Une économie fondée sur la monnaie fictive ne crée pas de prospérité : elle transforme le travail en servitude mensuelle et le temps en marchandise contrôlée par la Fed et les banques.
La plupart des gens mesurent leur vie en unités de temps : heures, semaines, mois. Chacune de ces unités équivaut à un certain nombre de billets à l’effigie de Franklin, Jackson ou Washington. De 9 h à 17 h, ou de 8 h à 16 h, leurs meilleures heures sont échangées contre de l’argent.
Mais si l’argent est corrompu, alors le temps l’est aussi. Et avec lui, l’économie, le gouvernement, la société… et la vie de millions de personnes.
La nouvelle monnaie mise en place après 1971 a déformé notre rapport au temps. Au lieu de gagner 5 %, ou même 4 % sur nos économies chaque année, la Fed a abaissé les taux d’intérêt – pour « stimuler » l’économie – et soudain, douze mois ne rapportaient plus que la moitié de ce qu’ils rapportaient auparavant. Le temps s’est allongé : il fallait désormais deux fois plus de temps pour obtenir le même rendement.
Les actifs réels – ceux qu’on doit gagner en travaillant puis épargner – ont perdu de leur valeur relative. Désormais, ce n’était plus l’épargne qu’il fallait rechercher, mais le crédit. La récompense pour avoir économisé avait été divisée par deux, voire davantage ; celle pour emprunter, elle, avait doublé. Non seulement on payait deux fois moins d’intérêts, mais l’inflation aidait ensuite à réduire la valeur réelle du capital emprunté.
En remplaçant la monnaie réelle par la monnaie de crédit, l’administration Nixon a bouleversé nos repères. Peu à peu, notre attention s’est détournée du côté positif du bilan – où figuraient des biens réels, voitures, maisons, comptes bancaires – pour se déplacer vers le côté négatif, celui où s’accumulaient les dettes envers les banques, les sociétés de crédit immobilier ou les organismes de cartes de crédit.
Et peu à peu, notre attention s’est également détournée des clients, des employeurs, des voisins, des entrepreneurs avec lesquels nous échangions des biens et des services pour gagner de l’argent réel. L’argent de crédit ne venait d’aucun d’entre eux : sa source était, au final, le gouvernement américain.
Mais le crédit n’est pas de l’argent réel. Posséder une maison n’est pas la même chose que payer une hypothèque pour tenter d’en devenir propriétaire. Même avec un crédit sur 30 ans, une famille peut se réjouir du jour où la maison lui appartiendra réellement, libérée de toute dette. Mais lorsque la Fed a abaissé les taux, l’intérêt de rembourser l’hypothèque a diminué : les familles pouvaient refinancer… une fois, deux fois… et rester endettées à perpétuité. Quant aux hypothèques sur 50 ans, la bataille est perdue d’avance : la famille est condamnée à vivre dans un bien qu’elle ne possédera probablement jamais.
Le passage à la monnaie fictive n’a pas seulement annoncé le déclin du dollar ; il a aussi déformé, ralenti, faussé et perverti l’ensemble de l’économie, ainsi que tous ceux qui y participent. Il a transformé une nation de propriétaires fiers, honnêtes et indépendants en une population de serviteurs sous contrat.
Ces citoyens sont désormais liés par contrat aux politiciens : près de 100 millions de personnes dépendent d’une forme ou d’une autre d’argent public. Et ils dépendent tout autant du crédit privé.
Phys.org rapporte :
« Une étude de la King’s Business School et du Conseil de la Réserve fédérale révèle que la plupart des hausses de limites de crédit ne sont pas demandées par les consommateurs, mais automatiquement appliquées par les algorithmes des banques, souvent à des emprunteurs déjà endettés.
L’étude, intitulée Automated Credit Limit Increases and Consumer Welfare, montre qu’environ quatre augmentations de limites sur cinq aux Etats-Unis sont initiées par les banques, et non par les clients. Ces hausses automatiques représentent désormais plus de 40 milliards de dollars supplémentaires de crédit disponible chaque trimestre, attribués en grande majorité à des clients ayant déjà des soldes impayés. »
Ainsi, tous les regards se tournent vers la Fed. Si elle baisse les taux, les actions s’envolent et les prêts hypothécaires se refinancent. Si elle les augmente, une nation dépendante du crédit gémit et vacille. Presque tout le monde dépend désormais du crédit pour rester à flot.
Le temps, lui, est l’ami du prêteur. Chaque mois lui apporte davantage de revenus, qui s’accumulent et finissent par constituer un capital considérable.
Mais le locataire, l’emprunteur, le débiteur, lui, paie chaque mois pour avoir le privilège de participer à l’économie moderne. Il ne peut se reposer. Il ne peut profiter du fruit de son travail. Les champs, les plantes, les récoltes… tout cela appartient à quelqu’un d’autre. Sa voiture, sa maison, son téléphone, son abonnement de streaming, ses soins médicaux, la garde de ses enfants… tout se paie mois après mois.
Il ne peut pas « prendre un congé sabbatique », changer de carrière ou simplement flâner sur une plage en écoutant les sirènes chanter. Il n’a pas le temps de réfléchir sérieusement.
Il doit payer les mensualités. Et s’il cesse de payer, son monde s’effondre : plus de maison, plus de voiture, plus de cartes de crédit, plus d’Internet… et peut-être plus de famille non plus.
Il est prisonnier du système monétaire fictif. Il ne possède rien. Il n’a pas de capital. Il n’est qu’un travailleur, un prolétaire, un payeur d’intérêts.
Endetté, hypothéqué, lié pour la vie… errant comme un mort parmi les vivants.
