Donald Trump veut forcer les Japonais, Coréens et Européens à investir leurs excédents commerciaux dans l’économie américaine. Un projet audacieux… mais qui ressemble à une planification centralisée vouée à l’échec.
L’actualité du week-end dernier a été dominée par la rencontre entre Trump et Poutine en Alaska. Une rencontre importante, car elle a permis à Vladimir Poutine d’exposer la position russe – ce qui pourrait ouvrir la voie à une fin de la guerre.
Mais du point de vue financier, l’événement majeur s’était produit plus tôt dans la semaine… et relevait d’un véritable moment WTF.
Nous avions déjà ri plus tôt cette année lorsque Trump avait annoncé la création d’un « fonds souverain ». « Avec quel argent ? », nous étions-nous demandé. Les Etats-Unis affichent une dette de 37 000 milliards de dollars. Où est la richesse ?
Trump avait répété qu’il ferait « payer les étrangers ». Les Mexicains devaient financer le mur. Puis, les pays excédentaires devaient s’acquitter de droits de douane censés rembourser la dette nationale. Mais cela ne pouvait pas fonctionner, car ce ne sont pas les exportateurs qui paient les droits de douane, mais les importateurs… qui refacturent ensuite aux actionnaires et consommateurs.
En réalité, les droits de douane ne sont qu’une taxe nationale sur la consommation.
La semaine dernière, pourtant, il a semblé y avoir une méthode dans cette folie, ce qui la rendait plus folle encore.
Mardi, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a présenté à Larry Kudlow un plan destiné à « faire payer les étrangers » :
« Nous avons conclu des accords selon lesquels les Japonais, les Coréens et, dans une certaine mesure, les Européens investiront dans des entreprises et des industries selon nos directives, en grande partie à la discrétion du président. »
Selon lui, les excédents commerciaux accumulés à l’étranger – 550 milliards de dollars pour le Japon, par exemple – seraient réinjectés dans l’économie américaine et orientés par la Maison-Blanche. Et une fiche d’information a précisé que les Etats-Unis percevraient 90 % des bénéfices générés.
Ouf ! Quelle audace ! Les étrangers détiendraient de plus en plus d’actifs américains stratégiques, mais Washington garderait la part du lion. Une logique qui rappelle la sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale du Japon dans les années 1930 : les voisins étaient invités à rejoindre le projet économique nippon… ou à en subir les conséquences.
A l’époque, « en subir les conséquences » signifiait l’invasion pure et simple. Aujourd’hui, les partenaires commerciaux des Etats-Unis font face à la menace de droits de douane élevés, capables de paralyser leurs économies.
En pratique, ce sont les importateurs qui paient. Mais plus la facture augmente, plus il est difficile aux exportateurs de vendre. Résultat : le commerce ralentit, les deux parties en souffrent. Les Etats-Unis, forts du plus grand marché de consommation au monde, estiment néanmoins que leurs partenaires ne peuvent pas se permettre de refuser.
Business Standard ajoute des précisions :
« La politique commerciale du président Donald Trump a lié le financement de nouvelles usines américaines à l’assouplissement de certains droits de douane pour les alliés étrangers, une stratégie qui pourrait injecter plus de 10 000 milliards de dollars dans l’industrie manufacturière et les secteurs critiques des Etats-Unis… Les domaines concernés incluent les semi-conducteurs, les aimants, les produits pharmaceutiques, l’acier, l’automobile et les technologies de défense. »
Voyons voir…
Nous achetons une ventouse chez Costco. Une entreprise sud-coréenne réalise cinq cents de bénéfice. Elle les dépose et reçoit en échange sa monnaie locale. Ces centimes finissent à la banque centrale. Et désormais, pour avoir eu le privilège de nous fournir la meilleure ventouse au meilleur prix, le gouvernement sud-coréen devrait « investir » ces cinq cents aux Etats-Unis.
Jusqu’ici, ces excédents servaient à acheter des bons du Trésor américain comme réserve d’actifs. Mais entre l’inflation, la baisse du dollar et les ventes massives d’obligations, les étrangers ont perdu environ 20 % sur les Treasuries depuis 2020.
Désormais, ils seraient incités à acheter d’autres actifs américains, guidés par le Grand Chef lui-même, qui saurait – d’une manière ou d’une autre – où le capital serait le plus utile. Et si, par miracle, ces investissements politiques s’avéraient profitables, Washington s’approprierait 90 % des gains.
Une taxe de 90 % sur les profits étrangers ? Des « accords » déjà en place ? Peu probable.
Encore une expérience vouée à l’échec ! Avec les droits de douane, l’équipe Trump prétend que la planification centrale peut mieux orienter l’économie que des acheteurs et des vendeurs rationnels. Désormais, ses partisans veulent dissuader les étrangers de commercer avec les Etats-Unis, tout en expérimentant une politique industrielle centralisée. Ce n’est plus l’investisseur privé qui alloue le capital, mais le président en personne.
Que mille Amtrak fleurissent !
L’argent ira-t-il à Nvidia ? A Palantir peut-être, si ses dirigeants plaisent aux stratèges de Trump ? Aux centres de données ? A l’IA ? Aux semi-conducteurs ? Aux médicaments ? Les Magnificent Seven valent déjà 14 000 milliards de dollars. Si ces secteurs étaient réellement sous-financés, le marché y aurait déjà alloué ses capitaux.
Et si ce ne sont pas de bons investissements, quel intérêt public y a-t-il à y engloutir des milliards ?