▪ Selon plusieurs études concordantes, les riches et ultra-riches américains (disons les 5% les plus aisés au sein de la population) possèderaient 80% des actions cotées à Wall Street. Ce quasi-monopole de détention présente quelques avantages sympathiques et même assez originaux.
Tenez par exemple, cette manie qu’ont les indices américains de grimper de 5% à 7% en moyenne au cours des quatre ou cinq séances précédant la fin du mois calendaire (cela dure depuis six mois) : si vous êtes au courant de la combine, les fins de mois ne sont pas difficiles mais plutôt fastes pour les actionnaires !
Pendant ce temps-là, les soupes populaires font le plein. Les 15% d’Américains vivant sous le seuil de pauvreté (ils sont 45 millions) recomptent leurs bons d’alimentation en espérant pouvoir en retrouver un supplémentaire, tombé derrière la cuisinière de leur mobil-home.
A Wall Street, la fin de mois se solde par un autre genre de difficulté. Il s’agit de trouver une table dans un des restaurants les plus prestigieux et les plus branchés de Manhattan — avec si possible une cave offrant la plus large sélection de grands crus millésimés.
Mais laissons le soin aux indignés du mouvement Occupy Wall Street faire la démonstration du creusement abyssal des inégalités depuis le début du 21e siècle. Préoccupons-nous de notre côté de savoir si les riches peuvent le rester dans un contexte de contraction de la liquidité.
Bill Bonner a commencé à apporter quelques éléments de réponse dans sa chronique de mardi et nous voudrions y rajouter un éclairage supplémentaire. Est-ce que la Chine pourra continuer de financer l’Amérique — c’est-à-dire soutenir Wall Street — si la croissance s’effondre brusquement en Europe au cours des prochaines semaines ou des prochains mois ?
Parce que le vrai sujet de cette fin d’année, c’est la matérialisation du risque de faillite des Etats, les dettes souveraines commençant à inspirer la même défiance que les subprime trois ans auparavant.
▪ Les banques occidentales ont commencé à liquider leurs portefeuilles de bons du Trésor émis par des pays à risque (PIIGS) au début de l’été. Ce processus s’étend à l’ensemble des émetteurs de l’Eurozone — Allemagne comprise — depuis le début de l’automne.
Si les banques privées cessent également de participer aux opérations de refinancement germaniques (comme mercredi dernier), ne voyons-nous pas poindre le risque d’un krach obligataire majeur ?
Est-il encore temps d’appeler la Chine à la rescousse ?
▪ Les 3 000 milliards de dollars de réserves de change qu’elle possède font fantasmer beaucoup de monde. Mais une récente étude du FMI (de mémoire) évoque un montant pratiquement équivalent de créances douteuses dans le système bancaire chinois.
Tant que la croissance est au rendez-vous, le vélo économique parvient encore à rouler droit. Mais s’il continue de ralentir au rythme actuel quelques mois de plus, Pékin devra faire face à un nombre de faillites bancaires potentielles équivalent à ce qui survint au Japon 20 ans auparavant et dans des circonstances qui présentent de nombreuses similitudes.
L’étude des indices boursiers asiatiques en général et de la Bourse de Shanghai en particulier met en évidence (par simple superposition des graphiques) une corrélation très forte entre le Shanghai Stock Exchange et l’Euro-Stoxx 50 ou le CAC 40 depuis novembre 2010.
La relation semble moins étroite avec les indices américains, même en corrigeant les cours de la variation du dollar par rapport au yuan.
Alors le sursaut qui se matérialise à Paris pourrait bien correspondre à un nouvel exemple de rebond de chat mort (le fameux dead cat bounce si cher à Simone Wapler).
▪ Le CAC 40 affiche un score de 6% en 48 heures, son meilleur score hebdomadaire depuis la dernière semaine de juin et la dernière de septembre. Il revient ainsi au contact de la MM25 qui gravite vers 3 025 points.
Le gain atteint 8% en 72 heures, c’est le plus grand écart observé à Paris depuis le 23 septembre ou le 26 octobre dernier. La perte mensuelle se trouve réduite de 12,5% à 6,6%, un score comparable à novembre 2008 (-6,5%).
L’embellie actuelle a-t-elle la moindre chance de se poursuivre alors que la tension des taux continue de s’accentuer en Europe ?
▪ Les investisseurs se réjouissaient naïvement du fait que l’Italie ait réussi à lever presque facilement 7,5 milliards d’euros de refinancement mardi matin. Mais les rendements font froid dans le dos : Rome a placé 1,5 milliard d’euros de bons du Trésor à huit ans assortis d’un taux de 7,28%, 2,5 milliards d’euros de 10 ans à 7,50%… et, plus inquiétant encore, 3,5 milliards d’euros de bons à trois ans à 7,90%.
Un scénario qui présente de malencontreuses similitudes avec les crises aiguës qui ont frappé l’Irlande et la Grèce… avant que Bruxelles et la BCE ne débloquent des aides massives en faveur de ces pays (au travers du FESF).
Mais avec l’Italie, le problème change radicalement d’échelle et le FESF ne dispose déjà plus des 400 milliards d’euros évoqués fin octobre. Des rumeurs de marché évoquent des montants qui seraient plus proches de 300 ou 250 milliards d’euros. Même avec un levier de quatre, nous voici très loin des 2 000 milliards d’euros de force de frappe (démultipliée) évoquée lors de l’adoption du FESF renforcé — dont les marchés attendent encore qu’il voie le jour.
Alors Wall Street tente de se rassurer comme il peut. Il se met à croire aux miracles, à l’image de la « divine surprise » qu’a constitué le rebond spectaculaire de 15 points de la confiance des consommateurs calculée par le Conference Board. Le baromètre s’envole de 40,9 vers 56, c’est le plus gros écart de cette nature depuis 2003 !
Pas d’amélioration du marché du travail, ni du secteur immobilier (les prix de logements sont ressortis en baisse de-0,6% en septembre, 3,6% sur 12 mois), ni des revenus : rien aux Etats-Unis n’explique cette évolution pour le moins inespérée du moral des ménages. Elle serait liée à la baisse des prix des carburants… un argument qui peut laisser songeur.
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