Les pouvoirs publics ne manquent jamais de créativité lorsqu’il s’agit de cacher les véritables raisons de leurs actes aux citoyens.
Vous avez aimé les guerres censées nous débarrasser du terrorisme et du coronavirus ? Le soutien à l’économie « quoi qu’il en coûte », concept contradictoire dont le grand public commence tout juste à comprendre l’inanité ? Le gigantesque plan de « réduction de l’inflation » de Joe Biden, qui n’est autre qu’une impression monétaire d’ampleur inédite dans l’histoire des Etats-Unis ?
Alors vous allez adorer le nouveau concept de justification morale de la dette, qui fait voler en éclat toute notion de prudence budgétaire.
Nous avions eu un avant-goût de la moralisation de l’économie avec les critères dits « ESG », ce sigle flou qui indique que l’activité d’une entreprise n’est pas évaluée uniquement sur ses éléments financiers, mais aussi en fonction de certains critères liés à l’environnement, au social et à la gouvernance.
Surfant sur la confusion des citoyens, toujours méfiants lorsqu’il s’agit de parler crument de considérations pécuniaires, notre gouvernement tire un nouveau lapin de son chapeau avec le concept d’emprunts verts.
Un amendement des députés Renaissance au projet de loi de finances – soutenu par le gouvernement – permettrait aux collectivités locales d’isoler la dette contractée pour financer la transition écologique.
Politiquement, ce montage créatif aurait le double mérite d’apporter une justification sociale à l’emballement de la dette publique et de rendre plus difficile sa comptabilisation. De la même manière que le budget de l’Etat est souvent présenté « hors charge de la dette » (55 Mds€ cette année, tout de même), que les engagements envers les futurs retraités de la fonction publique n’apparaissent pas dans la dette publique (sans quoi elle passerait de 98% à 17% du PIB !), la mesure permettra aux collectivités locales de comptabiliser leur endettement « vert » hors des enveloppes actuelles.
En pratique, cela reviendra à ouvrir une nouvelle poche d’endettement qui viendra encore grever les comptes publics et conduira à de nouvelles augmentations des taxes, lorsqu’il faudra la rembourser.
Le danger d’oublier la performance économique
A l’aide d’un battage politico-médiatique sans précédent, les critères ESG se sont frayé un chemin dans les assemblées générales, les rapports d’orientation et même chez les analystes de fonds d’investissement, qui se sont mis à évaluer les performances des placements à l’aune de ces valeurs sociales.
En France, la confusion quant au rôle des entreprises dans notre société a sans doute atteint son paroxysme avec la loi Pacte du 22 mai 2019, qui a même fait entrer définitivement les notions d’intérêt social, de raison d’être et de société à mission dans le droit.
Ces éléments ont permis de détourner l’attention des épargnants de la performance économique réelle des entreprises dites socialement responsables. Car les chiffres sont formels : à long terme, les grands entreprises ESG ne font pas mieux que les marchés dans leur ensemble. En s’appuyant sur plus de 1 100 papiers de recherche, la prestigieuse NYU (université de New York) a prouvé qu’il n’existe aucune corrélation entre le respect des critères ESG des fonds et leur réussite économique.
Les épargnants commencent à prendre conscience qu’afficher de belles valeurs sociales ne permet pas, comme annoncé au début de la mouvance, de dégager des bénéfices. Se pose désormais crûment la question de savoir s’ils sont prêts à perdre de l’argent pour financer le comportement social de l’entreprise. Les débats houleux qui ont eu lieu lors de plusieurs assemblées générales cette année montrent que la réponse est loin d’être évidente.
La situation de la future dette verte des collectivités locales est équivalente. Compartimenter et justifier la dette des collectivités locales « au nom de la planète » ne fera pas diminuer son poids pour les contribuables.
Cachez ces dépenses que je ne saurais voir
Le député des Hauts-de-Seine, Pierre Cazeneuve, concédait récemment dans la presse que « les collectivités se trouvent face à un mur d’investissements, non seulement pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (rénovation des bâtiments publics, éclairage, mobilité, etc.), mais aussi pour s’adapter au réchauffement climatique (végétalisation des cours d’écoles, aménagements des berges des cours d’eau, par exemple) ».
En d’autres termes, la trajectoire zéro carbone sur laquelle les gouvernements successifs se sont engagés n’est pas financée, et pas finançable, si les collectivités suivent les bonnes pratiques budgétaires.
Comment gérer cette situation inextricable ? En cassant le thermomètre, pardi.
De l’aveu même des rapporteurs, compartimenter la dette verte a pour objectif premier de « déculpabiliser » les décideurs et de déclencher les dépenses correspondant aux investissements pour la transition énergétique.
Les gestionnaires des collectivités locales n’ont pourtant pas besoin d’encouragement pour laisser filer les budgets. Depuis la fin de la pandémie, les dépenses de fonctionnement suivent globalement l’inflation (+4,5% en 2022, +4,9% estimés pour 2023), avec des frais de personnels qui augmentent plus vite que les salaires moyens en France (+5,1%, contre 4,5% l’an passé). Cette hausse des dépenses, jamais vue depuis les années 1980, s’est traduite par une hausse tout aussi importante des taxes et impôts (+3,9% en 2021, puis +4,8% en 2022).
Mais tout ceci n’est rien par rapport aux besoins de la décarbonation. Pour les députés, il est nécessaire que les collectivités locales réalisent près d’un tiers des dépenses publiques liées à la transition énergétique. Or, selon les méthodes de calcul, cela pourrait représenter un besoin en financement de 20 Mds€ (rapport Pisani-Mahfouz, mai 2023) à « plusieurs centaines de milliards » (Cour des Comptes, juillet 2023).
Une chose est certaine : peu importe la manière de comptabiliser ces dépenses et la dette afférente, ces investissements verts seront payés par le biais des taxes et impôts locaux. Un euro emprunté, même pour la bonne cause, est un euro qui doit être remboursé.
3 commentaires
Cela me fait penser à des mafieux qui imposent une « assurance » à un commerçant de Palerme.
Attention TION de ne pas déraper dans l’extrême inverse. L’article n’est que l’avis de l’auteur.
Augmenter sans cesse les impots et modérer les hausses de salaires et des retraites,conduit directement à la réduction du pouvoir d’achat …et la classe moyenne se retrouva au rang des pauvres…..Pensez que 60% des foyers fiscaux ne sont pas imposables sur le revenu,c’est à dire qu’il ne dispose pas de plus de 11000 e par personne pour vivre…..c’est vraiment peu et ce sera pire demain…..et c’est très grave….la France subit un grand déclassement……et pendant ce temps là ,nos élites se gargarisent de chiffres ,et de résultats exceptionnels……Le bateau coule et l’orchestre joue toujours…..comme le TITANIC…..on sait ce qu’il advint…….