La Fed n’a que deux armes dans son arsenal… toutes aussi mortelles pour l’investisseur…
« Même si l’inflation a diminué par rapport à son pic – ce qui présente un changement bienvenu – elle reste trop élevée. Nous sommes prêts à augmenter nos taux encore plus si c’est justifié, et avons l’intention de maintenir notre politique monétaire à un niveau restrictif jusqu’à ce que nous soyons certains que l’inflation est en train d’évoluer de manière continue vers notre objectif. »
~ Jerome Powell à Jackson Hole
Avant toute chose, voici une nouvelle venue tout droit d’Argentine, rapportée par Bloomberg :
« La banque centrale d’Argentine s’attend à ce que l’inflation mensuelle ait accéléré en août pour atteindre le double du niveau de juillet, après que le gouvernement a dévalué le peso ; cela représente un nouveau signe que l’économie du pays se détériore rapidement, d’après deux sources internes à la banque.
Les données d’août, qui devaient être publiées le 14 septembre par l’agence nationale en charge des statistiques, devraient ainsi éclipser les 6,3% d’inflation mensuelle que l’Argentine a observé en juillet, confirmant l’impact significatif sur les prix d’une dévaluation de 18% du peso annoncée par le gouvernement début août. »
Deux fois 6,3%, ça fait 12,6%. Et c’est 12,6% par mois. Pas par an. Par ailleurs, 12,6% d’inflation coûtent bien plus que 12,6%.
Les années « Dame Dos »
Carlos Menem avait un sourire éclatant, une personnalité chaleureuse et une barbe parmi les plus impressionnantes que nous n’avons jamais vu. C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais, dans les années 1990, lorsqu’il était président, l’Argentine n’avait presque aucune dette et aucune inflation.
Il y avait une raison simple à cette soudaine et surprenante période de solvabilité. L’inflation avait fait son ouvrage. Le pays avait traversé les flammes infernales de l’hyperinflation qui avaient réduit sa dette libellée en pesos en cendres… et poussé Menem à mettre en place un « peg », une équivalence entre un peso et un dollar… ni plus, ni moins.
C’étaient les années « Dame Dos ». Nos amis de Buenos Aires nous les ont expliquées :
« On allait au Brésil et, peu importe ce qu’on nous vendait… un dîner, des places pour un concert, une chambre d’hôtel, des cocktails… notre réponse était toujours la même : ‘Dame Dos !’, donnez-en deux !
Nos frères et sœurs brésiliens détestaient ça, bien sûr, comme nous étions riches. Mais à l’époque, ils nous battaient au foot. Maintenant, on a Messi… et pas d’argent. La coupe du monde est ici, en Argentine… mais on est fauchés. Et quand les Brésiliens viennent dans nos villes, manger dans nos parrillas, rester dans nos hôtels, ils nous disent ‘me dê dois, me dê dois’. »
La croissance économique a explosé. En quelques années, les créanciers du pays ont oublié les souffrances qu’ils avaient enduré si récemment, et les gauchos purent emprunter à nouveau – avant de snober leurs créanciers, une fois de plus, à peu près 10 ans plus tard.
Et maintenant, en 2023, encore une fois à court de crédits, ils se retournent vers leur planche à billet.
Notre fille, Maria, vit dans le pays désormais. Elle et son mari prennent soin de nos fermes, essayent de faire des affaires dans un pays où le sol financier bouge sous vos pieds… avec de petites secousses et des séismes catastrophiques quasi quotidiens.
Comment pouvez-vous investir dans une économie de ce genre ? Comment pouvez-vous planifier l’avenir ? Vous ne savez même pas ce que les choses coûteront demain. Alors, en ce qui concerne un avenir plus lointain… Ce n’est pas la peine d’essayer de deviner.
Entre parenthèses… Maria nous indique que la dernière récolte de raisins a été un désastre. Une gelée tardive a détruit la moitié des grains.
C’est le problème des vignes en haute altitude ; vous obtenez des arômes extraordinaires… mais vous en payez le prix. Des gelées précoces… des gelées tardives… de la grêle… une sécheresse – le climat permet d’obtenir un raisin extrêmement riche. Mais pas en grande quantité. Cette année, nous n’aurons assez que pour, au mieux, quelques centaines de bouteilles.
Mais fermons cette parenthèse…
50 000 Mds$ de dettes en surplomb
L’inflation est toujours et partout un phénomène politique. Aux Etats-Unis comme en Argentine, c’est une décision gouvernementale. Les gouvernements peuvent choisir d’y avoir recours… ou pas. Mais, lorsqu’ils commencent à le faire, c’est une habitude difficile à perdre. C’est « l’inflation ou la mort ». Ils doivent maintenir l’inflation pour éviter les banqueroutes et défauts. Ou bien ils doivent arrêter la musique et mettre un terme à la fête tout de suite.
Dans ces deux cas, le résultat final est à peu près le même… tôt ou tard, des cœurs sont brisés et des rêves anéantis. Les taux ultra-bas de la Fed ont incité des gens à emprunter. Un homme a emprunté pour créer une entreprise. Un autre a emprunté pour parier sur des actions. Un autre a emprunté pour s’acheter une maison. D’autres ont emprunté pour s’offrir des vacances ou des téléviseurs plus grands.
Tous ont leurs espoirs, rêves, aspirations et préférences. Et tous sont désormais empêtrés dans 95 000 Mds$ de dettes. Mais, en gardant les taux d’intérêt trop bas pendant trop longtemps, la Fed a falsifié les vrais coûts des choses. Et maintenant, alors que les taux d’intérêt remontent, cela devient de plus en plus dur de garder ces rêves intacts. Un jour ou l’autre, de nombreux rêves devront s’effondrer.
A l’heure actuelle, partant de la relation historique entre la production (mesurée par le PIB) et la dette, les Américains doivent à peu près 50 000 Mds$ de trop. Cette dette supplémentaire est un danger et un fardeau. Elle peut ruiner les créanciers comme les débiteurs, prenant des ressources au présent pour payer des hamburgers déjà mangés… des investissements déjà en faillite… et des coups de soleil estivaux qui ont déjà disparu. Avec de plus en plus de temps et d’argent orienté vers le passé, moins sont disponibles pour le futur ; la croissance ralentit.
Comme nos amis argentins nous l’ont montré, vous pouvez emprunter pendant longtemps, mais pas éternellement. A un moment, la dette n’est plus soutenable. Elle doit disparaître. Cela ne peut se produire que par le feu (inflation) ou la glace (déflation). Du point de vue de la banque centrale, c’est « l’inflation ou la mort ».
Mais même si les deux solutions éliminent l’excès de dette, elles sont loin d’être équivalentes.
Tango et drogues dures
Si la fête s’arrête brusquement, comme lorsque Paul Volcker a arrêté l’inflation des années 1970, beaucoup de gens seront mécontents. Ils grogneront tout en cherchant leurs clés de voiture. Beaucoup ne sont déjà pas en état de conduire. Ils ont trop emprunté, spéculé trop imprudemment et dépensé trop fastueusement. Ils devront commander un Uber. Certains tenteront de conduire eux-mêmes et se retrouveront dans un fossé… ou en prison.
Non, ça ne sera pas drôle. Mais, au moins, la majorité retrouvera son foyer en sécurité… et pourra aller travailler à l’heure le lendemain ; l’économie réelle sera relativement épargnée.
Mais si la Fed le choisit, elle pourrait mettre un morceau de tango… et même distribuer des drogues dures. Cela ferait durer la fête encore un peu plus longtemps… et les gens s’endetteraient encore plus. Ils feraient des investissements encore plus inconséquents. Ils seraient capables de dépenser plus. Et les conséquences seraient encore plus grave… tout simplement parce qu’il y aurait plus de mauvaises dettes à gérer.
Mais ce n’est pas tout. Regardez les économies qui ont essayé de réduire leur dette en ayant recours à l’inflation – le Zimbabwe, le Venezuela, l’Argentine ; l’inflation n’a pas juste éliminé les dettes… elle a détruit les économies également. Les investissements de long terme ont diminué. Des entreprises n’ont pas été créées. Celles qui existaient déjà ont dû lutter pour survivre. Les foyers ont réduit leurs dépenses. Les « riches » locaux ont placé leur argent à Miami… ou l’ont gaspillé en luxe inutile avant qu’il ne vaille plus rien.
En d’autres termes, l’inflation ne réduit pas seulement le prix des actifs… remettant les riches à leur place. Comme l’alcoolisme, elle complique le fait de gagner sa vie. Les gens s’appauvrissent. Leurs vies deviennent miteuses et sordides.
Des Argentins arpentaient les boulevards de Paris avec assurance, fiers d’être plus riches que les Français. Désormais, ils rôdent dans les allées sombres de Buenos Aires, fouillant dans les poubelles, à la recherche de restes de sandwichs abandonnés.
Qui paye pour l’inflation ? Qui paye pour la déflation ?
A suivre…