Leurs rendements atteignent des niveaux plus vus depuis 2008. C’est le signe d’un changement plus profond qu’une seule hausse temporaire des taux d’intérêt.
William C. Dudley, ancien président de la Fed de New York, a récemment donné son avis sur le marché obligataire à Bloomberg :
« Je soupçonne fortement que le marché haussier des obligations qui a débuté au début des années 1980 a pris fin […]. L’expansion économique qui a suivi la crise financière de 2008 n’est plus d’actualité. Le paradigme a changé et les rendements plus élevés sont de retour. »
Il a raison : le paradigme a changé. Des rendements plus élevés sont de retour.
Qui aurait cru que le sujet des rendements des bons du Trésor américain pouvait inspirer une telle passion ? Lorsque, fin juin, j’ai affirmé qu’ils allaient probablement augmenter considérablement au-dessus du taux de 3,75% alors en vigueur, j’ai suscité des réactions véhémentes.
Dans une publication intitulée « Don’t Be a Dud », les analystes de Morgan Stanley ont insisté sur le fait que les obligations à 10 ans connaîtraient une hausse des prix cet été et que leur rendement finirait par se stabiliser dans une fourchette à plus long terme de 2% à 3%. Aux dernières nouvelles, ce taux est de 4,25%.
Je m’en tiens à ma prédiction.
On joue les prolongations
Qui plus est, je soupçonne fortement que le marché obligataire haussier qui a débuté au début des années 1980 est terminé.
Nous sommes au cœur de la problématique du système mondial.
Et, je le précise tout de suite, ces affirmations n’ont rien à voir avec les erreurs circonstancielles de gestion qui ont été commises à l’occasion du Covid.
En revanche, cela a plus à voir avec ce qui s’est passé en 2007, en 2011 et 2014 puis en 2019. C’est-à-dire que tout cela a à voir avec les erreurs commises en 2007, lors de la grande crise financière, et ensuite avec le choix d’abandonner la coopération mondiale et de s’orienter vers la compétition stratégique et géopolitique puis militaire.
Depuis le début des années 1980 le système dure :
- parce qu’il est capable de rouler les dettes anciennes à des taux avantageux ;
- parce qu’il traite tout problème de solvabilité par des créations de liquidités ;
- parce que les détenteurs de dettes anciennes « s’enrichissent » à chaque fois que les taux baissent.
Tout cela prolonge le grand cycle long du crédit, bien qu’il soit épuisé en termes fondamentaux par le surendettement, la non solvabilité, et la baisse de la productivité.
Depuis longtemps, nous jouons les prolongations, et si vous n’admettez pas ce diagnostic, vous ne pouvez pas comprendre ce qui se passe.
Causes de tensions
C’est la thèse de Ray Dalio, et c’est également depuis longtemps la mienne.
Les prolongations n’ont pu être jouées que parce que l’ordre de Bretton Woods 2 du recyclage continuait, et parce que la hausse des prix des biens et des services était muselée/contenue par le couple Chine / Etats-Unis.
C’est fini, car :
- le couple se dissocie ;
- le système de Bretton Woods 2 est moribond ;
- la hausse des prix est sortie de la boîte de Pandore.
Maintenant, les tensions sur les revenus et les ressources vont produire leur plein effet par :
- la transition climatique ;
- la raréfaction des ressources réelles ;
- les dépenses d’armement ;
- le besoin de profit systémique ;
- le réveil des salariés ;
- la prise de conscience de la surévaluation colossale des actifs financiers, de la bulle monétaire, et la recherche d’actifs alternatifs.
Nous sommes dans l’Histoire, pas dans le médiocre petit conjoncturel de la presse et des gouvernements !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]