▪ Les actions ont grimpé ; l’or stagne. Nous sommes d’avis que les spéculateurs parient sur les déclarations de la Fed la semaine prochaine. Avec les mauvais chiffres du chômage, il y a peu de chance que la Fed commence à sérieusement réduire ses injections de crédit.
Les spéculateurs ont probablement raison. La Fed est déjà allée trop loin. L’économie — si on peut appeler ça comme ça — dépend des taux zéro et de l’assouplissement quantitatif.
Par ailleurs, Ben Bernanke quitte son poste en janvier. Il cherche désespérément à maintenir les choses en l’état, de manière à pouvoir partir avec une réputation — si on peut appeler ça comme ça — intacte. Il a déjà ajouté 2 200 milliards de dollars aux engagements de la Fed. Qu’est-ce que quelques centaines de milliards supplémentaires ?
Cela nous fait penser à une catégorie d’activité humaine qui n’a jamais été correctement étudiée. Appelée "tankafère", elle représente probablement entre 10% et 15% du PIB d’un pays.
Nous y réfléchissions tandis que les "Bobby’s Potties" étaient désinstallées du jardin hier. Les toilettes mobiles de cette marque sont une merveille d’ingénierie sanitaire moderne. Elles comportent plusieurs compartiments, sont propres, bien éclairées…
"C’est même mieux que nos toilettes à la maison !" s’est exclamé notre fils Jules après les avoir essayées.
Un autre invité au mariage de notre fille a également été impressionné, mais différemment :
"Des WC aussi sophistiqués doivent avoir coûté aussi cher que mon mariage tout entier. Mais c’était il y a des années".
|
▪ Les temps ont changé…
Oui, cher lecteur, les temps ont changé. Les mariages sont plus grands et bien plus chers qu’ils l’étaient autrefois. Et l’un des principaux contributeurs à ce changement a été largement ignoré : les tankafère.
Voici par exemple comment nous nous sommes retrouvés avec les toilettes les plus chères de l’histoire de notre région.
"On n’a qu’à prendre quelques cabines toutes simples", a suggéré le père de la mariée. "Les gens doivent bien aller quelque part"…
"Beurk", a répondu son épouse. "C’est toujours dégoûtant, ces cabines. Nous organisons un mariage, il faudrait que ce soit parfait… quelque chose de vraiment bien. C’est quand même un événement qui n’arrive qu’une fois".
Et puis est arrivé un coup de pouce d’au moins 20% à l’économie locale…
"… Tankafère, faisons les choses correctement".
Ce n’était pas la première fois que nous rencontrions le facteur tankafère. Lorsque nous voyageons, des tankafère sont inévitablement ajoutés au prix du billet.
"Puisqu’on va à Paris, tankafère, passons par Zurich", tel était le plan cet été.
Des villes, des pays et des continents entiers ont été ajoutés aux itinéraires avec la doctrine du tankafère. Des restaurants, des hôtels, des complexes touristiques — tous dépendent majoritairement des dépenses tankafère.
▪ Les tankafère sévissent dans de nombreux domaines
Nulle part les tankafère ne contribuent autant à la croissance économique que dans le secteur de l’immobilier. Un couple va acheter la maison dont il a besoin. Ils en voient une qui est plus grande, plus belle et mieux située.
"On ne va tout de même pas déménager 15 fois… Tankafère, achetons la maison qu’on veut vraiment", raisonne l’un d’entre eux.
Lorsque nous sommes rentrés aux Etats-Unis après 18 ans passés en Europe, notre maison avait besoin d’un petit ravalement. Le plan d’origine était simple et sensé. Il nous fallait une cuisine plus grande ; c’était l’affaire d’une cloison à abattre… rien de plus.
Puis sont arrivés les tankafère.
"Puisque les plombiers sont là, tankafère, installons une salle de bain au rez-de-chaussée pour ta mère", a dit Elizabeth.
Nous ne pouvions refuser. Notre mère aura 94 ans la semaine prochaine. Elle a du mal à monter les escaliers.
Après avoir cédé au premier tankafère, il n’a pas fallu longtemps pour nous retrouver en pleine déroute… puis finalement dans un sauve-qui-peut général. Parce que les plombiers n’étaient pas les seuls à être là — il y avait aussi les charpentiers. Et les chauffagistes. Et les électriciens… et les maçons… et les ébénistes…
Une fois que nous avons accepté d’installer une porte coulissante (tankafère… nous avions toujours pensé que ce serait une bonne idée d’en avoir une), l’isolation a été arrachée dans une partie de la pièce. Doooonc… tankafère, autant enlever toute l’isolation et la refaire à neuf. Ensuite, tankafère, demandons à réaménager quelques cloisons puisque les structures sont accessibles… Et tankafère, mettons des escaliers un peu plus élégants.
Lorsque tout a été terminé la semaine dernière, à eux tous, les tankafère du mariage et de la rénovation avaient largement permis à quelques artisans locaux de se laisser aller à leurs propres tankafère… Lesquels ont à leur tour mis dans les poches des restaurateurs et des vendeurs de matériel de pêche de la région un peu d’argent tankafère.
C’est ainsi que la grande roue tourne… brassant l’argent… et transférant la richesse.
Nous continuons de dépenser plus que nous en avions l’intention sur des choses dont nous n’avons pas besoin, terminant avec moins que ce que nous aimerions.
Mais les tankafère dépassent de loin les budgets familiaux. Le facteur tankafère joue un rôle dans tous les aspects de la vie humaine.
Un homme dévalise une station-service. Tankafère, se dit-il, allons aussi braquer une banque.
Une femme suivant un régime strict se laisse aller à manger un éclair. La diète étant fichue, mangeons-en un deuxième, tankafère.
L’équipe Obama se dit que les Etats-Unis se sont déjà mis dans le pétrin jusqu’au cou au Moyen-Orient. Irak, Afghanistan, Libye… ma foi, tankafère, bombardons la Syrie aussi !