La « coronapocalypse » est sur les Etats-Unis, et les zombies errent dans les rues : pendant combien de temps… et quel en sera l’effet sur l’économie réelle ?
Les Etats-Unis s’attendaient à vivre une apocalypse zombie. A la place, le pays s’est vu infliger une « coronapocalypse ».
Ces deux menaces pourraient-elles converger pour donner naissance à un phénomène économique encore plus dangereux ? Le secret le moins bien gardé du monde des affaires est l’accroissement de la proportion d’entreprises zombies qui ont été maintenues en vie artificiellement et dissimulées durant la phase d’expansion du cycle économique.
Maintenant que la pandémie de coronavirus a mis en évidence les lignes de fracture qui menacent les fondations du système économique, la zombification pourrait s’accélérer en raison de la combinaison toxique entre les injections de liquidités de la Réserve fédérale et les mesures de soutien budgétaire votées par le Congrès US.
Les entreprises zombies vont-elles sortir de leurs tombes pour se mettre à la recherche des dollars fraîchement injectés et se repaître de la carcasse d’une économie déjà chancelante ?
Les morts-vivants
Une entreprise zombie est une société qui dépend d’un soutien financier permanent pour éviter la fermeture ; cela peut aussi désigner une société lourdement endettée qui n’arrive à payer que les intérêts sur sa dette.
La zombification s’est déjà répandue à travers l’économie japonaise et chinoise. A présent, elle commence également à infecter l’économie américaine.
Le plus grave, c’est que les entreprises zombies américaines emploient directement environ deux millions de travailleurs, d’après les dernières données publiées par Arbor Data Science.
Les employés qui travaillent pour des entreprises zombies se répartissent dans de nombreux secteurs d’activité différents. L’étude menée par Arbor a révélé que les cinq secteurs d’activité qui emploient le plus grand nombre de salariés sont les suivants :
Conglomérats industriels : 233 000 salariés
Equipements informatiques : 193 000 salariés
Services et équipements pour le secteur de l’énergie : 185 000 salariés
Hôtels, restaurants et loisirs : 153 000 salariés
Editeurs de logiciels : 142 000 salariés
Ces travailleurs pourraient-ils perdre leur emploi en raison de la fragilité actuelle de l’économie ? Cela pourrait vous sembler contre-intuitif, mais il est à présent beaucoup plus facile pour ces entreprises d’être ressuscitées.
Un type d’institution en particulier a pris le soin de fournir à ses morts-vivants la chair fraîche dont ils ont besoin : les banques centrales – et la Réserve fédérale plus particulièrement.
De la chair fraîche pour les revenants
Il est devenu plus facile pour les entreprises zombies d’emprunter de l’argent pour plusieurs raisons.
Premièrement, les taux d’intérêt sont à des plus bas historiques, il est donc plus facile de payer les intérêts sur la dette et de poursuivre l’activité grâce aux économies de frais financiers réalisées. Deuxièmement, la banque centrale américaine a pris une décision sans précédent en achetant des obligations d’entreprises via des fonds indiciels cotés (ETF) sur le marché secondaire.
Pour simplifier, sans les politiques monétaires accommodantes, ces entreprises auraient déjà été mises en liquidation. Une fois de plus, la Réserve fédérale refuse de laisser la main invisible du marché mettre fin aux excès par peur de déclencher une crise de liquidités, une contraction du crédit, ou toute autre expression raffinée exprimant le fait que nous sommes dans la panade.
C’est le marché tout entier qui bénéficie de cette politique désespérée de la Fed. Depuis le début de l’année, les entreprises américaines ont emprunté au rythme le plus rapide de toute leur histoire, émettant plus de 1 000 Mds$ de nouveaux titres obligataires d’après Bank of America Global. Cela représente un quasi-doublement par rapport à la même période de l’année dernière.
Ce chiffre inquiétant révèle deux faits caractéristiques de l’environnement actuel : les entreprises ont la possibilité d’emprunter à des taux inférieurs à ce que ce que tous les analystes auraient pu anticiper l’année dernière et les investisseurs sont extrêmement mal rémunérés en échange du fait de financer des activités des entreprises dans un marché aussi incertain.
MarketWatch a relayé le cas d’AutoNation, une entreprise en difficulté qui a emprunté récemment 500 millions de dollars sur le marché obligataire. Cette chaîne de concessions automobiles a publié un résultat déficitaire de 232,3 millions de dollars pour le premier trimestre de l’année, mais l’entreprise est néanmoins parvenue à appâter les investisseurs en proposant un taux de rendement de 4,4%.
Dans l’environnement actuel, les traders savent que leur investissement est garanti, car en cas de problème la banque centrale interviendrait pour sauver une entreprise en difficulté et ainsi éviter que toute la poudrière n’explose.
Le directeur de la Fed, Jerome Powell, n’est pas le seul à avoir décidé de se lancer dans un programme de rachat massif de titres obligataires. Il existe encore une demande soutenue pour toutes les catégories d’obligations — les plus sûres comme les plus spéculatives — ce qui alimente la multiplication des entreprises moribondes gorgées de dettes. Les revenants pourraient continuer d’errer dans les rues pendant encore des années si cette politique monétaire se poursuit.
Une zombification
A Tokyo et Beijing, les zombies sont généralement des banques. Dans le contexte économique post-coronavirus, il semble évident que la prochaine génération de zombis se composera principalement de compagnies aériennes, de croisiéristes et de sociétés de détaillants.
Dans une véritable économie de marché libre, de nombreuses sociétés disparaîtraient dans ces secteurs d’activité, mais en raison de la politique accommodante de taux bas imposée par la Fed, cela a peu de chances de se produire.
Nombre de ces entreprises bénéficient également du fait que certains de leurs créanciers ont accepté d’annuler ou d’alléger une partie des dettes qu’elles avaient accumulées préalablement. Certaines des plus grandes sociétés à travers le monde sont arrivées à conclure avec leurs créanciers des accords particulièrement intéressants.
C’est une très mauvaise nouvelle pour l’économie réelle, car à présent le capital est alloué de façon inefficiente vers des entreprises peu productives. Les entreprises — grandes comme petites — qui disposent de perspectives de croissance prometteuses pourraient ne pas pouvoir réaliser leurs projets, car les capitaux dont elles auraient besoin seront alloués à la place au sauvetage des Marriotts et Vail Resorts de ce monde.
Avec la disparition peut-être proche des petites entreprises, l’esprit entrepreneurial risque de dépérir avant même d’avoir une chance d’être zombifié, car les entrepreneurs ne pourront pas accéder à des liquidités aussi importantes que ceux qui jouent déjà dans la cour des grands.
La planche à billets tourne à plein régime
Les conséquences de ces politiques de soutien « quoi qu’il en coûte » et de recours à la planche à billets ne se feront ressentir que d’ici quelques années, lorsque la Fed devra redevenir plus restrictive et retirer les béquilles.
Nous avons déjà vu ce qui se passe lorsque la Réserve fédérale essaie de mettre un terme à son programme d’assouplissement quantitatif : des pertes vertigineuses sur le marché boursier et un alourdissement du poids du service de la dette.
Si cela se produit, les Etats-Unis risquent d’être submergé par une vague de faillites et de défauts de paiement. Et si jamais la banque centrale renonce à s’engager dans un resserrement de sa politique monétaire, alors un nouveau système économique sera né : un système économique néfaste à la productivité, comparable à celui du Japon dans les années 1990 et de la Chine aujourd’hui.
Cela pourrait même servir d’inspiration pour un nouveau film d’horreur : Péril sur le petit Tokyo : l’avènement des zombies américains.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.