▪ Fini, le taper ? Définitivement mort et enterré ? Pas si vite… Tout n’est pas si simple. Je ne suis pas la seule à me creuser la tête pour essayer de comprendre le pourquoi du comment de la décision Ben Bernanke de ne pas réduire l’assouplissement quantitatif de la Fed. Nombre d’arguments ont été avancés. Parmi eux :
– La mauvaise santé du marché du travail américain : au cours des deux derniers mois, 347 000 Américains ont perdu leur emploi. Des chiffres à rapprocher de ceux de la Grande Récession.
– Une reprise économique qui n’en est pas (encore ?) vraiment une. Au cours des trois derniers trimestres, la croissance a atteint 0,1%, 1,1% et 2,5%, soit 1,2% en moyenne. Or la Fed considérera l’économie comme rétablie après deux trimestres de croissance à plus de 2%.
– La brusque remontée des taux longs (augmentation du rendement des bons du Trésor).
– L’absence d’inflation.
– L’important niveau de dettes US.
– L’approche des discussions sur le relèvement du plafond légal de ladite dette et sur le budget… eh oui, l’éternel retour du fiscal cliff…
– … etc.
▪ La décision de la discorde
C’est en lisant une analyse des marchés de mon collègue Mathieu Lebrun dans Agora Trading que j’ai pris conscience des réels dangers sous-tendus par le recul de Ben Bernanke. Mathieu reprenant deux notions inventées par David Bloom, responsable de la stratégie Forex chez HSBC, pour expliquer le comportement des marchés.
Depuis le lancement des successifs QE par la Fed, les marchés sont en mode RORO, pour risk on/risk off.
Le mode RORO, c’est l’alternance de hausses et de baisses des actifs depuis 2008, entre crise des subprime et crise de la Zone euro. En mode risk on, les actions (considérées comme des actifs à risque) sont en hausse, et les investisseurs boudent les valeurs refuges que sont les obligations (américaines ou allemandes en tête). Pour résumer, le S&P 500 est en hausse, les marchés émergents aussi et le rendement des bons du Trésor en baisse.
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En mode risk off, c’est le contraire qui se produit : la liquidité quitte les marchés actions et se réfugie auprès des obligations.
Depuis mai dernier et l’annonce par Ben Bernanke d’une réduction à venir de ses achats et même d’un possible arrêt définitif du QE en 2014, les marchés avaient vivement réagi, se mettant en configuration TOTO, pour talk of tapering off selon certains ou taper on taper off pour les autres.
Dans ce mode de fonctionnement, la corrélation inverse entre les actifs à risque (actions) et les obligations ne fonctionnent plus aussi bien. Les rendements des obligations ont augmenté et le S&P 500 a baissé. Comme l’explique Mathieu : l’idée étant désormais que tout emballement des taux longs (donc baisse des contrats) risquait de peser sur les actifs à risque, et donc le S&P 500. Au passage, les marchés émergents ont fait partie des premières victimes.
▪ Où en sommes-nous maintenant ?
Dans une poursuite du mode TOTO, mais plutôt taper on/taper off que talk of tapering off.
Car si vous pensiez que Ben Bernanke avait reporté la question du ralentissement du QE aux calendes grecques, le président de la Fed de Saint-Louis, James Bullard, s’est chargé de remettre les marchés à l’heure TOTO, en indiquant que la décision de ne pas ralentir les achats avait été très discutée et ne l’avait emporté qu’au dernier moment. Bullard a aussi souligné la possibilité d’un ralentissement dans les mois qui viennent.
Nous voici donc dans un monde TOTO puissance 2 dans lequel les marchés sur-réagiront à la moindre statistique américaine. Un chiffre meilleur que prévu sur l’activité industrielle, la consommation ou le chômage, et ils entreront en phase taper on, avec fuite des marchés émergents, des indices américains, baisse de l’or et des matières premières et remontée des taux longs.
Un chiffre moins bon que prévu sur les mêmes sujets ? Et hop, phase taper off avec perspective de liquidités illimitées et indéfiniment. Les marchés actions repartiront en hausse, l’or aussi et un retour en grâce des marchés émergents. Le tout couronné par un apaisement des marchés obligataires.
Des phases qui vont se succéder de plus en plus vite, augmentant la volatilité et les mouvements de panique. Bien joué, Ben !