Le récent rebond des marchés s’épuisera-t-il rapidement ? Pour le savoir, il faut s’intéresser à sa cause : un nouveau changement de direction à la Fed.
La conférence de presse de Powell après la dernière réunion de la Fed a confirmé que la banque centrale américaine commence à s’inquiéter du stress accru du marché financier.
Les marchés ont depuis été encouragés par le fait que le procès-verbal de la réunion du 4 mai du FOMC allait dans le même sens. Ils ont connu un véritable feu d’artifice.
Les prix des CDS à haut rendement aux USA se sont ainsi effondrés de 66 points de base cette semaine, à 457 points de base, la plus forte baisse hebdomadaire depuis début juin 2020. Le plus important ETF rassemblant des obligations pourries a vécu un retour en grâce, et son meilleur rally depuis 2020. Tandis que les CDS de qualité investissement ont chuté de 12 à 79 points de base, la plus forte baisse depuis novembre 2020.
Euphorie générale
Un titre de Bloomberg du vendredi après-midi : « Big Up Week for Everything Is Latest Sudden Twist for Traders » (une semaine de hausse générale représente le dernier retournement pour les traders). En somme : tout était en hausse !
La semaine dernière, le S&P 500 a bondi de 6,6%, le Philadelphia Oil Services Index de 11,8%, le KBW Bank Index de 9,2%, le Semiconductor (SOX) Index de 8,1%, le Nasdaq Industrials de 7,8%, le Nasdaq100 de 7,2% et le NYSE Financial Index de 7,1%. Le SPDR S&P Retail ETF (XRT) a bondi de 10,1%, inversant les 9,4% perdus la semaine précédente.
Durant cette même semaine, les actions ont augmenté de 5,3% en Espagne, de 3,7 % en France et de 3, % en Allemagne. Les rendements grecs à 10 ans ont chuté de 23 points de base (à 3,48%), alors que les écarts entre les obligations « périphériques » et les rendements du Bund allemand se sont considérablement rétrécis.
Bloomberg nous explique la cause de ce rebond :
« Il y a des indices d’une pause possible : un resserrement accéléré laisserait la Fed bien positionnée plus tard cette année pour évaluer les effets du resserrement de sa politique et voir dans quelle mesure les développements économiques justifient des ajustements politiques. »
Quels sont ces indices ? Penchons-nous sur ce que nous dit Powell :
« Comme je l’ai dit, l’inflation est trop élevée et doit être combattue.
L’objectif primordial du Federal Open Market Committee est de ramener l’inflation dans notre fourchette cible sans déclencher de bouleversements économiques importants. Bien que ce soit une entreprise délicate, je crois que les conditions économiques… sont suffisamment solides pour nous permettre d’atteindre ce résultat.
Pourtant, les incertitudes dominent les perspectives économiques sur pratiquement tous les fronts, de la pandémie à la guerre en Ukraine en passant par les contraintes d’approvisionnement.
Les responsables de la politique monétaire doivent être conscients de ces incertitudes et procéder avec prudence au resserrement de la politique.
Alors que nous remettons rapidement la politique monétaire dans une position plus neutre pour rapprocher l’inflation de notre cible de 2%, je prévois de procéder avec intention et sans imprudence. Nous avons vu tout au long de la pandémie que les événements et les changements de marché peuvent se produire rapidement et de manière à modifier considérablement la dynamique économique dominante […].
Nous devons tous être prêts à faire face à l’inattendu, évaluer comment les risques ont changé lorsqu’ils se produisent et rester conscients des changements dans la vigueur de l’économie.
Compte tenu du niveau très élevé de l’inflation, certains pourraient être surpris que j’injecte ici une certaine prudence. Mais rappelez-vous ceci : même les camions de pompiers dont les sirènes retentissent à plein volume ralentissent aux intersections, de peur qu’ils ne causent d’autres problèmes évitables. […]
Nous devons tous être prêts à faire face à l’inattendu, évaluer comment les risques ont changé lorsqu’ils se produisent et rester conscients des changements dans la vigueur de l’économie. Compte tenu du niveau très élevé de l’inflation, certains pourraient être surpris que j’injecte ici une certaine prudence »
Très clairement, Powell tourne autour du pot.
Peur des conséquences ?
Il refuse de dire clairement de quoi il a peur, mais cela transparaît dans son « nous devons tous être prêts à faire face à l’inattendu, évaluer comment les risques ont changé lorsqu’ils se produisent et rester conscients des changements dans la vigueur de l’économie ».
Faisons un peu de commentaire de texte.
L’inattendu, la balance des risques, cela vise sans oser le dire les changements dans la vigueur de l’économie. Dieu que cela est bien dit. Mais les changements dans la vigueur de l’économie, c’est le changement du rythme de croissance bien sûr, et le risque de récession.
Donc, pour résumer et clarifier cela, Powell nous dit qu’il faut lutter contre l’inflation, mais qu’il faut rester vigilant pour éviter un ralentissement ou une récession. Le ralentissement ou la récession, c’est selon son image, le risque que le camion de pompiers ait un accident au carrefour. Le camion doit aller vite, mais il ne faut pas cependant qu’il cause un accident supplémentaire.
Le mot important dans tout cela c’est le mot « mais » !
Il implique la retenue, les mains liées. Le « mais », c’est une autre version du fameux « en même temps » de la modernité, ce « en même temps » qui admet de faire une chose, mais qui, « en même temps », en refuse les conséquences, les coûts, les inconvénients. C’est le fond du système qui apparaît. Prométhée accepte le positif mais il rejette l’existence du négatif.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]