▪ Les week-ends précédents ont fourni une riche matière aux commentateurs et stratèges, offrant des opportunités de faire décaler fortement les indices boursiers et les parités monétaires.
Comme vous l’avez observé, les marchés sont partis dans tous les sens les lundis 11 et 18 juin… pour finalement n’aller nulle part en ce qui concerne Wall Street, la City, Francfort ou Paris. Les vendeurs à découvert se sont en revanche rachetés massivement à Milan, Madrid et surtout Athènes : ces places ont repris entre 5% et 10.
La journée de vendredi dernier a cependant été placée sous le signe de la consolidation, au lendemain d’une chute collective de 2% à 2,5% des indices américains. Mais alors que les places européennes avaient toutes les excuses pour lâcher prise, elles ont fait preuve d’une résilience inespérée : leur repli moyen s’établit à -0,4%, score final affiché par l’Euro-Stoxx 50 qui bute toujours sur les 2 200 mais grappille +0,2% sur la semaine écoulée.
Les opérateurs ont salué sans grand enthousiasme l’annonce par François Hollande de la mobilisation de 1% du PIB européen pour soutenir la croissance (soit environ 120 milliards d’euros). Ils jugent plus décisive la décision de la BCE d’accepter davantage de collatéraux à risque (comme des créances immobilières) en contrepartie des liquidités offertes au système bancaire.
▪ Les marchés ont-ils bien tout « pricé » ?
Paris qui consolidait de -0,75% vendredi a fini la semaine sur un score globalement positif (+0,1%). Ce résultat est presque anachronique compte tenu du flux de mauvaises nouvelles conjoncturelles ayant déferlé du 18 au 22 juin.
De la même façon, on peut se demander si les marchés américains ont véritablement pris en compte dans les cours le ralentissement qui se confirme aux Etats-Unis. Le S&P affiche encore +6% depuis le 1er janvier et le Nasdaq +11% — contre un repli moyen de -3% pour les indices de la Zone euro, soit un différentiel de +10% en faveur de Wall Street.
Envisager un rebond sur le Vieux Continent reste un véritable acte de foi, car rien de bon ne transparaît à la lecture des dernières statistiques en provenance du nord comme du sud de la Zone euro. En Allemagne, par exemple, l’indice IFO du climat des affaires chute de 1,6 à 105,3 ce mois-ci, contre 106,9 en mai et 109,8 en avril et en mars.
Et comment interpréter le résultat de l’audit bancaire divulgué jeudi soir ?
Ce rapport « indépendant » fait état de besoins de refinancement assez modestes de la part des banques espagnoles : 62 milliards d’euros contre plus de 120 milliards d’euros pour certaines agences de notation (cela dit, toutes les banques n’ont pas été auditées).
Les cambistes n’ont pas été convaincus par le montant presque bénin annoncé par les autorités ibériques, comme le démontre la faiblesse de l’euro qui retombe sur ses plus bas niveaux hebdomadaires, autour de 1,2530 $.
Symétriquement, les marchés n’ont pas sanctionné les 15 banques dégradées par Moody’s jeudi (dont plusieurs banques « systémiques » américaines et les trois plus grandes françaises Crédit Agricole, Société Générale et BNP Paribas (qui ont très bien « digéré » la nouvelle).
▪ La nouvelle bombe à retardement américaine
Aux Etats-Unis, les banques détiennent officiellement un encours de 904 milliards de dollars de prêts étudiants. Il faut y rajouter un montant supérieur à 100 milliards de dollars de prêts personnels destinés à financer leur logement, l’achat d’une voiture pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer une chambre sur les campus, etc.
Le taux officiel des prêts étudiants est plafonné à 3,4% jusqu’à fin juin. Il a été fixé par une loi fédérale pour une durée limitée… qui expire donc dans moins d’une semaine. Faute d’une reconduction, les banques seront bientôt libres de fixer le taux qui les arrange, en fonction de la solvabilité supposée de l’emprunteur.
En cas de hausse, les défauts de remboursement risquent de se multiplier. Les banques américaines ne risquent rien car les prêts sont garantis par l’Etat. C’est donc le budget fédéral qui risque de supporter le coût d’une vague de défaillance qui prend déjà des proportions alarmantes avec 25% d’incidents de crédit (retards à répétition ou défaut avéré) déjà comptabilisés.
La barre du tiers de prêts en défaut risque d’être rapidement atteinte si le Congrès US ne proroge pas les conditions actuelles car un effet de ciseau dévastateur menace la classe étudiante. Les jeunes doivent étudier plus longtemps pour obtenir un diplôme qui leur ouvre effectivement les portes des entreprises. Parallèlement, le nombre de postes à pourvoir — quel que soit le niveau d’études supérieures — a fortement chuté depuis 2008… et aucun vrai redémarrage ne semble poindre à l’horizon comme l’a souligné Ben Bernanke mercredi dernier.
Barack Obama met la pression sur le Congrès avec un double enjeu hautement stratégique pour son administration : éviter la prolifération des défauts de remboursements, qui plombent directement les finances du pays, et permettre aux jeunes de poursuivre leurs études cet automne. Cela leur éviterait de venir grossir prématurément les rangs des demandeurs d’emplois à la rentrée (nombre de jeunes risquent de jeter l’éponge si les taux flambent).
Wall Street, tout comme les adversaires républicains du Président, sait que les chiffres de l’emploi des mois de septembre et d’octobre joueront un rôle décisif auprès de l’opinion publique en vue des présidentielles de novembre.