières années, c’est-à-dire depuis le vrai début de la période de financiarisation et dérégulation. L’objectif avoué mais non public de ce mouvement était de relancer la profitabilité du capital, l’investissement et la croissance, en assouplissant les règles de production du crédit, de la solvabilité bancaire et de la monnaie.
Il s’agissait de dépasser la contrainte du profit par la dette, par l’intermédiation, par le levier, par la répartition des risques sur le public et les classes moyennes, tout en enrichissant délibérément encore plus les déjà riches.
L’objectif de la financiarisation
L’objectif de la financiarisation/dérégulation a été rempli s’agissant de l’enrichissement des déjà riches, il a été totalement raté s’agissant de l’investissement productif, de la croissance et de la distribution de revenus salariaux.
C’est la conclusion qui s’impose selon le World Inequality Report (WIR) 2022, produit par le World Inequality Lab, un groupe dirigé par Thomas Piketty et constitué de plus de 100 analystes dans le monde. Ce rapport contient les données les plus récentes et les plus complètes sur les différentes facettes des inégalités dans le monde.
Le rapport montre comment, en 2021, « après trois décennies de mondialisation commerciale et financière, les inégalités mondiales restent extrêmement prononcées ».
Même si ce rapport révèle que les inégalités entre les nations ont diminué depuis la fin de la guerre froide, principalement en raison de l’élévation du niveau de vie en Chine, il indique que les inégalités avaient augmenté dans la plupart des pays et étaient devenues plus prononcées en raison de la crise pandémique mondiale, ces deux dernières années.
Peu de vraie richesse créée
La financiarisation/dérégulation a créé peu de vraies richesses. Elle a créé de la « richesse-papier » à un point tel que le soi-disant « investissement financier » a capté les profits du système, opéré une rentification et, de ce fait, a abouti :
- d’abord au développement de la spéculation ;
- ensuite à l’accumulation de valeurs fictives ;
- et enfin à la paupérisation des masses.
La concentration mondiale de la richesse personnelle est extrême.
Selon le WIR, les 10% les plus riches du monde possèdent environ 60 à 80% de la richesse, tandis que la moitié la plus pauvre en possède moins de 5%.
Il s’agit d’un résultat similaire à l’autre enquête importante sur l’inégalité mondiale des richesses, produite chaque année par le Credit Suisse.
Inégalités de richesse comme de revenus
Cet autre rapport révèle que seulement 1% des adultes dans le monde possèdent 45% de toute la richesse personnelle, tandis que près de 3 milliards de personnes ne possèdent rien. L’inégalité de richesse est beaucoup plus élevée que l’inégalité de revenu.
Mais l’inégalité des revenus est encore très élevée. Le WIR constate que les 10% les plus riches de la population mondiale reçoivent actuellement 52% du revenu mondial, contre seulement 8% pour la moitié de l’humanité la plus pauvre.
En moyenne, un individu appartenant aux 10% les plus riches de la distribution mondiale des revenus gagnait 122 100 $ par an en 2021, tandis qu’un individu appartenant à la moitié la plus pauvre de la distribution mondiale des revenus ne gagne que 3 920 $ par an, soit 30 fois moins !
En effet, comme indiqué dans le rapport :
« La part des revenus actuellement captée par la moitié la plus pauvre de la population mondiale est environ la moitié de ce qu’elle était en 1820, avant la grande divergence entre les pays occidentaux et leurs colonies. »
En d’autres termes, la montée de l’impérialisme financiarisé et globalisé en tant que « dernière étape » du capitalisme a entraîné une augmentation des inégalités de revenus à l’échelle mondiale. La part des revenus personnels des 50% d’adultes les plus pauvres dans le monde, soit environ 3 milliards de personnes, est la moitié de ce qu’elle était en 1820 !
Vous étonnez-vous si les ingénieurs sociaux nationaux et internationaux ont décidé, devant les risques politiques, sociaux et géopolitiques, de faire de l’inclusion leur thème favori ?
Pas au point de redistribuer la richesse des ultra riches, mais au point de redistribuer, entre eux, la petite richesse subsistante des classes moyennes.
C’est le « big reset ».
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]